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10/03/2022 | FRANCE | N°20LY00677

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 10 mars 2022, 20LY00677


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Grand Dijon Habitat a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- de condamner solidairement la SARL Clément, la SAS DGET, l'entreprise individuelle de M. C... B..., la SARL SEEM et la société Socotec à lui verser la somme de 2 766 820,15 euros, majorée des intérêts de retard et de leur capitalisation, en réparation de son préjudice lié à l'opération de réhabilitation de la " Résidence internationale d'étudiants " à Dijon ;

- de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de ces so

ciétés, solidairement, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Grand Dijon Habitat a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- de condamner solidairement la SARL Clément, la SAS DGET, l'entreprise individuelle de M. C... B..., la SARL SEEM et la société Socotec à lui verser la somme de 2 766 820,15 euros, majorée des intérêts de retard et de leur capitalisation, en réparation de son préjudice lié à l'opération de réhabilitation de la " Résidence internationale d'étudiants " à Dijon ;

- de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de ces sociétés, solidairement, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603068 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a notamment :

- condamné in solidum la SAS DGET et la SARL SEEM à verser à Grand Dijon Habitat la somme de 1 585 332 euros HT, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 4 novembre 2016, eux-mêmes capitalisés à compter du 4 novembre 2017 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

- mis les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 28 580,85 euros TTC à la charge in solidum de la SAS DGET et de la SARL SEEM ;

- mis à la charge in solidum de la SAS DGET et de la SARL SEEM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 19 février 2020, la société DGET, représentée par Me Le Febvre, demande à la cour :

1°) à titre principal, de limiter la condamnation prononcée au coût de la reprise de 29 cabines de douche, soit la somme de 142 665,50 euros et de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité à 10 % et de rejeter la demande de réparation au titre des travaux de reprise des cabines préfabriquées ou, à tout le moins, de limiter la condamnation à la somme de 356 693,85 euros HT ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de Dijon Habitat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne conteste pas le caractère décennal et la cause des désordres ;

- les désordres ne sont pas généralisés et seules 29 cabines préfabriquées inutilisables nécessitent d'être réparées ;

- les désordres sont imputables à hauteur de 80 % à Aquadream, qui a proposé un modèle de cabine inadapté, les a mal réalisées et les a mal fait poser ;

- les désordres sont imputables à hauteur de 10 % à Dijon Habitat, qui, par volonté d'économie, a retenu l'offre la moins disante d'Aquadream, alors qu'elle préconisait de retenir l'offre d'Altor, conforme au CCTP ;

- à titre subsidiaire, sa responsabilité ne saurait excéder 10 % dès lors que le nombre de défauts relevés sont le fait de défauts d'exécution ponctuels difficiles voire impossibles à déceler en cours d'exécution et qu'ainsi, le reproche d'analyse insuffisante de quelques désordres en cours de chantier n'est pas justifié ;

- la condamnation au titre des travaux de reprise sera limitée aux 29 cabines inutilisables, soit la somme de 142 665,50 euros HT ;

- si la cour considérait que le désordre est généralisé, la condamnation ne saurait excéder la somme de 356 693,85 euros en appliquant un taux de vétusté de 60 % pour les 40 cabines de douche changées en 2016 et de 80 % pour les cabines de douches changées en 2018 compte tenu de la durée de vie de 10 ans de ces cabines.

Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2020, Grand Dijon Habitat, représenté par Me Corneloup, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société DGET la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les désordres sont généralisés à l'ensemble des cabines de douches ;

- les premiers juges ont bien statué sur la responsabilité de l'architecte, M. A... ;

- la société DGET n'apporte aucune précision sur la réévaluation de la part de responsabilité de la société Aquadream, qui intervenait sous la supervision d'un groupement de maîtrise d'œuvre, qui devait s'assurer de la régularité de ce qui était posé et de la parfaite intervention des personnes présentes sur le chantier ;

- le maître d'ouvrage, qui peut régulièrement se fonder sur le critère du prix pour déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse, alors que les autres offres étaient très proches, n'a commis aucune faute ;

- le groupement de maîtrise d'œuvre n'a pas constaté que la société Aquadream n'était pas assurée au titre de la garantie décennale pour les prestations en cause et a prodigué un mauvais conseil en lui conseillant de retenir l'offre de la société Aquadream non conforme au CCTP ;

- la part de responsabilité imputée à la société Aquadream pourra être mise à la charge solidaire des entreprises ayant constitué le groupement de maîtrise d'œuvre ;

- si les sociétés composant le groupement de maîtrise d'œuvre n'étaient pas condamnées à réparer l'entier préjudice, elles seraient reconnues responsables au minimum à hauteur de 30 % des préjudices subis en raison de la faiblesse du CCTP, quant aux matériaux employés, et à une analyse insuffisante des désordres en cours de chantier ;

- un taux de vétusté ne peut être appliqué à des cabines défectueuses et impropres à leur usage, devant être intégralement remplacées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivière ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- les observations de Me Deriberolles pour la société DGET et celles de Me Hortance pour Grand Dijon Habitat.

