La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/04/2022 | FRANCE | N°20LY00929

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 19 avril 2022, 20LY00929


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Granulats de Franche-Comté a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler le titre de recettes d'un montant de 25 263 euros émis à son encontre le 12 novembre 2018 par le directeur général de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse en vue du recouvrement de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique qui lui a été assignée au titre de l'année 2017, ainsi que la décision implicite portant rejet de sa réclamation préalable ;

2°) de prononcer

la décharge de l'obligation de payer la somme de 25 263 euros ;

3°) de mettre à la charge de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Granulats de Franche-Comté a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler le titre de recettes d'un montant de 25 263 euros émis à son encontre le 12 novembre 2018 par le directeur général de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse en vue du recouvrement de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique qui lui a été assignée au titre de l'année 2017, ainsi que la décision implicite portant rejet de sa réclamation préalable ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 25 263 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse une somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901767 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé le titre de recettes d'un montant de 25 263 euros émis le 12 novembre 2018 par le directeur général de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, a déchargé la société Granulats de Franche-Comté de l'obligation de payer la somme ainsi mise à sa charge et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 mars 2020 et un mémoire enregistré le 11 juillet 2020, l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, représentée par Me Léron (SELARL JL Avocat), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 décembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de la société Granulats de Franche-Comté ;

3°) de mettre à la charge de la société Granulats de Franche-Comté une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit, en inversant la charge de la preuve, et dénaturé les pièces du dossier, en estimant qu'elle n'apportait pas la preuve de l'existence d'une pollution ;

- il lui appartenait de faire application du coefficient d'élimination prévu par l'article R. 213-48-9 du code de l'environnement et par l'article 6 de l'arrêté du ministre en charge de l'environnement du 21 décembre 2007, à défaut pour la société Granulats de Franche-Comté de produire des mesures démontrant de meilleurs rendements épuratoires ;

- elle démontre que le dispositif en place ne permet pas d'éviter toute pollution, sans que la société Granulats de Franche-Comté ne puisse utilement se prévaloir de l'autorisation qui lui a été délivrée en tant qu'installation classée pour la protection de l'environnement ;

- elle s'en rapporte, pour les autres moyens soulevés en première instance, à ses écritures de première instance.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 25 mai 2020 et le 24 août 2020, la société Granulats de Franche-Comté, représentée par Me Hercé (SCP Boivin et associés), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées, en méconnaissance des articles R. 213-48-40 du code de l'environnement et 24 du décret du 7 novembre 2012 ;

- son assujettissement à la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique est dépourvu de base légale, en l'absence de rejets dans le milieu naturel ;

- le taux d'abattement appliqué est entaché d'erreurs de droit, le taux de 75 % n'étant nullement prévu par l'arrêté applicable et seul le taux de 100 % applicable aux fouilles fermées étant justifié ;

- ce taux procède en outre d'une erreur de fait, le troisième bassin de décantation n'étant pas hors d'état de fonctionnement.

Par ordonnance du 18 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux modalités d'établissement des redevances pour pollution de l'eau et pour modernisation des réseaux de collecte ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Emorine, avocat, représentant la société Granulats de Franche-Comté ;

Considérant ce qui suit :

1. L'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse relève appel du jugement du 27 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé le titre de recettes émis le 12 novembre 2018 par son directeur général à l'encontre de la société Granulats de Franche-Comté, au titre de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique due pour l'année 2017, et a déchargé cette dernière de l'obligation de payer la somme de 25 263 euros ainsi mise à sa charge.

