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17/03/2022 | FRANCE | N°20LY02103

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 17 mars 2022, 20LY02103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 97 895 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de sa requête de première instance.

Par un jugement n° 1903616 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2

020, Mme A... B..., représentée par Me Pichon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 97 895 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de sa requête de première instance.

Par un jugement n° 1903616 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2020, Mme A... B..., représentée par Me Pichon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903616 du tribunal administratif de Lyon du 16 juin 2020 ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme globale de 97 895 euros, assortie des intérêts légaux à compter de l'enregistrement de sa requête initiale ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 4 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a écarté l'indemnisation au titre de la solidarité nationale sur le critère de l'anormalité, et a opposé de façon surabondante qu'il n'est pas établi que le critère de gravité soit également rempli compte tenu de ses antécédents ;

- le pli rétinien inféro papillaire a été causé par l'opération du 26 juin 2013 et constitue une complication connue mais exceptionnelle de la chirurgie de décollement de rétine ; le dossier médical ne fait pas état d'une ectopie maculaire préexistante qui est également causée par l'opération en cause ; le décollement de rétine ne présentait pas un risque de cécité pour son œil droit ; l'atrophie papillaire est également la conséquence de l'opération litigieuse dès lors qu'elle avait jusque-là une vision satisfaisante ;

- le critère de gravité du dommage est rempli dès lors que les experts retiennent un taux de 26 à 28 % de déficit fonctionnel permanent, conforme au barème d'évaluation du concours médical ;

- elle est donc en droit d'obtenir l'indemnisation des préjudices suivants :

déficit fonctionnel temporaire ... 4 575 euros

souffrances endurées ... 6 000 euros

préjudice esthétique temporaire ... 1 000 euros

déficit fonctionnel permanent ... 68 320 euros

incidence professionnelle ... 10 000 euros

préjudice d'agrément ... 5 000 euros

Préjudice sexuel ... 3 000 euros

Par un mémoire enregistré le 4 novembre 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Fitoussi, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme B... soit condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Il fait valoir que :

- en l'absence du traitement chirurgical pratiqué, le décollement de rétine de la victime aurait évolué vers une cécité de l'œil droit ;

- si la survenue d'un pli rétinien constitue selon l'expert une complication exceptionnelle, elle n'est pas la cause de la cécité de l'œil droit due à une ectopie maculaire, la macula n'ayant pas pu être réappliquée exactement au niveau de sa localisation initiale en raison de la déchirure ; ce type d'échec est fréquent et majoré par la gravité du décollement de rétine et de la perte de macula ; l'atrophie de la papille ne peut s'expliquer par l'opération en cause.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pichon, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 juin 2013, Mme A... B..., née le 11 novembre 1965, souffrant de troubles visuels affectant son œil droit, a consulté aux urgences du centre hospitalier de La Croix-Rousse faisant partie des hospices civils de Lyon (HCL). Un décollement de la rétine rhégmatogène avec macula " off " a été diagnostiqué et, le 25 juin suivant, une intervention de vitrectomie puis ré-application de la rétine par cryothérapie endolaser a été réalisée. En raison d'un pli rétinien inféro-papillaire, une reprise chirurgicale a été effectuée le 9 juillet suivant mais a échoué. L'œil droit de Mme B... présente une acuité visuelle résiduelle, avec métamorphosies, ainsi qu'une gêne en vision binoculaire. La commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Rhône-Alpes, saisie par Mme B..., a diligenté une expertise dont le rapport a été déposé le 25 juin 2018. Selon avis du 12 septembre 2018, la CRCI a retenu un échec thérapeutique non anormal au regard de sa pathologie ophtalmique initiale et a écarté toute indemnisation au titre de la solidarité nationale. Par jugement du 16 juin 2020, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme globale de 97 895 euros.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Selon le premier alinéa de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage. Pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage.

4. En premier lieu, il n'est pas sérieusement contesté que l'intervention chirurgicale pratiquée le 25 juin 2013 n'a pas eu des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles la victime était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de cette opération dès lors que le décollement rétinien non traité aurait fort probablement débouché sur une cécité de l'œil droit par déchirure complète de la macula.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise devant la CRCI de Rhône-Alpes, qu'à la suite de l'opération litigieuse, un pli rétinien inféro-papillaire a été constaté, lequel constitue une complication exceptionnelle mais connue d'une opération de vitrectomie. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que l'ectopie maculaire constatée également à la suite de l'opération en cause en soit une des conséquences, le compte rendu opératoire n'en faisant pas expressément mention et celui établi le 30 juin 2016 ne formulant qu'une hypothèse d'un léger déplacement de la macula suite au pli rétinien. Néanmoins, contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte également de l'instruction que, lors de sa consultation aux urgences de l'hôpital de la Croix-Rousse le 23 juin 2013, Mme B... présentait un décollement sévère de sa rétine, d'origine non traumatique mais reghmatogène, c'est-à-dire secondaire à une déchirure rétinienne liée à une déshydratation du corps vitré, avec atteinte de la macula, et une vision très dégradée puisqu'elle ne voyait alors avec son œil droit que le mouvement d'une main à un mètre, caractérisant une cécité presque totale. Il résulte de l'instruction, et notamment d'un document d'information issu des hôpitaux universitaires de Genève produit en défense, que la probabilité d'une absence d'amélioration de la vision suite à un décollement de rétine après la réalisation d'une opération de tentative de recollement n'est pas rare avec un taux de 5 à 10 % environ. En outre, ce taux peut être regardé, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme majoré par les facteurs de risque que présentait la victime au vu de son âge et de sa myopie et d'une fragilité oculaire révélée par une cataracte dessicante débutante affectant son œil droit et une atrophie papillaire. Sur ce dernier point, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise produit devant la CRCI de Rhône-Alpes, que l'atrophie papillaire constatée au décours de l'opération ne peut résulter de l'opération litigieuse, ni même du décollement de la rétine, mais constitue un antécédent médical ayant également contribué à la quasi cécité de l'œil droit, l'attestation d'un ophtalmologiste portant sur un examen visuel effectué le 23 juin 2008, soit près de cinq ans avant l'opération en cause, ne pouvant établir le contraire. Dans ces conditions, il n'apparait pas que les risques de complications subies par Mme B... présentaient une probabilité faible et, par suite, que son dommage puisse être regardé comme anormal au sens des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

6. Il découle de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale réalisée le 25 juin 2013.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'ONIAM présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.

N° 20LY02103 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02103
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : PICHON

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-17;20ly02103 ?
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