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17/03/2022 | FRANCE | N°20LY03023

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 17 mars 2022, 20LY03023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 24 octobre 2018 par laquelle le commandant de la région de gendarmerie Auvergne Rhône-Alpes et de la zone de défense et de sécurité Sud-Est, l'a affecté d'office au peloton de surveillance et d'intervention de la Tour-du-Pin, à compter du 1er décembre 2018.

Par un jugement n° 1807392 lu le 17 août 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregi

strés le 16 octobre 2020 et le 20 avril 2021, M. B..., représenté par Me Legrand demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 24 octobre 2018 par laquelle le commandant de la région de gendarmerie Auvergne Rhône-Alpes et de la zone de défense et de sécurité Sud-Est, l'a affecté d'office au peloton de surveillance et d'intervention de la Tour-du-Pin, à compter du 1er décembre 2018.

Par un jugement n° 1807392 lu le 17 août 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 octobre 2020 et le 20 avril 2021, M. B..., représenté par Me Legrand demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de l'affecter en Haute-Savoie dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ses conclusions sont recevables contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;

- la décision contestée présente un caractère disciplinaire ;

- la sanction de mutation n'est prévue par aucun texte et est entachée d'une violation de la loi ;

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure ;

- elle été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- l'autorité disciplinaire a méconnu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 4 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 5 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par ordre de mutation du 24 octobre 2018, le commandant de la région de gendarmerie Auvergne Rhône-Alpes et de la zone de défense et de sécurité Sud-Est a affecté d'office M. B..., gendarme, au peloton de surveillance et d'intervention de gendarmerie de La-Tour-du-Pin, à compter du 1er décembre 2018. M. B... a contesté cette décision, le 20 novembre 2018, auprès de la commission de recours des militaires. Ce recours a été implicitement rejeté par le ministre de l'intérieur. Il relève appel du jugement du tribunal qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 24 octobre 2018.

2. Le recours administratif préalable, dont la présentation est rendue obligatoire par une disposition expresse, implique que la décision prise sur ce recours se substitue à la décision initiale et qu'elle seule peut être déférée au juge alors que le recours gracieux ou hiérarchique, ouvert dans les autres hypothèses, permet au requérant, sans l'y obliger, de contester la décision initiale avant l'exercice d'un recours contentieux. La décision initiale peut ensuite être déférée au juge alors même qu'une décision a rejeté le recours gracieux ou hiérarchique.

3. A cet égard, aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense, dans sa rédaction applicable au litige : " I - Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent (...) La décision prise sur son recours (...) se substitue à la décision initiale (...) / L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission (...) III. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre (...) de décisions : 1° Concernant (...) l'exercice du pouvoir disciplinaire (...) ".

4. Ces dispositions imposent à tout agent ayant la qualité de militaire de présenter un recours administratif préalable contre les actes relatifs à sa situation individuelle, à l'exception des sanctions disciplinaires. Il suit de là qu'il n'est libre d'exercer un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, et qu'il ne demeure recevable à contester la décision originelle que s'il s'agit d'une sanction, c'est-à-dire d'une décision portant atteinte à ses intérêts statutaires et visant à réprimer un fait ou un comportement. Or, la décision de mutation d'office litigieuse tendait exclusivement à mettre fin à un conflit personnel impliquant M. B... au sein de son unité, et à éviter qu'il ne dégénère, sans intention de punir l'intéressé. Ladite décision ne saurait, en conséquence, être qualifiée de sanction disciplinaire. M. B..., ayant entrepris de la contester, était tenu de présenter un recours administratif préalable, puis de déférer au tribunal le rejet implicite de son recours.

5. Saisi de conclusions tendant à l'annulation d'une décision qui ne peut donner lieu à un recours pour excès de pouvoir qu'après l'exercice d'un recours préalable obligatoire et si le requérant indique avoir exercé ce recours, le juge doit regarder les conclusions dirigées formellement contre la décision initiale comme tendant à l'annulation de la décision, née de l'exercice du recours, qui s'y est substituée, sous réserve que le requérant, lui-même ne s'y oppose pas. Invité par le tribunal à diriger sa demande contre le rejet de son recours préalable, M. B... a persisté à demander l'annulation de la décision originelle qui avait disparu en cours d'instance et le tribunal était, dès lors, tenu de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande. C'est donc irrégulièrement que le jugement attaqué, après avoir relevé que l'objet du litige qui lui était soumis avait disparu, a rejeté la demande. Par suite, ce jugement doit être annulé.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble.

7. Les dispositions citées au point 3 imposent à tout agent ayant la qualité de militaire de présenter un recours administratif préalable contre les actes concernant sa situation individuelle, à l'exception des sanctions disciplinaires. Il suit de là qu'il n'est libre d'exercer un recours administratif que s'il entend contester une sanction et qu'il n'est recevable à contester la décision originelle, après le rejet de son recours gracieux ou hiérarchique, que s'il s'agit d'une sanction, c'est-à-dire d'une décision portant atteinte à ses intérêts statutaires et visant à réprimer un fait ou un comportement. Or, la décision de mutation d'office litigieuse tendait à mettre fin à un conflit personnel impliquant M. B..., et à éviter qu'il ne dégénère, sans intention de punir l'intéressé. Ladite décision ne saurait, en conséquence, être qualifiée de sanction disciplinaire et revêtait le caractère d'une mesure individuelle soumise à recours administratif préalable. Invité à diriger sa demande contre le rejet de son recours préalable, M. B... a persisté à demander l'annulation de la décision originelle qui a disparu au cours de l'instance ouverte devant le tribunal. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande.

8. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par M. B..., partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1807392 lu le 17 août 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'annulation de la décision du 24 octobre 2018 et le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.

N° 20LY03023 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03023
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-02-02 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Caractère disciplinaire d'une mesure. - Mesure ne présentant pas ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : LEGRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-17;20ly03023 ?
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