Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 mai 2019 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer une carte de séjour en qualité de " membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne ".
Par jugement n° 1903820 du 31 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête, enregistrée le 30 novembre 2020, présentée pour Mme D..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1903820 du tribunal administratif de Grenoble du 31 juillet 2020 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peut s'appliquer à une ressortissante d'un État membre de l'Union européenne.
Par mémoire, enregistré le 21 janvier 2021, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête en se référant aux écritures de première instance.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 octobre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante argentine née le 1990 à Buenos Aires (Argentine), entrée régulièrement pour la dernière fois sur le territoire français le 11 juillet 2018 en compagnie de son époux, M. C..., ressortissant italien, et de leur enfant né en France en 2012, a sollicité, le 14 février 2019, auprès des services de la préfecture de la Drôme, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne " sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 mai 2019, le préfet de la Drôme a refusé de délivrer le titre de séjour dont la délivrance avait été sollicitée par Mme D..., qui avait acquis la nationalité italienne depuis la date de sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. Mme D..., qui a résidé en France de 2003 à 2004 avec sa mère, puis de 2009 à 2013, période au cours de laquelle elle a obtenu, en 2012, une licence en anthropologie à l'Université et a donné naissance à un enfant, de nationalité italienne, issu de son union avec son époux de nationalité italienne, puis à nouveau à compter du 11 juillet 2018, fait valoir qu'à la date de la décision contestée elle résidait sur le territoire français avec son enfant chez sa mère, ressortissante française, dans le département de la Drôme où résidait également son frère sous couvert d'une carte de résident valable jusqu'en 2023. Toutefois, Mme D... a vécu en Argentine, où réside son père et où elle conserve nécessairement des attaches familiales, la majeure partie de sa vie, depuis sa naissance en 1990 jusqu'en 2003, puis au cours des périodes de 2004 à 2009 et de 2013 à 2016, et elle a également vécu en Italie de 2016 à 2018 avec son époux, dont elle est séparée depuis 1er octobre 2018, et son fils. A... outre, la requérante, qui était en recherche d'emploi depuis le 9 avril 2019, ne justifie pas d'une insertion professionnelle particulière en France, nonobstant ses prestations artistiques dans le domaine du spectacle. Dans ces conditions, eu égard en particulier à la durée et aux conditions de sa présence en France, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour porterait au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de l'intéressée doit également être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
4. Il résulte de la lecture du jugement attaqué que le tribunal a estimé que la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée trouvait son fondement légal dans les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui pouvaient être substituées à celles du I de l'article L. 511-1 du même code dès lors, en premier lieu, que, ne justifiant plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 et L. 121-4-1, Mme D... se trouvait dans la situation où, en application de l'article L. 511-3-1 de ce code, le préfet de la Drôme pouvait décider de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'avait pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Dès lors, Mme D..., qui ne critique pas la substitution de base légale ainsi opérée par les premiers juges, ne peut utilement soutenir que l'obligation de quitter le territoire français qu'elle conteste méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, par l'effet de la substitution de base légale opérée par le tribunal, ne constituent plus le fondement légal de la mesure d'éloignement contestée.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2022.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
D. Josserand-Jaillet
La greffière,
A. Le ColleterLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY03512
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