Considérant ce qui suit :

1. L'OPAC de Dijon, devenu Grand Dijon Habitat, a, le 10 juillet 2007, attribué un marché de maîtrise d'œuvre à un groupement conjoint composé de M. D... A..., de la SARL Clément, de la SAS DGET, de M. C... B... et de la SARL SEEM pour procéder à la réhabilitation de 308 chambres et l'extension d'une zone de cuisine dans les locaux de la Résidence internationale d'étudiants, située à Dijon. Une mission de contrôle technique a été confiée à la société Socotec. Le lot 11 relatif à l'installation de salles d'eau préfabriquées a été attribué à la SAS Aquadream. A la suite de l'apparition de plusieurs désordres affectant ces modules, Grand Dijon Habitat a demandé au tribunal de nommer un expert qui a rendu son rapport le 16 juin 2015. Grand Dijon Habitat a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner M. A..., la SARL Clément, la SAS DGET, M. C... B..., la SARL SEEM et la société Socotec à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi du fait de ces désordres. Par un jugement n° 1603068 du 19 décembre 2019, ce tribunal a notamment condamné in solidum la SAS DGET et la SARL SEEM, membres du groupement de maîtrise d'œuvre, à verser à Grand Dijon Habitat la somme de 1 585 332 euros HT, à titre d'indemnisation des conséquences dommageables des fissures affectant les sols et les parois des salles d'eau préfabriquées de la résidence. La société DGET relève appel de ce jugement.

Sur la responsabilité décennale de la société DGET :

2. Le caractère décennal des désordres, caractérisé par de multiples fissures apparues sur le sol et les parois des modules et cause de défauts d'étanchéité, n'est pas contesté. Ces désordres, susceptibles d'affecter l'ensemble des salles d'eau vont, de façon certaine rendre à terme l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination d'hébergement en privant les chambres de la résidence étudiante de locaux sanitaires fonctionnels.

3. La société DGET n'apporte pas une contestation sérieuse à l'engagement de sa responsabilité décennale retenue in solidum avec la société SEEM par les premiers juges, en se bornant à soutenir que la part de responsabilité de la société Aquadream dans la survenance des désordres doit être fixée à 80 % et à titre subsidiaire que sa propre responsabilité ne saurait excéder 10 %, alors que la répartition des responsabilités entre les participants tenus ensembles à réparation relève des appels en garantie qu'ils peuvent former entre eux, et ce alors que DGET ne forme, comme devant les premiers juges, aucun appel en garantie contre la société Aquadream ou d'autres locateurs d'ouvrage. Comme le relève le tribunal, la maîtrise d'œuvre, qui n'a pas défini précisément les spécifications techniques attendues des cabines préfabriquées dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 11, notamment en termes de résistance aux contraintes, a proposé de retenir l'offre de la société Aquadream dont le modèle de salle d'eau n'était pas conforme au CCTP concernant le matériau proposé, inadapté à la réalisation de tels modules. Elle n'a pas davantage effectué d'investigations sur ce matériau mis en œuvre par cette entreprise et n'a pas émis de réserves pendant les travaux de pose. Par suite, la société DGET n'est pas fondée à solliciter sa mise hors de cause.

Sur la faute du maître d'ouvrage :

4. La société DGET, qui avait retenu dans le rapport d'analyse des offres la conformité au CCTP de celle présentée par la société Aquadream, se borne à soutenir que les désordres sont imputables à hauteur de 10 % à Dijon Habitat, qui, par volonté d'économie, a retenu l'offre de la société Aquadream qui était la moins disante. Elle n'assortit ce moyen d'aucune précision supplémentaire ni d'aucun élément pertinent par rapport à l'argumentation déjà développée en première instance. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs justement retenus par le tribunal au point 16 de son jugement.

Sur la reprise des désordres :

5. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que le matériau utilisé, des plaques de PETG pour les cabines, n'est pas conforme au CCTP établi, s'agissant d'un matériau qui n'assure ni la rigidité ni la solidité suffisante de l'ensemble des parois, receveur de douche compris, et que les modules vont de ce fait se fissurer les uns après les autres dans un futur proche. L'expert relève que les travaux de reprise ponctuelle des cabines ne sont pas envisageables et qu'il conviendra de déposer et remplacer l'ensemble des cabines. Le tribunal a ainsi pu retenir le principe de l'indemnisation du coût des travaux de reprise de l'ensemble des cabines, compte tenu du caractère généralisé et certain des désordres les affectant en raison de l'emploi d'un matériau inadapté qui est à l'origine des fissures et du défaut d'étanchéité.

6. En outre, il résulte de l'instruction que les travaux concernant la restructuration de 308 chambres ont été réceptionnés le 16 mars 2010 et que les premiers désordres ont été constatés à compter de mai 2011. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les désordres vont affecter avec certitude l'ensemble des cabines de douches et donc se généraliser de manière progressive. Si la société DGET fait valoir que la durée de vie des modules sanitaires installés et devant être intégralement remplacées en raison de l'emploi d'un matériau inadapté était selon elle limitée à 10 ans, elle ne le démontre pas. Par suite, en l'absence d'élément sur ce point, il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient de vétusté au montant de 1 505 367 euros HT retenu par les premiers juges au titre du coût des travaux de reprise de l'ensemble des cabines de douche, en particulier pour les cabines de douches reprises au cours des années 2016 et 2018.

7. Il résulte de ce qui précède que la société DGET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamné in solidum avec la société SEEM à verser cette somme à Grand Dijon Habitat.

Sur les frais d'expertise et les frais du litige retenus par le tribunal :

8. Si la société DGET conteste le jugement en ce qu'il a mis à sa charge les frais d'expertise et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, in solidum avec la société SEEM, elle n'apporte aucune précision autre que celles développées quant à l'engagement de sa responsabilité permettant d'apprécier le bien-fondé de cette partie de sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les conclusions présentées à ce titre par la société DGET, partie perdante, doivent être rejetées.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société DGET la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Grand Dijon Habitat et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société DGET est rejetée.

Article 2 : La société DGET versera la somme de 2 000 euros à Grand Dijon Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société DGET, à Grand Dijon Habitat et à la Selarl MJ et Associés, liquidateur judiciaires de la société SEEM.

Délibéré après l'audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.

2

N° 20LY00677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00677
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : LEFEBVRE PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-10;20ly00677 ?
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