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31/03/2022 | FRANCE | N°21LY01237

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 31 mars 2022, 21LY01237


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Grenoble d'annuler la décision du 7 août 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité et de porter le taux global de sa pension à 40 %, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale.

Par un jugement n° 1907277 du 22 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble, à qui la demande a été transmise en application du décret n° 2

018-1291 du 28 décembre 2018, a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Grenoble d'annuler la décision du 7 août 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité et de porter le taux global de sa pension à 40 %, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale.

Par un jugement n° 1907277 du 22 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble, à qui la demande a été transmise en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2021, M. B..., représenté par Me Moumni, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 février 2021 ;

2°) de réformer la décision du 7 août 2018 et de faire droit à sa demande de révision de sa pension au titre d'une hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents en fixant à 15 % le taux global d'invalidité résultant de l'aggravation ;

3°) avant-dire-droit, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer le taux de ses infirmités, l'ampleur de leur aggravation et l'imputabilité de cette dernière au service ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par son conseil à la part participative de l'État à l'aide juridictionnelle.

Par un mémoire récapitulatif, enregistré le 21 décembre 2021, M. B... conclut aux mêmes fins que sa requête.

Il soutient que :

- il établit l'aggravation de ses pertes auditives constituant ses infirmités à la date de sa demande de révision de pension ;

- la valeur de ses pertes auditives résultant de la moyenne des constats effectués par les audiogrammes qu'il a subis conduit à un taux d'aggravation de l'invalidité d'au moins 15 % ;

- il ne peut être soutenu médicalement que l'hypoacousie d'origine sono-traumatique n'est pas évolutive ; en tout état de cause, à supposer qu'elle soit due au seul vieillissement, l'aggravation de l'infirmité justifie une révision du taux ;

- l'aggravation n'a aucune cause extérieure ;

- les circonstances de son dossier, et notamment les faiblesses de l'expertise qu'il a subie, établissent l'utilité d'une expertise judiciaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 janvier 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les séquelles du traumatisme sonore subi par M. B... sont insusceptibles d'évolution dans le temps ; M. B... n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, le lien entre l'aggravation de ses infirmités et le service, qu'il a quitté en 1974 ;

- à supposer que puissent être pris en compte les acouphènes au titre desquels aucune demande de révision n'a été formée, M. B... n'établit aucune aggravation de ces derniers ;

- quel que soit le barème de référence à considérer, M. B... ne justifie pas d'une aggravation de ses infirmités à un taux excédant le seuil minimal de 10 % ;

- l'utilité de la demande d'expertise n'est pas justifiée.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;

- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1 Alors qu'il effectuait son service national dans l'armée de terre, M. B... a été victime d'un accident de service le 1973. Une pension militaire d'invalidité, renouvelée à l'identique en 1980, lui a été concédée initialement par un arrêté du 23 août 1977 au taux global de 25 % pour, d'une part, une hypoacousie bilatérale au taux de 2 % associée à une perte de sélectivité au taux de 10 %, et, d'autre part, des acouphènes, au taux de 10 %. Par une décision du 7 août 2018, la ministre des armées a rejeté la demande de M. B..., formée le 10 mars 2017, tendant à la révision de sa pension pour aggravation de la perte auditive. M. B... fait appel du jugement du 22 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, sur renvoi, en application du décret du 28 décembre 2018, du tribunal des pensions militaires de Grenoble saisi initialement, a rejeté son recours contre ce refus.

2 En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) / 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; (...). " L'article L. 121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. "

3 Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.

4 En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. "

5 Il résulte de ces dispositions que lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension, comparativement à l'état de cette invalidité à la date de la dernière décision de concession en fixant le taux. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée.

