Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 9 mai 2021 A... lesquelles la préfète de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence.
A... un jugement n° 2103480 du 18 mai 2021, la magistrate désignée A... la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
A... une requête enregistrée le 11 juin 2021, M. D..., représenté A... la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant A... Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2103480 du 18 mai 2021 de la magistrate désignée A... la présidente du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 9 mai 2021 A... lesquelles la préfète de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros A... jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
Sur le refus de délai de départ volontaire :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et le privant d'un délai de départ volontaire ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et le privant d'un délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
A... un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2021, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés A... M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les observations de Me Sabatier, représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien né le 12 mai 1992, déclare être entré en France en 2014. A... un arrêté du 18 mai 2016, dont la légalité a été confirmée A... un jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 octobre 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. A la suite de son interpellation le 9 mai 2021, la préfète de la Loire a pris à l'encontre de M. D... un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour pendant un an. A... un jugement du 18 mai 2021, dont M. D... relève appel, la magistrate désignée A... la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue A... la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. D... fait valoir qu'il est le père d'un enfant né le 7 novembre 2017 de son union avec Mme B... C..., qui a acquis la nationalité française A... décret du 31 mai 2018 et était enceinte de ses œuvres à la date de la décision attaquée, et avec laquelle il vit maritalement depuis 2017. Toutefois, pour établir la réalité de la vie commune qu'il allègue, M. D... se borne à produire une attestation de concubinage, établie pour les besoins de la cause le 10 mai 2021 soit le lendemain de l'arrêté attaqué, faisant état d'un concubinage à compter du 21 février 2017, ainsi qu'un carton d'invitation à un " mariage religieux " qui aurait été célébré entre les intéressés en janvier 2017. Ces pièces ne sauraient, à elles seules, établir l'ancienneté, ni même la réalité, de la communauté de vie, dont le requérant allègue qu'elle aurait débuté en 2017, au demeurant en contradiction avec les indications qu'il a lui-même fournies lors de son audition A... les services de police et avec ses écritures de première instance où il a successivement fait état d'un mariage qui aurait été contracté le 1er mai 2016 et d'un début de vie commune qui serait survenu au cours de l'année 2018. En outre, hormis une attestation peu précise établie A... la mère de Mme B... C... postérieurement à l'arrêté attaqué, M. D... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il aurait contribué à l'entretien ou à l'éducation de son fils depuis la naissance de celui-ci le 7 novembre 2017. Le requérant ne peut utilement se prévaloir d'une reconnaissance anticipée de paternité datée du 10 mai 2021, soit postérieurement à la décision en litige. L'intéressé, qui a été placé sous le régime de la détention préventive du 31 août 2019 au 4 juin 2020 dans le cadre d'une procédure pour des faits de violence aggravée, ne justifie pas davantage d'une intégration particulière dans la société française. Enfin, M. D... ne conteste pas disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vit notamment son enfant mineur né d'une précédente union, et où il a lui-même vécu pour l'essentiel. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de M. D..., la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne porte pas une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. A... suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. D... ne justifie pas, à la date de l'arrêté litigieux, de l'effectivité de la communauté de vie avec Mme B... C... et n'établit pas avoir contribué de quelque façon que ce soit à l'éducation ou à l'entretien de son fils. A... suite, la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".
8. Pour refuser d'octroyer un délai de départ volontaire à M. D..., la préfète s'est fondée sur les motifs tirés de ce que l'intéressé entrait dans le champ des dispositions du 4° et du 5° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que, A... un arrêté du 7 octobre 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé à M. D... la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le requérant, qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà de cette date, n'a pas exécuté cette mesure d'éloignement. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. D... aurait entrepris la moindre démarche en vue de se conformer à la décision du 7 octobre 2016 lui faisant obligation de quitter le territoire. Il s'est ainsi, A... sa passivité, soustrait de façon intentionnelle à l'exécution de cette mesure d'éloignement. La circonstance que cette mesure aurait été prise quatre ans avant l'arrêté en litige ne saurait, A... elle-même, constituer une circonstance particulière au sens de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 3, M. D... ne justifie pas avoir développé depuis lors une vie familiale suffisamment stable pour constituer une circonstance particulière au sens de cet article. Il résulte de l'instruction que la préfète de la Loire aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur le seul motif tiré de ce que l'intéressé s'était soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Dans ces conditions, la préfète de la Loire a pu légalement estimer que le risque de fuite de M. D... devait être regardé comme établi pour prendre, sur le fondement du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 5° de l'article L. 612-3 du même code, sa décision le privant d'un délai de départ volontaire. A... suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de cette décision doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, sans délai, que M. D... n'est, en tout état de cause, pas fondé à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour pour une durée d'un an :
10. En premier lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'étant pas illégales, M. D... n'est pas fondé à invoquer, A... voie d'exception, l'illégalité de ces décisions à l'encontre de celle lui interdisant le retour sur le territoire français.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
12. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. D..., qui n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre, n'établit pas la réalité de la vie commune avec la mère de son enfant âgé de trois ans à la date de l'arrêté attaqué et ne justifie pas davantage contribuer à l'entretien ou à l'éducation de cet enfant. S'il fait valoir que l'interdiction de retour en litige aura pour effet de le priver de relation avec son enfant à naître, il ne l'établit pas, l'enfant étant susceptible de voyager. Au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en limitant cette interdiction à une durée d'un an, la préfète n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
13. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, la magistrate désignée A... la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. A... voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public A... mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
F. PournyLa greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01929