Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Clermont-Ferrand, qui a transmis la demande au tribunal administratif de Clermont-Ferrand en application de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, d'annuler la décision du 30 janvier 2018, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour aggravation, et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise.
Par une ordonnance n° 1902156 du 2 décembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a donné, d'office, acte du désistement de M. B....
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2021, et un mémoire enregistré le 22 décembre 2021 (ce dernier non communiqué), M. B..., représenté par Me Issartel, demande à la cour :
- d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 décembre 2020 ;
- de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand afin qu'il soit statué au fond sur le litige.
Il soutient que :
- c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a considéré qu'il s'était désisté de sa demande dès lors que son conseil avait confirmé cette demande par voie électronique dans le délai fixé ;
- la magistrate désignée n'était pas compétente pour statuer en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative ;
- il a été fait un usage abusif de ces dispositions par une appréciation erronée de l'intérêt du maintien de sa demande pour lui.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
** M. A... B..., né le 6 novembre 1938, a sollicité le 12 octobre 2016 la révision, pour aggravation de ses infirmités, de la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée par un arrêté du 18 avril 2005. La ministre des armées lui a opposé un refus par une décision du 30 janvier 2018, dont M. B... a demandé l'annulation, le 31 juillet 2018, au tribunal des pensions de Clermont-Ferrand, lequel a transmis cette demande au tribunal administratif de Clermont-Ferrand en application de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018. M. B... relève appel de l'ordonnance rendue le 2 décembre 2020 par laquelle la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a considéré qu'il était réputé, en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, s'être désisté de sa demande et lui a donné acte de ce désistement.
Sur la régularité de l'ordonnance du 2 décembre 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ". Le même code dispose à son article R. 414-1 que : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant. " et à son article R. 612-1 que : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R 611-7 ".
3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un requérant, représenté par un avocat, est invité, en application de l'article R. 612-5-1 précité, à confirmer expressément le maintien de ses conclusions et qu'il choisit de répondre à cette invitation par la présentation d'un mémoire, ce mémoire doit être adressé à la juridiction concernée par la voie de l'application électronique Télérecours, mentionnée à l'article R. 414-1 précité, à peine d'irrecevabilité. Cette irrecevabilité est toutefois susceptible d'être couverte, y compris après l'expiration du délai mentionné à l'article R. 612-5-1, à l'invitation de cette juridiction et jusqu'à ce que celle-ci ait statué sur ses conclusions. Le délai fixé par la demande de régularisation ne court qu'à compter de la date à laquelle le requérant a été destinataire des éléments matériels lui permettant de présenter son mémoire au moyen de l'application Télérecours.
4. Le 23 septembre 2020, après que l'instruction de l'affaire eut été clôturée au 14 février 2020 par une ordonnance du 29 janvier 2020, par la voie de l'application électronique Télérecours, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a invité Me Pierot, avocat en première instance de M. B..., l'intéressé étant mis en copie, à confirmer expressément le maintien de sa requête, dans le délai d'un mois. L'accusé de mise à disposition de ce courrier électronique, référencé 1459714_VXDOSDEM, a été généré par l'application le 23 septembre 2020 à 14 h 08. Si, à hauteur d'appel, M. B... fait valoir un courriel daté du 22 octobre 2020 à 15 h 26, dans le délai fixé par ledit courrier électronique, par lequel son conseil indiquait expressément maintenir la demande et en rappelait les conclusions principales, il ressort des mentions portées sur ce courriel qu'il a été envoyé à une adresse générique ne correspondant pas à une des adresses de correspondance du greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Dans ces conditions, et sans qu'en tout état de cause M. B... puisse utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, le requérant n'établit pas la réception par la juridiction, qui ne ressort par ailleurs d'aucune des pièces du dossier, de sa réponse, quelle qu'en eût été la forme, à l'invitation du 23 septembre 2020. Dès lors, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'il appartenait au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, préalablement à sa décision, de l'inviter à en régulariser la production et qu'en l'absence d'une telle invitation, ce qui pouvait lui laisser penser que l'expression du maintien de ses conclusions avait bien été prise en compte, à en tirer que c'est à tort que, au motif qu'il n'avait pas expressément maintenu sa requête, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative.
5. En revanche, à l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1.
6. En l'absence, ainsi qu'il vient d'être dit, de réponse dans le délai imparti, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a, par l'ordonnance attaquée du 2 décembre 2020, donné acte du désistement d'office de la demande de M. B....
7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la demande de M. B..., enregistrée le 2 août 2018 au greffe du tribunal des pensions de Clermont-Ferrand, tendait à l'annulation, après que fut ordonnée une expertise médicale, de la décision par laquelle la ministre des armées a refusé de réviser sa pension militaire d'invalidité, au taux de 85 %, pour aggravation des infirmités dont, âgé de quatre-vingt trois ans, il est atteint. Le mémoire en défense de la ministre des armées a été enregistré le 1er octobre 2019, avant la transmission de l'affaire au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, soit quatorze mois après l'enregistrement de la demande. Il ne saurait être tiré de l'absence de productions après l'arrivée de cette défense que la demande de M. B... ne présentait plus d'intérêt pour lui, alors même que le courriel du 22 octobre 2020 mentionné au point 4, s'il n'est pas parvenu au tribunal, exprime, à la date à laquelle il était invité à la faire connaître, la volonté de l'appelant qu'il soit statué au fond sur le litige. Aussi, rien ne permettait, à la date du 23 septembre 2020 à laquelle le greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand lui a adressé une demande de confirmation de sa requête, de s'interroger sur l'intérêt, qui ne saurait se confondre avec les mérites de la demande, que conservait cette requête pour M. B.... Par suite, il ressort des pièces du dossier que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de régularité soulevés, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a donné acte du désistement d'office des conclusions de sa demande. Il y a lieu, comme le sollicite l'appelant, de renvoyer sa demande devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand afin qu'il y soit statué.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1902156 du 2 décembre 2020 par laquelle la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a donné acte du désistement d'office des conclusions de la demande de M. B... est annulée.
Article 2 : La demande de M. B... est renvoyée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand .
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées. Copie en sera adressée à Me Issartel.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2022.
Le président, rapporteur,
D. Josserand-Jaillet
Le président assesseur,
Ph. Seillet
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY00212 2
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