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24/03/2022 | FRANCE | N°21LY01963

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 24 mars 2022, 21LY01963


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... et Mme E... B..., épouse C..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les arrêtés du 20 août 2020 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône :

. à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour temporai

re portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans le délai de deux mois à compter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... et Mme E... B..., épouse C..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les arrêtés du 20 août 2020 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône :

. à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

. à titre subsidiaire, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'au réexamen de leurs demandes, dans le délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 2 600 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à leur conseil, à charge pour celui-ci de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.

Par un jugement nos 2008208, 2008209 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Guerault, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 2 avril 2021 du tribunal administratif de Lyon et les décisions précitées du 20 août 2020 du préfet du Rhône ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'au réexamen de leur droit au séjour, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de leur conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- en ce qui concerne les décisions portant refus de séjour :

. concernant M. C... :

. elle est insuffisamment motivée ;

. elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur les caractéristiques de l'emploi en question, les qualifications ou l'expérience ni sur les difficultés de recrutement de l'employeur, pour apprécier si ces éléments constituent ou non des motifs exceptionnels d'admission ;

. elle est entachée d'une erreur de droit pour lui opposer l'absence de production d'un visa de long séjour pour refuser un titre de séjour " salarié " ou " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. elle est entachée d'une erreur de droit pour lui opposer l'absence de contrat visé pour refuser la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est compétent pour prendre la décision d'autorisation de travail en vertu de l'article R. 5221-17 du code du travail ;

. concernant M. et Mme C... : les décisions méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

. elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

. elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative A... droits de l'enfant ;

- en ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

. elles violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

. elles violent l'article 3-1 de la convention internationale relative A... droits de l'enfant.

Par une décision du 2 juin 2021, M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative A... droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Rivière.

Considérant ce qui suit :

1. Par des décisions du 20 août 2020, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et Mme C..., ressortissants albanais, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, et a fixé le pays de destination des mesures d'éloignement. Les intéressés ont demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de ces décisions. Par un jugement nos 2008208, 2008209 du 2 avril 2021, dont ils relèvent appel, ce tribunal a rejeté leurs demandes.

Sur la légalité des décisions portant refus de séjour :

En ce qui concerne le droit au respect de la vie privée et familiale :

2. A... termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... sont entrés en France le 7 avril 2013 selon leurs déclarations, accompagnés de leurs filles nées les 24 octobre 2010 et 25 novembre 2012. Leur troisième enfant est né en France le 26 mars 2018. Ils s'investissent dans des activités bénévoles, dans la scolarité de leur enfant et ont suivi des cours de français. M. C... dispose d'une promesse d'embauche pour un emploi de maçon sous contrat à durée indéterminée à temps complet. Toutefois, les intéressés se maintiennent en France en dépit de refus de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français prononcés à leur encontre le 24 avril 2014, confirmée par un jugement du 21 octobre 2014 du tribunal administratif de Lyon. Ils ne démontrent pas entretenir en France des liens personnels ou familiaux intenses, anciens et stables en dehors de leur cellule familiale, qui a vocation à se reconstituer en Albanie, où il n'est pas établi que les enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité. Ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine, où ils ont vécu l'essentiel de leur existence et où résident leurs parents et deux sœurs de Mme C.... Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. et Mme C..., les décisions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Elles ne méconnaissent dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'admission exceptionnelle au séjour :

S'agissant de la situation de M. C... :

4. En premier lieu, A... termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée A... 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

5. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui n'est pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire". Dans cette hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont il ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

6. Pour rejeter la demande de régularisation de M. C... sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Rhône a indiqué que l'intéressé a présenté un formulaire " Cerfa " de demande d'autorisation de travail, s'est prévalu d'une promesse d'embauche pour un emploi de maçon sous contrat à durée indéterminée à temps complet et a produit deux bulletins de paie. Puis il a seulement relevé qu'" aucun obstacle n'est allégué ni a fortiori établi concernant l'impossibilité qu'aurait l'intéressé d'exercer une activité professionnelle hors de France ", sans se prononcer ni sur la qualification, l'expérience, les éventuels diplômes de M. C... et les caractéristiques des emplois auxquels il postule, ni sur les éléments de sa situation personnelle dont il a fait état à l'appui de sa demande. Par suite, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit. Ainsi, le refus de titre de séjour opposé à M. C... et, par voie de conséquence, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, doivent être annulées.

S'agissant de la situation de Mme C... :

7. La requérante, qui se prévaut de sa situation personnelle et familiale, ne justifie pas que son admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de ce qui a été dit au point 3. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'intérêt supérieur des enfants :

8. A... termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative A... droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

9. Il n'est pas démontré que les enfants de M. et Mme C... ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative A... droits de l'enfant doit être écarté.

10. Il résulte de tout de ce qui précède que M. C... est seul fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

11. Compte tenu du motif d'annulation du refus de titre de séjour, l'annulation prononcée implique seulement d'enjoindre au préfet du Rhône, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir M. C... d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa situation, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit A... conclusions présentées par M. C... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

13. Mme C... n'est, en ce qui la concerne, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 2008208, 2008209 du 2 avril 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. C....

Article 2 : L'arrêté du 20 août 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de M. C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme E... B... épouse C..., et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.

2

N° 21LY01963


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01963
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : GUERAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-24;21ly01963 ?
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