6 D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : - a) 30 % en cas d'infirmité unique ; - b) 40 % en cas d'infirmités multiples. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. "

7 Il suit de ce qui vient d'être dit au point 5 que l'appréciation de l'évolution de l'hypoacousie bilatérale et de la perte de sélectivité, constituant l'infirmité n° 1 au titre de laquelle, exclusivement, a été présentée la demande de révision de M. B..., doit porter sur la période écoulée entre le 25 février 1991 et le 9 mars 2017.

8 A l'appui de sa critique des conclusions de l'expertise pratiquée par le Dr D... le 12 juin 2018, M. B... ne peut en premier lieu utilement invoquer le caractère lacunaire, selon ses affirmations, des observations concernant les acouphènes constituant l'infirmité n° 2, dès lors que sa demande de révision ne portait en tout état de cause, ainsi qu'il est dit au point précédent, que sur l'infirmité n° 1, constituée par l'hypoacousie et la perte de sélectivité. En second lieu, la seule circonstance que l'expert ait reporté dans le corps de son rapport une valeur erronée, supérieure à celle relevée par l'audiogramme qu'il avait pratiqué et qui est resté annexé au document, est, comme l'a relevé le tribunal, sans influence sur la valeur référentielle de cette expertise.

9 Il résulte de l'instruction, et notamment des audiogrammes réalisés respectivement le 14 février 2017 par le Dr C... et le 12 juin 2018 par le Dr D..., celui-ci dans le cadre de l'expertise médicale demandée par l'administration pour l'instruction de la demande de M. B..., que les capacités auditives de l'intéressé s'étaient notablement dégradées durant la période mentionnée au point 7.

10 Il est toutefois constant que, si M. B... a été victime du traumatisme sonore générateur de son infirmité le 23 novembre 1973 au cours de son service national actif, sa radiation des contrôles le 1974 a eu pour effet de le soustraire à toute nouvelle exposition à un événement susceptible d'aggraver cette infirmité ou d'y ajouter une nouvelle composante en lien avec le service. Par ailleurs, les pièces du dossier ne révèlent aucun événement extérieur venu s'ajouter au traumatisme initial. Dans ces conditions, l'état de l'infirmité de M. B... doit être regardé comme consolidé au plus tard à la date du 25 février 1991 à laquelle sa pension a été renouvelée au même taux d'invalidité. Enfin, aucun des éléments médicaux produits à l'instance ne fait état d'un caractère évolutif de l'hypoacousie non plus que de la perte de sélectivité, la stabilité de celles-ci étant attestée entre 1973 et 1991.

11 Par la production d'éléments relatifs à des tiers ou des renvois à des débats généraux dans la littérature médicale, seulement susceptibles de montrer que les séquelles de traumatismes sonores ne régressent que très rarement dans le temps, il n'établit pas un caractère évolutif défavorable spontané de l'infirmité qu'il a reçue en service à l'âge de vingt-et-un ans. Enfin, nonobstant la circonstance qu'elle se produit sur un terrain déjà altéré, il n'apporte pas d'éléments qui infirmeraient, à l'âge de soixante-cinq ans, l'étiologie, telle qu'elle est documentée dans la science médicale, de la dégradation de ses capacités auditives subsistantes par le vieillissement physiologique. Par suite, M. B... n'établit pas le lien de filiation, au sens de l'article L. 121-2-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précité, entre ses pertes de capacité auditives additionnelles à l'infirmité pensionnée n° 1 dont il souffre et cette dernière. Dès lors, il n'est pas fondé à demander l'annulation du refus de la ministre des armées en tant qu'elle a rejeté sa demande de révision à ce titre.

12 Il résulte de ce qui précède que M B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Il suit de là que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, sa requête doit être rejetée, dont les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2022.

Le président, rapporteur,

D. Josserand-Jaillet

Le président assesseur,

Ph. Seillet

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY01237 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01237
Date de la décision : 31/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

48-01-02-03-01 Pensions. - Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. - Conditions d'octroi d'une pension. - Imputabilité. - Lien de causalité médicale.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CABINET MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-31;21ly01237 ?
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