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12/04/2022 | FRANCE | N°21LY01227

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 12 avril 2022, 21LY01227


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat de copropriété B... et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le maire de Megève a autorisé la société SCCV Plaine Saint-Michel à construire douze logements d'habitation collective sur une parcelle cadastrée A..., ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux contre ce permis.

Par un jugement n° 2001543 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble a, après avoir pris acte d'un désiste

ment d'une partie des demandeurs, annulé le permis attaqué en tant qu'il ne prévoit ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat de copropriété B... et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le maire de Megève a autorisé la société SCCV Plaine Saint-Michel à construire douze logements d'habitation collective sur une parcelle cadastrée A..., ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux contre ce permis.

Par un jugement n° 2001543 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble a, après avoir pris acte d'un désistement d'une partie des demandeurs, annulé le permis attaqué en tant qu'il ne prévoit pas le raccordement du dispositif d'infiltration au réseau des eaux pluviales et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 avril 2021, le syndicat de copropriété Le Sappi, représenté par la SCP Ducrot Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 février 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) d'annuler totalement l'arrêté du 12 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Megève la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a intérêt pour agir dès lors que la copropriété est implantée sur une parcelle limitrophe de celle où s'implantera le projet et dès lors que ce projet sera à l'origine d'un préjudice de vue et d'agrément compte tenu de son implantation à proximité de la limite séparative ;

- le dossier de demande de permis de construire est incomplet au regard de l'article R. 431-16 e) du code de l'urbanisme ; le document annexé à la demande de permis se borne à mentionner que " le contrôleur technique a fait connaître son avis sur la base des documents du projet de permis de construire " en renvoyant à un rapport d'examen non fourni aux services instructeurs ;

- le permis a été délivré en méconnaissance de l'article 4UH du règlement du PLU et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; le projet fera barrage à l'écoulement naturel des eaux pluviales et aggrave un risque d'inondation de la parcelle d'assiette de la copropriété ; le projet méconnaît les annexes sanitaires du PLU auxquelles renvoie l'article UH 4 précité, lesquelles interdisent la création de " cuvettes " ;

- le projet est incompatible " avec l'OAP " dès lors qu'il ne prévoirait pas pour les ouvrages nécessaires à la rétention des eaux pluviales (EP) d'aménagements paysagers et à dominante naturelle ;

- le permis en litige a été délivré en méconnaissance de l'article 11 UH du règlement ; le projet compte tenu de son gabarit et de sa volumétrie minimisée par les documents d'insertion accompagnant la demande de permis, ne s'insère pas dans son environnement bâti immédiat, constitué contrairement à ce qu'a affirmé le tribunal, d'un tissu périurbain peu dense ; le bâtiment ne s'implante ni en limite de propriété, ni à l'alignement sur la façade la plus étroite et son faitage n'est pas dans le sens de celui des constructions voisines ;

- le permis en litige a été délivré en méconnaissance de l'article 12 UH du règlement du PLU.

Par un mémoire enregistré le 10 décembre 2021, la société Plaine Saint Michel, représentée par la Selarl BCV AVOCATS, conclut au rejet de la requête, et à ce que le requérant lui verse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction est intervenue le 17 janvier 2022 en application d'une ordonnance prise le 21 décembre 2021 sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Magnon pour le syndicat de copropriété Le Sappi et celles de Me Combaret pour la société Plaine Saint Michel ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 septembre 2019, le maire de Megève a délivré à la société SCCV Plaine Saint Michel un permis de construire un bâtiment comprenant douze logements pour une surface de plancher créée de 955,70 m² au lieudit Plaine Saint Michel à Megève. Par jugement du 15 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble a, faisant application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, annulé ce permis en tant qu'il ne prévoyait pas le raccordement du dispositif d'infiltration au réseau de collecte des eaux pluviales. A la suite de cette annulation partielle, le pétitionnaire a obtenu un permis de construire modificatif par arrêté du 4 juin 2021. Le syndicat de copropriété Le Sappi relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

2. En premier lieu, l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme prévoit que " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : (...) e) Dans les cas prévus par les 4° et 5° de l'article R. 125-17 du code de la construction et de l'habitation , un document établi par un contrôleur technique mentionné à l'article L. 111-23 de ce code, attestant qu'il a fait connaître au maître d'ouvrage son avis sur la prise en compte, au stade de la conception, des règles parasismiques et paracycloniques prévues par l'article L. 563-1 du code de l'environnement ; ". Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis est conforme à ces dispositions dès lors qu'elle comporte l'attestation du contrôleur technique selon laquelle les règles parasismiques ont été prises en compte dans les " documents établis en phase de dépôt du permis de construire " dont il annexe la liste, cette mention impliquant nécessairement la prise en compte des règles précitées au stade de la conception du projet. Par ailleurs, la circonstance que l'attestation fasse référence à un rapport d'examen non joint est sans incidence sur la légalité du permis de construire dès lors qu'aucune disposition du code de l'urbanisme n'impose de joindre un tel rapport.

