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30/03/2022 | FRANCE | N°21LY01874

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 30 mars 2022, 21LY01874


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 15 novembre 2018, confirmée le 27 novembre 2018, par laquelle la préfète de l'Allier a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial.

Par un jugement n° 1900571 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2021, M. E..., représenté par Me Habiles, demande à la cour : r>
1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 15 novembre 2018, confirmée par celle...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 15 novembre 2018, confirmée le 27 novembre 2018, par laquelle la préfète de l'Allier a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial.

Par un jugement n° 1900571 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2021, M. E..., représenté par Me Habiles, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 15 novembre 2018, confirmée par celle du 27 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée n'est pas motivée sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et du 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- le préfet s'est estimé lié par la condition de ressources ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et le 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Le mémoire, enregistré le 1er mars 2022, présenté par le préfet de l'Allier n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Par une décision du 26 mai 2021 M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 55%.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Caraës, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E..., ressortissant malien né le 1er janvier 1943, est titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 19 janvier 2026. Le 30 mai 2018, il a demandé le regroupement familial en faveur de deux de ses enfants issus de son union avec Mme B..., A... et D... nées respectivement le 8 juillet 2001 et le 25 novembre 2003. Par une décision du 15 novembre 2018, confirmée le 27 novembre 2018, le préfet de l'Allier a rejeté sa demande au motif notamment de l'insuffisance de ses ressources. M. E... relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande. En application du décret du 20 décembre 2017 portant relèvement du salaire minimum de croissance, le montant mensuel brut du salaire minimum interprofessionnel de croissance était de 1 498,47 euros pour l'année 2018.

4. Pour succincte qu'elle soit, la décision du 15 novembre 2018 est motivée, en fait comme en droit, avec une précision suffisante au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Le préfet de l'Allier n'était pas tenu de motiver sa décision au regard des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constituent pas le fondement de sa décision.

5. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet se soit estimé en situation de compétence liée pour refuser de faire droit à la demande de regroupement familial au seul motif que la décision ne serait pas motivée au regard des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. E..., le préfet de l'Allier s'est fondé sur l'insuffisance des ressources du foyer, s'élevant à une moyenne de 1 142 euros net mensuel sur les douze mois précédant le dépôt de la demande, pour subvenir aux besoins d'un foyer composé de sept personnes. Si M. E... conteste la composition du foyer retenue par le préfet en indiquant que seuls deux de ses enfants sont encore à sa charge et que l'allocation chômage perçue par son épouse et les contributions financières de ses autres enfants lui permettent de subvenir aux besoins du foyer en prenant en compte la présence de ses filles, A... et D..., l'intéressé n'établit pas, d'une part, percevoir des ressources complémentaires et, d'autre part, que seuls deux de ses enfants seraient encore à sa charge. Il s'ensuit qu'en refusant de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par M. E... au profit de ses deux filles, au motif que n'était pas remplie la condition de ressources, le préfet de l'Allier n'a pas méconnu le 1 de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il appartient au préfet de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'une décision refusant le bénéfice du regroupement familial ne porte pas une atteinte excessive aux droits des intéressés au respect de leur vie privée et familiale.

8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Si M. E... fait valoir qu'il est âgé de soixante-seize ans et qu'il entretient des liens avec ses deux enfants, il ressort des pièces du dossier que ses deux filles, âgées de dix-sept et quinze ans à la date de la décision contestée, n'ont jamais vécu avec lui et ne sont pas dépourvues d'attaches familiales au Mali où réside leur mère. Si, par un jugement du 28 novembre 2018, le tribunal de première instance de la commune V du district de Bamako a délégué l'autorité parentale au père de ces deux enfants, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... dispose des ressources suffisantes pour subvenir aux besoins supplémentaires résultant de leur prise en charge. Dans ces conditions, et alors que le requérant n'apporte aucun élément justifiant que la mère des deux enfants serait malade et dans l'incapacité de continuer à s'en occuper, le préfet de l'Allier n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant et de ses enfants ne peut être accueilli.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2022.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

M.-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01874


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01874
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : HABILES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-30;21ly01874 ?
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