Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une requête enregistrée sous le n° 1801808 la société civile d'exploitation agricole Domaine La Marquise a demandé au tribunal administratif de Dijon :
1°) d'annuler l'arrêté n° BFC-2018-025 du 1er février 2018 du préfet de région Bourgogne-Franche-Comté portant autorisation tacite d'exploiter accordée à la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... ;
2°) d'annuler la décision du 15 mai 2018 par laquelle le préfet de région Bourgogne-Franche-Comté annonce qu'il va procéder à un nouvel examen de sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une requête enregistrée sous le n° 1802378 la SCEA Domaine La Marquise, représentée par la société civile professionnelle Pascal-Verrier a demandé au même tribunal :
1°) de joindre les requêtes n° 1801808 et 1802378 pour statuer par un unique jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté n° BFC-2018-025 du 1er février 2018 du préfet de région Bourgogne-Franche-Comté portant autorisation tacite d'exploiter accordée à la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... ;
3°) d'annuler la décision du 15 mai 2018 par laquelle le préfet de région Bourgogne-Franche-Comté annonce qu'il va procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de région Bourgogne-Franche-Comté a rejeté son recours gracieux ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1801808-1802378 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision d'autorisation tacite d'exploiter accordée à la SARL Domaine Nathalie et Gilles B....
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 octobre 2019 et 25 février 2020, la SARL Domaine Nathalie et Gilles B..., représentée par la SCP Brocherieux, Guerrin-Maingon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 20 septembre 2019 en ce qu'il a décidé en son article 1er que la décision d'autorisation tacite d'exploiter accordée à la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... est annulée ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de la SCEA Domaine La Marquise A... la décision d'autorisation tacite d'exploiter accordée à la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... présentée devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de la SCEA Domaine La Marquise une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'existence d'un preneur en place n'est pas suffisante pour motiver le refus d'autorisation d'exploiter, dès lors qu'il faut également que ce preneur en place se trouve à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures, alors que le tribunal administratif n'a pas analysé la situation respective des deux exploitations au regard de ce schéma ;
- il existe une totale incertitude concernant les conditions réelles d'exploitation de la SCEA Domaine La Marquise.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2019, la SCEA Domaine La Marquise représentée par Me Pascal-Verrier :
1°) conclut au rejet de la requête, y compris dans sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la confirmation du jugement rendu par le tribunal administratif de Dijon en ce qu'il a annulé l'autorisation tacite d'exploiter accordée à la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... et qu'il a condamné l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) demande que le jugement soit infirmé en ce qu'il décide qu'elle devra verser à la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) et demande à ce la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... soit condamnée aux entiers dépens.
Elle fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il déclare s'en remettre à la sagesse de la cour dans cette affaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Les époux C... B... ont donné à bail rural à la SCEA Domaine La Marquise une parcelle de vignes cadastrée YN 211 en appellation Chablis, située au lieu-dit Sur Cuilasson, à Chablis, dans l'Yonne, d'une superficie de 7 160 m², du 1er novembre 2009 au 31 octobre 2018. Les propriétaires ont donné congé à la SCEA pour le terme du 31 octobre 2018. La SARL Domaine Nathalie et Gilles B... a adressé les 17 juillet et 18 septembre 2017 au préfet de l'Yonne une demande d'autorisation d'exploiter cette parcelle. Le préfet de l'Yonne a accusé réception du dossier complet à la société le 27 septembre 2017, publié au recueil des actes administratifs spécial du 1er février 2018 de la préfecture de région Bourgogne-Franche-Comté. Par une lettre adressée le 13 février 2018 à la direction départementale des territoires de l'Yonne, la SCEA Domaine La Marquise a fait connaître son opposition à cette autorisation d'exploiter tacite née le 1er février 2018. Par une lettre de son conseil du 15 mars 2018, la SCEA Domaine La Marquise a présenté un recours gracieux à l'encontre de l'autorisation tacite d'exploiter résultant de la publication, le 1er février 2018, de l'accusé de réception de dossier complet du 27 septembre 2017. Le 15 mai 2018, le préfet de région Bourgogne-Franche-Comté a informé la SCEA de son intention de procéder à un nouvel examen de sa situation et l'a invitée à produire les copies des contrats de travail de ses salariés à la direction départementale des territoires de l'Yonne dans un délai de dix jours. La SCEA Domaine La Marquise a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler d'une part, la décision implicite d'autorisation d'exploiter née A... la publication de l'accusé de réception de dossier complet et la décision du 15 mai 2018 du préfet de région Bourgogne-Franche-Comté, d'autre part, eu égard à la portée de ses écritures, la décision implicite de rejet, née du silence de l'administration sur son recours gracieux du 15 mars 2018. La SARL Domaine Nathalie et Gilles B... relève appel du jugement n° 1801808 rendu le 20 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision d'autorisation tacite d'exploiter qui lui avait été accordée. Par des conclusions d'appel incident, la SCEA Domaine La Marquise demande que le jugement n° 1802378 soit infirmé en ce qu'il décide qu'elle devra verser à la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " I. Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : / 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (...) ". Aux termes de l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative assure la publicité des demandes d'autorisation dont elle est saisie, selon des modalités définies par décret. Elle vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. " . Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ;...". L'article R. 331-6 dudit code dispose : " Le préfet de région dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande d'autorisation...A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ou, en cas de prorogation de ce délai, dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée. En cas d'autorisation tacite, une copie de l'accusé de réception mentionné à l'article R. 331-4 est affichée et publiée dans les mêmes conditions que l'autorisation expresse. ".
