Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SASU Planet Négoce a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, de la taxe sur les véhicules de sociétés mise à sa charge pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des amendes infligées au titre de l'exercice clos en 2015 ainsi que des pénalités infligées à son gérant M. B....
Par un jugement n° 1803294 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 mars 2020, la SASU Planet Négoce, représentée par Me Ben Salem, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 janvier 2020 et lui accorder la décharge sollicitée ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SASU Planet Négoce soutient que :
- l'administration a rejeté à tort ses observations comme tardives ce qui l'a privée de la garantie attachée au débat oral et contradictoire ;
- l'administration ne lui a pas communiqué, avant la mise en recouvrement, les pièces sur lesquelles elle s'est fondée pour établir les rectifications en méconnaissance du BOI-CF-PGR-30-10-20120912 §300 et §310 ;
- la proposition de rectification n'est pas motivée en vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a considéré à tort que la taxe sur la valeur ajoutée facturée n'avait pas été comptabilisée pour un montant de 9 985 euros ;
- l'administration n'apporte pas la preuve du défaut de production des pièces comptables relatives aux exportations et livraisons intracommunautaires ;
- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère personnel des dépenses dont elle a rejeté la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- elle justifie de la revente du véhicule Peugeot et ainsi de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant la facture d'achat ;
- elle justifie de tous les apports et des sommes portées en crédit ou en débit du compte courant d'associé ;
- la pénalité pour manquement délibéré doit être déchargée par voie de conséquence ;
- l'administration ne démontre pas son intention délibérée d'éluder l'impôt.
Par un mémoire, enregistré le 30 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 21 octobre 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 22 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SASU Planet Négoce, qui a pour gérant et unique associé M. A... B..., exerce une activité de déstockage. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié, par proposition de rectification du 9 juin 2017, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés portant sur l'ensemble de la période vérifiée et de taxe sur les véhicules de sociétés pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015, assortis de pénalités pour manquement délibéré et de l'amende prévu à l'article 1788 A du code général des impôts. La SASU Planet Négoce relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions, en droits, pénalités, et de l'amende mises à sa charge.
Sur l'étendue du litige :
2. Si la SASU Planet Négoce persiste à demander en appel la décharge des pénalités mises à la charge de son gérant, M. B..., elle ne conteste pas, en appel, le bien-fondé de l'irrecevabilité opposée d'office par le tribunal et tirée de ce que, ces pénalités n'ayant pas été mises à sa charge, elle n'avait pas d'intérêt à agir à l'encontre de celles-ci. Par suite, les conclusions visées ci-dessus ne peuvent qu'être rejetées.
Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification ".
4. Il résulte de l'instruction qu'après avoir réceptionné la proposition de rectification du 9 juin 2017, le 13 juin suivant, la SASU Planet Négoce a sollicité et obtenu, sur sa demande, la prorogation de trente jours du délai pour présenter ses observations portant celui-ci à soixante jours à compter de la réception de la proposition de rectification, ainsi que l'a précisé l'administration à la société par courriel du 15 juin 2017. Il ressort de ce courriel que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration n'a pas mentionné un délai expirant au dimanche 13 août 2017. Ledit délai, étant un délai franc, expirait en l'espèce au 14 août 2017. Il ressort des pièces versées que les observations présentées par la société, datées du 14 août 2017, n'ont été postées que le 17 août et réceptionnées par l'administration le 21 août 2017. Elles ont également été adressées au service par courriel du 16 août 2017. Il s'en suit que ces observations ont été produites postérieurement au délai prescrit et étaient par suite tardives. Les circonstances invoquées par la SASU Planet Négoce tirées de la fermeture pour vacances judiciaires du cabinet de son conseil et de ce que le délai expirait le lundi du pont du 15 août ne constituent pas un cas de force majeure faisant obstacle à l'envoi, dans le délai requis par le livre des procédures fiscales, de ses observations. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie liée au caractère contradictoire de la procédure d'imposition.
5. La société soutient également que l'administration ne lui a pas communiqué, avant la mise en recouvrement, les pièces sur lesquelles elle s'est fondée pour établir les rectifications et ce en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Toutefois, l'administration n'ayant pas assis les rectifications en litige sur les renseignements ou documents obtenus de la part de tiers à la société vérifiée, ce moyen est inopérant. Pour établir ces rectifications, l'administration fiscale s'est uniquement fondée sur les pièces et justificatifs présentés par la société elle-même lors du contrôle. Elle n'était donc pas tenue de lui communiquer ces pièces. Enfin, si la société requérante soutient que la procédure d'imposition est irrégulière au regard des énonciations de l'instruction administrative référencée BOI-CF-PGR-30-10-20120912 §300 et §310, une telle instruction, qui concerne la procédure de contrôle, ne saurait être utilement invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, lequel n'est pas applicable en matière de procédure d'imposition.
6. La SASU Planet Négoce soutient que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée. Toutefois, elle comporte la désignation des impôts et périodes d'imposition concernés ainsi que les bases d'imposition et énonce les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour justifier les redressements envisagés. Le moyen doit par suite être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :
S'agissant de la charge de la preuve :
7. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / (...) ".
