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29/03/2022 | FRANCE | N°21LY01258

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 29 mars 2022, 21LY01258


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2021 par lequel le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

Par un jugement n° 2100496 du 18 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la

cour

Par une requête enregistrée le 16 avril 2021, M. A..., représenté par Me Combes, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2021 par lequel le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

Par un jugement n° 2100496 du 18 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 avril 2021, M. A..., représenté par Me Combes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 mars 2021, ainsi que l'arrêté du 4 janvier 2021 du préfet de la Savoie ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'une semaine sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ; cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entachée d'erreur d'appréciation ainsi que d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2022, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Par une décision du 12 mai 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. A... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 7 avril 1998, auquel le préfet de la Savoie a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en application du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur et a assorti cette obligation d'une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans, relève appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en août 2018 à l'âge de vingt-deux ans en France pour déposer une demande d'asile. La confrontation de ses empreintes avec la base de données européenne Eurodac a révélé que ses empreintes étaient identiques à celles relevées par les autorités espagnoles le 21 juin 2018. Sa réadmission vers l'Espagne n'ayant pas abouti, la demande d'asile de l'intéressé a été examinée en France et a été finalement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 octobre 2020. Si M. A... se prévaut de son intégration, en faisant valoir qu'il a suivi des cours de français, qu'il est impliqué dans la vie associative locale et qu'il a fait de nombreuses connaissances en France, ces circonstances sont insuffisantes pour établir qu'il a fixé le centre de ses intérêts familiaux et privés en France, où il n'est présent que depuis deux ans et quatre mois à la date de l'arrêté attaqué et où il n'a pas d'attaches familiales. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts visés et ne procède ainsi pas d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs la décision lui faisant obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

3. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

4. Pour interdire le retour sur le territoire pendant une durée de deux ans à M. A..., le préfet de la Savoie s'est fondé sur les conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé rappelées au point 2, notamment sur la circonstance que l'intéressé n'a pas exécuté l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le préfet a décidé de le remettre aux autorités espagnoles et sur l'absence de liens personnel et familiaux en France. Toutefois, et alors qu'une décision de remise est distincte d'une obligation de quitter le territoire, le préfet a, en estimant que l'intéressé en n'exécutant pas ladite décision de remise s'est soustrait à une précédent mesure d'éloignement, entaché sa décision d'erreur d'appréciation. M. A... est par suite fondé à en demander l'annulation, sans qu'ils soit besoin d'examiner les autres moyens dirigées contre cette dernière.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Si M. A..., dont la demande d'asile a été rejetée par les instances compétentes dans les conditions rappelées au point 2, fait valoir qu'il encourt des risques en cas de retour en Guinée, il n'établit pas la réalité et l'actualité des risques allégués en se bornant à verser aux débats une attestation de sa sœur ayant fui la Guinée après une convocation de la police, postérieure à la décision en litige et alors même qu'il a demandé un réexamen de sa demande d'asile en février 2021 sur la base de ces documents.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pendant deux ans.

Sur les conclusions accessoires :

7. D'une part, le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. A... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire n'implique en tout état de cause pas qu'il soit fait droit à ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.

8. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante pour l'essentiel, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 4 janvier 2021 du préfet de la Savoie portant interdiction de retour de M. A... sur le territoire français pendant deux ans est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. A... est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et(/nom)(ano)A(/ano) au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Daniele Déal, présidente ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

La rapporteure,

Christine Psilakis La présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01258
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : COMBES DELPHINE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-29;21ly01258 ?
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