3. Il est constant que la SCEA Domaine La Marquise avait la qualité de preneur en place jusqu'au 31 octobre 2018 et que la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... était candidate à la reprise, dès lors qu'elle avait déposé une demande d'autorisation d'exploiter. Par conséquent, le préfet de région Bourgogne-Franche-Comté, devait, en application des dispositions précitées, pour statuer sur la demande de la SARL, analyser les rangs de priorité de chacune des deux sociétés au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Bourgogne. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des motifs de la décision tacite d'autorisation, communiqués, à la demande du tribunal administratif de Dijon, le 27 février 2019, par le préfet de région Bourgogne-Franche-Comté, que " la formulation de la demande d'autorisation ne pouvait que conduire le service instructeur à conclure à l'absence de preneur en place ". Par suite, l'administration, qui n'a pas tenu compte de l'existence d'un preneur en place, n'a donc pas, pour statuer sur la demande de la SARL, comparé les rangs de priorité de chacune des deux sociétés au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Bourgogne, alors même que la demande d'autorisation d'exploiter mentionnait bien l'arrivée à son terme du bail précédent et l'existence d'un preneur en place. Dans ces conditions, les premiers juges ont pu estimer, à bon droit, que le préfet de région Bourgogne-Franche-Comté avait commis une erreur de droit de nature à justifier l'annulation de la décision d'autorisation tacite d'exploiter accordée à la SARL Domaine Nathalie et Gilles B..., sans qu'il soit nécessaire que l'administration ait examiné la situation respective des deux exploitations au regard de ce schéma. La double circonstance, à la supposer même établie, que la SCEA Domaine La Marquise ne démontre pas qu'elle se trouvait à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles ou bien qu'il existe une incertitude concernant les conditions réelles d'exploitation de cette société, est sans influence sur la solution du litige. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu par la SCEA Domaine La Marquise, l'obligation de se prononcer par une décision expresse motivée n'est applicable qu'en cas de décision de refus d'autorisation d'exploiter.
4. Il résulte de tout ce qui précède, que la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision d'autorisation tacite d'exploiter qui lui avait été accordée.
Sur l'appel incident de la SCEA Domaine La Marquise :
5. La SCEA Domaine La Marquise demande, par la voie de l'appel incident, que le jugement n° 1802378 soit infirmé en ce qu'il décide qu'elle devra verser à la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Toutefois, faute pour la société d'apporter la moindre justification de nature à justifier sa demande, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, celles-ci ne sont, en tout état de cause, pas fondées et doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCEA Domaine La Marquise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SARL Domaine Nathalie et Gilles B....
7. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". La présente instance n'a donné lieu à aucun dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions présentées par la SCEA Domaine La Marquise à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE:
Article 1er : La requête de la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SCEA Domaine La Marquise tendant à ce que la SARL Domaine Nathalie et Gilles B... soit condamnée aux entiers dépens sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la SCEA Domaine La Marquise présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Domaine Nathalie et Gilles B..., à la SCEA Domaine La Marquise et au ministre de l'agriculture.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.
Le rapporteur,
Gilles FédiLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 19LY03858