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la SASU Planet Négoce n'a formulé ses observations que postérieurement au délai de 60 jours qui lui avait été imparti après la réception de la proposition de rectification qui lui a été adressée le 9 juin 2017. Elle est ainsi réputée avoir tacitement accepté les rectifications. Elle supporte, par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions qu'elle conteste.
S'agissant des impositions litigieuses :
9. En premier lieu, la société requérante se borne à réitérer en appel ses moyens tirés de ce que l'administration a rappelé à tort la taxe sur la valeur ajoutée grevant certaines factures pour un montant de 9 985 euros qui n'avait pas été comptabilisée au titre de la taxe sur la valeur ajoutée collectée et de ce qu'elle a produit l'ensemble des justificatifs nécessaires s'agissant des rappels de taxe portant sur les exportations et les livraisons intracommunautaires. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal et non critiqués en appel.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction (...) ".
11. Aux termes de l'article 39 du même code, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Il appartient toujours au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
12. Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, certaines des dépenses en litige relatives à l'achat d'un jacuzzi, d'un vidéoprojecteur, d'enceintes audio et d'une friteuse, dont les factures sont toutes libellées sauf une, au nom de M. A... B..., gérant de la société, dont la déductibilité au titre de l'article 39 du code général des impôts a été remise en cause par l'administration, concernent des dépenses personnelles et ne sont assorties d'aucune précision sur l'intérêt retiré par la société de la prise en charge de ces frais. Il en va de même de certains travaux réalisés à l'adresse du 63 allée de Gamay à Saint-Marcel-les-Annonay, qui constitue à la fois le siège social de la société et le domicile personnel de son gérant, remis en cause par l'administration au motif, non critiqué par la société en appel, que les dépenses en cause concernent non pas des travaux de création de locaux de bureau mais des travaux paysagers et d'aménagements extérieurs. La société ne produit en outre aucun élément permettant de justifier de la prise en compte au titre des charges de la totalité du montant des factures de restaurant qu'elle a déduit de son résultat imposable au titre des repas d'affaires. Ainsi, il ne peut être considéré que les dépenses en litige constitueraient des charges déductibles du résultat. En outre, il ne peut être considéré que les dépenses en litige qui ont été exclues du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, pourraient donner lieu à déduction de la taxe, dès lors que ces dépenses ne peuvent être regardées comme présentant un lien direct et immédiat avec les opérations qu'elle réalise ni comme des frais généraux.
13. En troisième lieu, l'article 205 de l'annexe II du code général des impôts prévoit que la taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. Aux termes de l'article 206 de l'annexe II à ce code : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (...) IV. (...) 2. 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : a. Destinés à être revendus à l'état neuf ; b. Donnés en location ; c. Comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et utilisés par des entreprises pour amener leur personnel sur les lieux du travail ; d. Affectés de façon exclusive à l'enseignement de la conduite ; e. De type tout terrain affectés exclusivement à l'exploitation des remontées mécaniques et des domaines skiables, dans des conditions fixées par décret ; f. Acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports (...) ". Pour apprécier si un véhicule ou un engin a été conçu pour le transport des personnes ou pour un usage mixte au sens de ces dispositions, il y a lieu non pas de se référer aux conditions d'utilisation du véhicule mais de rechercher, compte tenu de ses caractéristiques lors de l'acquisition, l'usage auquel il est normalement destiné.
14. La SASU Planet Négoce, qui n'a jamais produit aucune pièce justifiant de la revente du véhicule Peugeot 307, immatriculé 5777VR73, acheté le 8 avril 2014 pour 4 000 euros toutes taxes comprises auprès de Jocks Auto, ne conteste pas qu'aucune carte grise n'a jamais été délivrée au nom de la société et que ce véhicule a été déclaré comme véhicule particulier. Elle ne justifie pas de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de ce véhicule en vertu des dispositions précitées, quand bien même le véhicule a été immobilisé le même jour dans la comptabilité de la société.
15. En dernier lieu, en se bornant à alléguer qu'elle a justifié " de tous les apports faits à la SASU ainsi que des sommes débitées ou créditées sur le compte courant d'associé " de M. B..., la société requérante ne critique pas utilement le passif injustifié relevé par l'administration à hauteur de 1 109,78 euros pour 2014 et 23 814,66 euros pour 2015, constitué des soldes créditeurs figurant sur ces deux années sur le compte courant d'associé détenu par M. B... dans les écritures de la société ni la minoration d'actif rectifiée par l'administration à hauteur de 49 871 euros pour 2014 et 59 342 euros pour 2015 correspondant aux soldes débiteurs rectifiés de ce même compte.
En ce qui concerne les pénalités :
16. D'une part, il résulte de ce qui précède que la SASU Planet Négoce n'est pas fondée à soutenir que les pénalités mises à sa charge doivent être déchargées en conséquence de la décharge des impositions mises à sa charge.
17. D'autre part, si la SASU Planet Négoce réitère en appel son moyen tiré de ce que l'administration ne justifie pas l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, elle n'apporte aucun élément nouveau de fait ou de droit à l'appui de celui-ci ni ne critique les motifs par lesquels le tribunal a écarté ce moyen. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
18. Il résulte de ce qui précède que la SASU Planet Négoce n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente en appel aux mêmes fins doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SASU Planet Négoce réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SASU Planet Négoce est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Planet Négoce et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.
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N° 20LY01109