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17/03/2022 | FRANCE | N°20LY02626

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 17 mars 2022, 20LY02626


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Diagonale Internationale a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondant.

Par un jugement n° 1902830 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2020, la SAS Diagonale Internationale, représen

tée par Me Chaux, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Diagonale Internationale a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondant.

Par un jugement n° 1902830 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2020, la SAS Diagonale Internationale, représentée par Me Chaux, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 2020 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- à la clôture de l'exercice le 31 décembre 2014, la charge constituée par le paiement des honoraires de la société Diagonale Investissement était certaine, dans son principe et dans son montant ;

- elle se prévaut des énonciations contenues dans la documentation administrative 4 C-131 n°1 du 30 octobre 1997 et au BOI-BIC-CHG-10-30-10 n°1 du 12 septembre 2012 ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.

Par un mémoire enregistré le 28 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la charge litigieuse qui correspond à une facture établie le 31 janvier 2015 et qui a été réglée le 24 juillet 2015 ne constituait pas une dette certaine, dans son principe et dans son montant, à la clôture de l'exercice le 31 décembre 2014 ;

- la documentation administration dont la requérante se prévaut ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont l'administration a fait application dans le cadre de la présente affaire ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont justifiées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Diagonale Internationale est la société mère d'un groupe de sociétés ayant opté pour le régime d'intégration fiscale prévu aux articles 223 A et suivants du code général des impôts, dont fait notamment partie la société civile immobilière (SCI) Vaise Saint Cyr. Cette dernière société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2013, 2014 et 2015, à l'issue de laquelle, l'administration a notamment remis en cause, par proposition de rectification du 8 juillet 2016, la déduction au cours de l'exercice clos en 2014, d'une charge correspondant au paiement d'une facture d'un montant de 600 000 euros hors taxes à la société Diagonale émise sur le fondement d'une convention signée le 21 décembre 2014 entre les deux sociétés, motif pris de ce que la dette correspondante n'était pas encore certaine dans son principe et son montant à la clôture de l'exercice 2014. La SAS Diagonale Internationale qui, en sa qualité de société-mère du groupe, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos 2014, ainsi qu'à des pénalités correspondantes relève appel du jugement du 6 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

3. Il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que, d'une part, le bénéfice net est établi sous déduction des charges supportées dans l'intérêt de l'entreprise. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale. D'autre part, les charges doivent être déduites des résultats de l'exercice au cours duquel elles peuvent être considérées comme engagées par l'existence d'une dette certaine dans son principe et dans son montant.

4. Par une convention signée le 21 décembre 2014, la SCI Vaise Saint Cyr a confié à la société Diagonale une mission de gestion du litige l'opposant à la société Autofinance, prévoyant notamment, qu'" En cas de succès, la société [Diagonale] facture à la SCI le temps passé à la résolution des litiges " et que " La facturation de ces honoraires interviendra en cas d'amélioration certaine et définitive de la marge. ". Par une décision du 20 janvier 2015, la Cour de cassation confirmant l'arrêt d'appel a statué, de manière définitive, dans un sens favorable à la SCI Vaise Saint Cyr. Le 31 janvier 2015, la société Diagonale a adressé à la SCI Vaise Saint Cyr une facture d'un montant de 720 000 euros toutes taxes comprises, soit 600 000 euros hors taxes, correspondant à ses honoraires dans la gestion de ce dossier. Le 24 juillet 2015, la SCI Vaise Saint Cyr a procédé au règlement de cette facture.

