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30/03/2022 | FRANCE | N°21LY01084

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 mars 2022, 21LY01084


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français et d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexa

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français et d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2004108 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2021, Mme D... épouse B..., représentée par Me Kheddar, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 23 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, en application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de renonciation de son conseil à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation ;

- la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, dès lors que le préfet de l'Isère a omis de prendre en compte les violences conjugales, dont elle atteste et qui constituent un motif légitime de rupture de la communauté de vie ;

- le refus d'admission au séjour méconnait les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- la décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où elle justifie de son insertion sociale et professionnelle, ayant exercé une activité professionnelle régulière d'assistance de vie en contrat à durée déterminée, durant la période où elle était titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler ;

- la décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle.

La requête de Mme C... D... épouse B... a été régulièrement notifiée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'écritures en défense.

Mme C... D... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., ressortissante algérienne née le 22 juin 1976, est entrée sur le territoire français le 12 août 2017, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour valable jusqu'au 15 septembre 2017. Le 20 décembre 2017, elle a demandé, sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis a) de l'accord franco-algérien, la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de conjointe de français, ayant épousé le 14 octobre 2017 M. A... B.... Le préfet de l'Isère lui a délivré ce certificat de résidence valable un an, du 20 décembre 2017 au 19 décembre 2018. Le 19 novembre 2018, elle a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence algérien sur le même fondement ou la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par l'arrêté attaqué en date du 23 juillet 2019, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Par la présente requête, Mme C... D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus d'admission au séjour :

2. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France.

3. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit : a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6-2 et au dernier alinéa du même article ". Aux termes de l'article 6 du même accord : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2. Au ressortissant algérien marié à un ressortissant de nationalité française à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres d'état civil français. (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2 est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance du certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " et du certificat de résidence de dix ans est subordonnée à la condition que la communauté de vie entre les époux soit effective.

4. Si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque victime de violences conjugales, la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose même sans texte, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des circonstances alléguées relatives à la vie conjugale, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.

5. Il ressort de la lecture de l'arrêté litigieux que pour décider de refuser de lui délivrer le certificat de résidence sollicité sur le fondement des stipulations précitées, le préfet a constaté qu'à la date de sa décision, la communauté de vie entre les époux avait cessé, Mme D... ayant quitté le domicile conjugal le 20 juillet 2018, son époux ayant déposé une requête en divorce au mois d'août 2018, et une ordonnance de non conciliation ayant été prononcée le 20 février 2019. Dans ces conditions, l'intéressée ne pouvait, dès lors, plus bénéficier du certificat de résidence algérien en qualité de conjointe de français sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis a), ni sur le fondement de l'article 6 2° de l'accord franco-algérien.

6. La requérante soutient que la communauté de vie a été rompue en raison des violences conjugales qu'elle aurait subies, et reproche au préfet de ne pas avoir procédé à un examen sérieux de sa situation en omettant de tenir compte de ces circonstances et d'avoir ainsi entaché son refus d'admission au séjour d'une erreur manifeste d'appréciation. Si elle établit avoir déposé plainte à l'encontre de son époux le 20 août 2018 pour des violences conjugales commises le 18 juillet 2018, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que des poursuites pénales auraient été engagées sur ce fondement à l'encontre de M. B.... La requérante se prévaut du dépôt de plusieurs mains courantes les 16 et 20 juillet 2018 et d'une déclaration à la gendarmerie le 8 août 2018 dénonçant un différend entre époux qui aurait causé son départ du domicile conjugal le 20 juillet 2018, et produit des certificats médicaux et une attestation de suivi psychologique. Toutefois, ces documents ne permettent pas de tenir pour établi les violences conjugales que la requérante soutient avoir subies. Elle n'est dès lors pas fondée à en déduire que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation. Pour les mêmes motifs la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. ".

8. Il ressort des pièces du dossier et de la lecture même de l'arrêté litigieux, qu'à la date de sa décision, le préfet de l'Isère a constaté que Mme D... épouse B..., entrée en France à l'âge de quarante-et-un ans, résidait depuis moins de deux ans sur le territoire français, que, suite à son divorce, alors qu'aucun enfant n'est né de son union avec M. B..., elle est hébergée par une association et ne justifie d'aucune attache familiale en France, alors qu'elle a vécu l'essentiel de son existence en Algérie où demeurent ses parents. Si elle se prévaut de sa maitrise de la langue française et de l'exercice d'une activité professionnelle d'assistance de vie en contrat à durée déterminée, elle n'établit pas l'existence de liens intenses, stables et anciens tissés sur le territoire national. Dès lors, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 5 de l'accord franco-algérien, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales refuser de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. Mme D... soutient sans l'établir que l'obligation de quitter le territoire français assortissant le refus d'admission au séjour aurait des conséquences d'une extrême gravité sur sa situation personnelle. Le moyen doit, par suite, être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... épouse B... est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président-assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.

La rapporteure,

E. Conesa-TerradeLe président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01084
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : KHEDDAR

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-30;21ly01084 ?
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