3. En deuxième lieu, l'article 4 UH du règlement du PLU dispose au point 4.3 que " Tout terrain d'assiette d'une opération doit comporter un minimum d'espaces perméables en pleine terre correspondant à une part des espaces libres de toute construction. Cette part devant être clairement identifiable et quantifiée dans les demandes d'autorisation et doit être au minimum : dans le secteur UH2 de 30% (...). Toute construction ou installation, toute surface perméable nouvellement créée doit être équipée d'un dispositif d'évacuation des eaux pluviales conforme aux recommandations techniques prescrites en application des annexes sanitaires du PLU et du règlement des eaux pluviales. ". Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

4. En se bornant à produire des photographies montrant des eaux stagnantes suite à des épisodes pluvieux à l'appui de son moyen tiré de ce que l'annulation partielle prononcée par le tribunal demeure insuffisante pour pallier le risque de submersion des parcelles avoisinantes par les eaux pluviales, le projet faisant barrage à l'écoulement naturel de ces eaux, le requérant n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le permis modificatif obtenu le 4 juin 2021 prévoit la création d'un bassin de rétention/infiltration avec surverse dans le réseau public des eaux pluviales. Par ailleurs, si les plans des façades Est et Ouest montrent que, sur le côté nord, est pratiqué un décaissement d'une vingtaine de centimètres afin d'implanter la construction, toutefois ce léger décaissement ne constitue pas une " cuvette " susceptible de faire obstacle au ruissellement des eaux et prohibée par les dispositions de l'article 4UH lesquelles renvoient aux annexes sanitaires du PLU.

5. En troisième lieu, le requérant soutient que le projet serait incompatible avec " l'orientation d'aménagement et de programmation " (OAP) dès lors qu'il ne prévoirait pas pour les ouvrages nécessaires à la rétention des eaux pluviales d'aménagements paysagers et à dominante naturelle.

6. La fiche action n°3 de l'OAP patrimoniale sur le territoire de Megève préconise " Pour la prise en compte de la nature en milieu urbanisé dans les zones U et AU du PLU : En cas d'ouvrages nécessaires à la rétention des eaux pluviales, et en fonction des contraintes du projet et de la superficie du terrain, la réalisation d'aménagements paysagers et à dominante naturelle doit être privilégiée et de types fossés, noue ou dépression du terrain naturel ou existant. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet, tel que modifié par arrêté du 4 juin 2021 prévoit la création d'un bassin de rétention et d'infiltration à ciel ouvert avec trop plein permettant une déverse dans le réseau public en cas de pluies exceptionnelles. Par ailleurs, la notice descriptive annexée à la demande du permis de construire modificatif précise outre les capacités de débit et de surverse du système préconisé que " ce bassin de rétention est un aménagement complètement naturel selon un profilage spécifique du terrain et sans aucune partie maçonnée ne générant pas d'emprise au sol. ". Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité du projet en litige avec les orientations de l'OAP patrimoniale précitées manque en fait et doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes du a) de l'article 11.1 UH du règlement du PLU: " L'implantation, le volume et les proportions des constructions et installations dans tous leurs éléments doivent être déterminés en tenant compte de l'environnement et en s'y intégrant le mieux possible, en particulier par leur adaptation au terrain naturel et par leurs aménagements extérieurs, et notamment du point de vue des perceptions lointaines et dominantes de ladite construction. Les constructions et installations par leur composition et leur accès, doivent s'adapter au terrain naturel sans modification importante des pentes de celui-ci. Le blocage des pentes doit être réalisé : - soit par des plantations ; - soit par un mur de soutènement. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante au cœur de l'espace densément urbanisé de Megève, composé de vastes chalets, d'habitations collectives et de commerces, à proximité immédiate de bâtiments de gabarit similaires. Par ailleurs, si la construction projetée n'est pas alignée, notamment son faîtage, par rapport à la construction immédiatement voisine, il ressort toutefois des pièces du dossier que les constructions présentes dans l'environnement proche ne présentent aucune cohérence d'implantation entre elles, y compris quant au sens de leur faîtage. Dans ces conditions, le maire a pu sans erreur d'appréciation pour l'application des dispositions précitées au point 8 délivrer le permis attaqué.

10. En dernier lieu, l'article UH 12 du règlement exige pour les habitations de plus de deux logements en secteur UH 2 la création de deux places de stationnement par logement dont au moins 75% sont intégrées dans le volume de la construction.

11. D'une part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges aux points 18 et 19 du jugement, aucune disposition du code de l'urbanisme n'impose la production d'un plan des stationnements souterrains du projet, que le service instructeur ne pouvait donc exiger. D'autre part, il ressort de la notice de présentation produite à l'appui de la demande de permis de construire intial, qui n'a pas été modifié sur ce point par le permis de construire modificatif, que le projet, qui prévoit la création de douze logements et, en conséquence, de trois places de stationnement PMR en surface et de vingt-quatre places de stationnement à l'intérieur du bâtiment, satisfait ainsi aux exigences du règlement du PLU. Enfin, alors que le PLU ne fait pas référence à la norme NF P91-120 sur les parcs de stationnement privés laquelle ne saurait en l'espèce être utilement invoquée, il ressort des pièces du dossier que le projet dédie au stationnement intérieur l'ensemble de la surface du sous-sol du bâtiment, soit 697 m², et que cette surfacve est supérieure à l'emprise du bâtiment projeté. Dans ces conditions, c'est par une exacte application des dispositions précitées au point 10 que le maire de Megève a accordé le permis de construire en litige.

12. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à la totalité de sa demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par syndicat de copropriété Le Sappi tendant à la mise à la charge de la commune de Megève, qui n'est pas partie perdante, des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat de copropriété Le Sappi la somme 2 000 euros à verser à la société Plaine Saint Michel sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat de copropriété Le Sappi est rejetée.

Article 2 : Le syndicat de copropriété Le Sappi versera à la société Plaine Saint Michel la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat de copropriété le Sappi, à la société SCCV Plaine Saint Michel et à la commune de Megève.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.

La rapporteure,

Christine PsilakisLa présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transition écologique, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01227


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01227
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DPA DUCROT AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-12;21ly01227 ?
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