5. D'une part, la requérante soutient que l'acceptation de la facture émise et le paiement réalisé prouvent l'existence dans l'esprit des parties à la convention signée le 21 décembre 2014 de l'obligation liée aux résultats de la prestation de services qui a été rendue et, qu'en application de l'article 1156 du code civil, la volonté des parties à la convention doit prévaloir sur la lettre des contrats, et notamment sur les clauses conditionnelles fixées initialement. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit précédemment, il ressort des stipulations de la convention du 21 décembre 2014, dont les termes sont suffisamment clairs pour ne pas devoir être interprétés, que les parties ont entendu soumettre la facturation des honoraires litigieux à la condition que l'action contentieuse engagée se traduise par le succès définitif de la requérante. La décision de la Cour de cassation ayant été rendue le 20 janvier 2015, la charge constituée par le paiement des honoraires de la société Diagonale n'était ainsi certaine ni dans son principe ni dans son montant au 31 décembre 2014, date de clôture de l'exercice litigieux, quelles qu'aient été les chances de succès de la requérante, à la date de la signature de la convention, et sans que la requérante puisse utilement se prévaloir de ce qu'en application de l'article 1156 du code civil, l'administration aurait dû s'attacher à la commune intention des parties, et non à la lettre des conditions initiales fixées par la convention.

6. D'autre part, si la requérante soutient, à titre subsidiaire, qu'en dépit des conditions littérales mentionnées dans la convention du 21 décembre 2014, en application de l'article 1134 du code civil, elle était tenue à l'obligation de procéder au paiement des honoraires litigieux correspondant à des prestations réalisées au cours de l'exercice clos en 2014, et qu'à ce titre les parties devaient être regardées comme ayant tacitement renoncé par consentement mutuel à une interprétation conditionnelle de la convention, une telle circonstance reste sans incidence sur l'application de la loi fiscale.

7. Enfin, la requérante soutient que la volonté des parties à la convention exprimée par le paiement des prestations, de permettre une amélioration définitive des marges de la SCI Vaise Saint Cyr est démontrée par l'analyse comptable des bilans successifs de cette société qui révèle une amélioration de sa marge opérationnelle depuis le commencement de sa nouvelle activité de location et qui a été confirmée après la décision de la Cour de cassation. Toutefois, une telle circonstance, à la supposer établie, ne peut utilement être opposée à l'administration qui a pu à bon droit, estimer que la charge constituée par la facturation et le paiement des honoraires litigieux en 2015 ne pouvait être rattachée à l'exercice clos en 2014, par application des dispositions précitées des articles 38 et 209 du code général des impôts, et par suite, remettre en cause sa déduction, pratiquée à tort par anticipation, des résultats imposables de la SCI Vaise Saint Cyr au titre de l'exercice clos en 2014.

8. En second lieu, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales des énonciations contenues dans la documentation administrative 4 C-131 n°1 du 30 octobre 1997 et au BOI-BIC-CHG-10-30-10 n°1 du 12 septembre 2012, selon lesquelles " Les dépenses à retenir pour l'assiette de l'impôt sont toutes celles qui, engagées au cours de l'exercice et non exclues des charges déductibles, ont fait naître à la charge de l'entreprise des dettes certaines dans leur principe et dans leur montant. / Une dette peut être tenue : / - pour certaine dans son principe, lorsque la créance née corrélativement dans le patrimoine de l'autre contractant est acquise à ce dernier ; autrement dit lorsque les parties au contrat sont d'accord sur la chose (bien ou service) et sur le prix et que cet accord n'est subordonné à aucune condition ; (...) ", dès lors qu'elle n'a pas établi, ainsi qu'il a été dit plus haut, que la somme litigieuse correspondrait à une dette certaine.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a) 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Pour justifier de l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par ces dispositions, l'administration a estimé que la SCI Vaise Saint Cyr ne pouvait ignorer que la convention du 21 décembre 2014 soumettait la facturation des prestations rendues par la société Diagonale au succès de l'action contentieuse qu'elle avait engagée et que la décision de la Cour de Cassation n'étant intervenue que le 20 janvier 2015, la charge constituée par le règlement de ces honoraires ne pouvait être rattachée à l'exercice clos en 2014. Eu égard à la nature et à l'importance des rectifications en litige, l'administration doit être regardée comme démontrant que ces manquements procèdent d'une intention délibérée d'éluder l'impôt, la seule circonstance que la société requérante a été imposée à raison du produit correspondant aux honoraires litigieux ne suffisant pas à justifier l'abandon de ces pénalités. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'application de la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts ne serait pas justifiée doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Diagonale Internationale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Diagonale Internationale est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Diagonale Internationale et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.

2

N° 20LY02626


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02626
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL ACC

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-17;20ly02626 ?
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