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16/03/2022 | FRANCE | N°20LY00229

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 16 mars 2022, 20LY00229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 26 décembre 2016 par laquelle le président du syndicat intercommunal de Flaine a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, d'enjoindre au président du syndicat intercommunal de Flaine de ne pas l'affecter à des tâches autres que celles définies dans la fiche de poste le 29 février 2016 et qu'il soit éloigné de son supérieur hiérarchique, de condamner le syndicat intercommunal de Flaine à lui verser la somme

de 20 000 euros en indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis, et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 26 décembre 2016 par laquelle le président du syndicat intercommunal de Flaine a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, d'enjoindre au président du syndicat intercommunal de Flaine de ne pas l'affecter à des tâches autres que celles définies dans la fiche de poste le 29 février 2016 et qu'il soit éloigné de son supérieur hiérarchique, de condamner le syndicat intercommunal de Flaine à lui verser la somme de 20 000 euros en indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis, et de mettre à la charge du syndicat intercommunal de Flaine une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702489 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, M. B..., représenté par Me Thouvenot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 novembre 2019 ;

2°) d'annuler le refus de protection fonctionnelle du 26 décembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au président du syndicat intercommunal de Flaine de ne pas l'affecter à des tâches autres que celles définies dans la fiche de poste et qu'il soit éloigné de son supérieur hiérarchique ;

4°) de condamner le syndicat intercommunal de Flaine à lui verser la somme de 20 000 euros en indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

5°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge du syndicat intercommunal de Flaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que les faits signalés n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral, alors qu'il a subi une dégradation de ses conditions de travail, générée par son affectation à des tâches ingrates, ne correspondant pas à son profil ; l'intention de nuire est établie ; en tout état de cause, le harcèlement moral n'est pas nécessairement conditionné par l'intention malveillante ;

- ces agissements ont eu un retentissement sur sa santé ;

- une protection fonctionnelle tendant à ce qu'il soit éloigné de son " harceleur " et à ce qu'il soit affecté à des fonctions conformes à la fiche de poste redéfinie au mois de février 2016, doit lui être accordée ;

- il a droit au versement d'une indemnité de 20 000 euros en réparation de son préjudice tant matériel que moral, incluant les sommes qu'il a dépensées pour sa prise en charge psychologique et pour le recours à un avocat ; les frais d'avocats ne se confondent pas avec ceux engagés pour l'instance juridictionnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juin 2020, le syndicat intercommunal de Flaine, représenté par Me Bracq, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable pour être insuffisamment motivée ;

- la demande de première instance est irrecevable pour tardiveté, alors que la lettre du 26 décembre 2016, qui a rejeté explicitement les demandes de M. B... relatives à l'attribution du bénéfice de la protection fonctionnelle, à l'adoption de mesures de protection et à l'allocation d'une indemnité de 20 000 euros, comporte la mention des délais et voies de recours ;

- les moyens soulevés sont infondés.

Par ordonnance du 27 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Berlottier-Merle, pour le syndicat intercommunal de Flaine.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., opérateur territorial des activités physiques et sportives, recruté depuis 2001 sur le poste de responsable du service des sports par le syndicat intercommunal de Flaine, a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 26 décembre 2016 par laquelle le président du syndicat intercommunal de Flaine lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de ne pas l'affecter à des tâches autres que celles définies dans la fiche de poste le 29 février 2016 et qu'il soit éloigné de son supérieur hiérarchique, enfin, de condamner le syndicat intercommunal de Flaine à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. B..., par le jugement du 12 novembre 2019 dont il relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment (...) l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions (...), d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause (...) / (...) / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions (...) ".

3. D'une part, les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge des collectivités publiques, au profit des fonctionnaires et des agents publics non titulaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'agent concerné dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce au vu des éléments dont elle dispose à la date de la décision, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi.

4. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration, dont il relève, à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas de telles limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service n'est pas constitutive d'un harcèlement moral au sens des dispositions précitées.

5. M. B... soutient qu'à partir du courant de l'année 2009 et jusqu'en 2015, concomitamment à un changement intervenu dans sa hiérarchie, il a subi une dégradation de ses conditions de travail, en raison de son affectation sur des tâches ne correspondant pas à sa fiche de poste, ce qui a eu un retentissement sur sa santé psychique et a conduit à un " burn out ". Toutefois, un fonctionnaire, qui n'est pas titulaire de son emploi, n'a aucun droit au maintien dans l'emploi qu'il occupe. Il n'est pas contesté par le requérant que les tâches qui lui ont été confiées correspondent à son grade, à l'exception du remplacement, pour une dizaine de jours, d'un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM), qu'il a accepté et qui ne peut, à lui seul, dans les circonstances de l'espèce, être considéré comme un indice de harcèlement moral. Aucun élément produit par M. B... en première instance ou en appel, ne permet d'établir l'existence de faits révélant un exercice anormal du pouvoir hiérarchique.

6. Il ressort en outre des pièces du dossier que les mesures que M. B... reproche au syndicat intercommunal de Flaine, modifiant les tâches qu'il a à accomplir, ont pour origine d'une part, la fermeture de la piscine pour des raisons de sécurité, d'autre part, une réorganisation interne des services. C'est ainsi qu'après le constat d'une fréquentation en baisse au cours de l'été 2007, le passage aux activités gratuites pour l'été 2008 a conduit à ce que les missions de M. B... soient recentrées pour les deux mois d'été sur l'organisation du tir à l'arc et du paint-ball, au détriment de l'animation des sentiers et d'autres activités sportives qui avaient sa préférence. Si le requérant se plaint d'avoir dû effectuer des tâches inintéressantes et pénibles, en particulier à compter de l'hiver 2009-2010 le déneigement du " Big air bag " et de sa piste, elles participent, comme l'ont relevé les premiers juges, de l'organisation des activités physiques et sportives et peuvent être confiées à un opérateur territorial des activités physiques et sportives, grade dont relevait l'intéressé ainsi qu'il a été indiqué au point 1. Il suit de là que les faits avancés trouvent leur justification dans des considérations d'intérêt du service, étrangères à tout harcèlement.

7. Enfin, si M. B... fait état de la dégradation de son état de santé, en lien avec le service, comme l'ont relevé les premiers juges, l'imputabilité au service d'une pathologie psychique ne suffit pas à elle seule à caractériser des faits de harcèlement moral qui doivent répondre aux prescriptions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

8. En second lieu, les faits en litige n'étant pas constitutifs de harcèlement moral, au sens de l'article 6 quinquies précité, l'administration n'était pas tenue de l'en protéger, contrairement à ce que soutient le requérant, de sorte qu'en lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, le syndicat intercommunal de Flaine n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel et à la demande de première instance, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le requérant demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge du syndicat intercommunal de Flaine, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 500 euros au titre des frais exposés par le syndicat intercommunal de Flaine.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera la somme de 500 euros au syndicat intercommunal de Flaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au syndicat intercommunal de Flaine.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2022.

2

N° 20LY00229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00229
Date de la décision : 16/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : RIERA-TRYSTRAM-AZEMA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-16;20ly00229 ?
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