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17/03/2022 | FRANCE | N°21LY00919

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 17 mars 2022, 21LY00919


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 20 février 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, et, d'autre part, a prononcé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2101138 du 25 février 2021, la magi

strate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 20 février 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, et, d'autre part, a prononcé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2101138 du 25 février 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 mars 2021, M. D..., représenté par Me Diouf, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3 °) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- des circonstances humanitaires font obstacle au prononcé de cette décision ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Par une décision du 19 mai 2021, la demande d'aide juridictionnelle de M. D... a été rejetée.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Evrard ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant kosovar né le 29 décembre 1986, est entré en France le 7 décembre 2017, selon ses déclarations, en compagnie de sa compagne Mme E... et de leur fille A... née en 2014, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 mars 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 juillet 2018. Le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un arrêté du 3 septembre 2018 dont la légalité a été confirmée par la cour par une ordonnance du 28 janvier 2019. M. D... a été interpellé le 20 février 2021 dans le cadre d'une vérification de son droit au séjour. Par des arrêtés du 20 février 2021, le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai sur le fondement du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. D... relève appel du jugement du 25 février 2021 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. M. D... se prévaut de la durée de son séjour en France, de la présence sur le territoire français de sa compagne, de la naissance de son fils B... le 20 novembre 2018 et de la scolarisation de sa fille A.... Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. D..., entré en France moins de quatre ans avant l'adoption de la décision attaquée, n'a été admis au séjour que durant l'examen de sa demande d'asile, qu'il se maintient en situation irrégulière depuis le rejet de cette demande en dépit d'une première mesure d'éloignement prise à son encontre, que sa compagne est également en situation irrégulière et que le requérant, qui n'a pas été autorisé à travailler en France à l'exception de la période durant laquelle sa demande d'asile a été examinée, n'établit pas qu'il bénéficie d'une bonne insertion professionnelle. La circonstance qu'il se soit vu délivrer des promesses d'embauche ne suffit pas à lui ouvrir droit au séjour. En outre, M. D... ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que sa compagne et lui reconstituent leur cellule familiale dans leur pays d'origine, dont tous les membres ont la nationalité et où M. D... a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un an. Enfin, le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir que ses enfants ne pourraient soit engager, soit poursuivre leur scolarité au Kosovo, pays dont ils sont ressortissants. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet, en obligeant M. D... à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

4. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Contrairement à ce que soutient M. D..., la décision en litige n'implique pas que ses enfants soient séparés de leurs parents. En outre, la différence alléguée entre les systèmes scolaires français et kosovar, au demeurant non établie, ne saurait à elle seule faire obstacle à ce que ces enfants soient scolarisés dans leur pays d'origine. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

6. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine.

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " (...) II - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est soustrait à une première obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 3 septembre 2018. Il se trouve, dès lors, dans les cas prévus au d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de regarder comme établi le risque qu'il se soustraie à la nouvelle obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français. En se bornant à faire état de la présence en France des membres de sa famille et de la scolarisation de sa fille aînée, le requérant ne démontre pas, eu égard à ce qui a été dit précédemment, l'existence de circonstances particulières justifiant qu'un délai de départ volontaire lui soit accordé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les motifs mentionnés précédemment, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

10. Le préfet de la Haute-Savoie, qui a pris en considération, outre la nature et l'ancienneté des liens de M. D... avec la France en relevant que l'intéressé n'était pas dépourvu d'attaches privées et familiales au Kosovo et que sa compagne se trouvait également en situation irrégulière, le fait qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne représentait pas un risque de trouble à l'ordre public, n'a pas inexactement appliqué le III précité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

11. En second lieu, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux motifs précédemment évoqués, cette décision ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision prononçant l'assignation à résidence de M. D... devrait être annulée en conséquence de l'illégalité des décisions l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 17 mars 2022.

2

N° 21LY00919


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00919
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : DIOUF-GARIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-17;21ly00919 ?
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