Sur la régularité du jugement :

2. Si l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse reproche aux premiers juges d'avoir dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit en inversant la charge de la preuve, de telles erreurs, à les supposer même établies, ne sont pas susceptibles d'entacher le jugement attaqué d'irrégularité et relèvent de l'appréciation de son bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement : " I. - Toute personne (...) dont les activités entraînent le rejet d'un des éléments de pollution mentionnés au IV dans le milieu naturel directement ou par un réseau de collecte, est assujettie à une redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique. II. - L'assiette de la redevance est la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel (...). Elle est déterminée directement à partir des résultats du suivi régulier de l'ensemble des rejets (...). Toutefois, lorsque (...) le suivi régulier des rejets s'avère impossible, l'assiette est déterminée indirectement par différence entre, d'une part, un niveau théorique de pollution correspondant à l'activité en cause et, d'autre part, le niveau de pollution évitée par les dispositifs de dépollution mis en place par le redevable (...). La pollution évitée est déterminée à partir de mesures effectuées chaque année (...) ou, à défaut, à partir de coefficients évaluant l'efficacité du dispositif de dépollution mis en œuvre (...) ". Ces coefficients sont fixés par l'arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux modalités d'établissement des redevances pour pollution de l'eau et pour modernisation des réseaux de collecte, adopté en application de l'article R. 213-48-9 du code de l'environnement et qui distingue dans le tableau n° 6 de son annexe VI, les bassins de décantation sans réactifs, dotés pour les matières en suspension d'un coefficient d'élimination forfaitairement fixé à 0,50, et les fouilles fermées ou dispositifs de " recyclage et revalorisation ", disposant d'un coefficient de 1.

4. Il résulte de ces dispositions que seules les activités entraînant un rejet, dans le milieu naturel, de l'un des éléments de pollution mentionnés au IV de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement peuvent être assujetties à la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique. En l'absence d'un tel rejet dans le milieu naturel, la production de l'un de ces éléments de pollution, de même que la nature des dispositifs de dépollution éventuellement utilisés par l'exploitation, qui n'intervient que pour fixer le montant du coefficient d'élimination de la pollution et donc le montant de la redevance elle-même, et leur prétendue inefficacité, ne sauraient justifier l'application de cette redevance.

5. Il résulte de l'instruction que la société Granulats de Franche-Comté exploite, sur le territoire de la commune de Roye, une activité de broyage, concassage et criblage de matériaux alluvionnaires, qui consiste à laver les matériaux extraits d'un autre site, puis, pour certains d'entre eux, à les rincer, grâce à l'eau, dite " eaux de procédé ", prélevée dans un bassin d'eau claire aménagé sur le site. La société Granulats de Franche-Comté indique, sans être utilement contredite, que les eaux ainsi utilisées, chargées en matières en suspension, sont elles-mêmes dépolluées, en passant par différents bassins de décantation successifs ou par un fossé de décantation pour les moins polluées, avant d'être réinjectées dans le bassin d'eau claire et réutilisées pour une nouvelle opération de nettoyage ou de rinçage. Les eaux de procédé sont ainsi utilisées en circuit fermé, sans qu'il résulte de l'instruction que ce dispositif serait défaillant et générerait des rejets dans le milieu naturel. Par suite, et alors même que la société Granulats de Franche-Comté a recours, pour dépolluer les eaux de procédé, à des bassins de décantation dont l'efficacité a été remise en cause, en raison de l'obstruction de l'un d'eux, lors de la visite sur place du service d'inspection opérée le 13 mars 2016, son activité ne pouvait être assujettie à la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique.

6. Il résulte de tout ce qui précède que l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé le titre de recettes émis le 12 novembre 2018 par son directeur général à l'encontre de la société Granulats de Franche-Comté et a déchargé cette dernière de l'obligation de payer la somme de 25 263 euros ainsi mise à sa charge.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Granulats de Franche-Comté, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme de 2 000 euros à la société Granulats de Franche-Comté, en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse est rejetée.

Article 2 : L'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse versera à la société Granulats de Franche-Comté une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse et à la société Granulats de Franche-Comté.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00929


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00929
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-05-02 Eaux. - Gestion de la ressource en eau. - Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET JL AVOCAT (SELARL)

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-19;20ly00929 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award