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03/03/2022 | FRANCE | N°20LY01377

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 03 mars 2022, 20LY01377


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 388 506,03 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011, eux-mêmes capitalisés.

Par un jugement n° 1801812 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à M. B... une somme de 62 011 euros, sous déduction de la somm

e de 21 500 euros accordée en référé, avec intérêts au taux légal à compter du 9 ja...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 388 506,03 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011, eux-mêmes capitalisés.

Par un jugement n° 1801812 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à M. B... une somme de 62 011 euros, sous déduction de la somme de 21 500 euros accordée en référé, avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2018 et capitalisation à compter du 9 janvier 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2020 et un mémoire enregistré le 29 octobre 2020, M. B..., représenté par Me Gerbi, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1801812 du 3 mars 2020 en ce que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 556 550 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en l'absence de lien entre son état antérieur et le dommage, il a droit à ce que le dommage non couvert par le protocole conclu avec l'ONIAM le 28 janvier 2014 soit réparé à hauteur de 100 %, dans la limite du montant de l'indemnité totale demandée en première instance ;

- il a droit à :

* la somme globale de 400 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et de la perte de gains professionnels futurs, évaluée à 357 474 euros et incluant le préjudice de retraite ;

* la somme capitalisée de 2 877,27 euros au titre des frais d'achat et de renouvellement d'un fauteuil roulant électrique ;

* la somme de 3 730,32 euros au titre des aides techniques restées à sa charge ;

* la somme de 73 692,22 euros au titre des frais d'aménagement du logement, incluant des frais de fourniture et pose d'un châssis coulissant s'élevant à 1 973,40 euros ;

* la somme de 76 250,46 euros au titre des frais d'adaptation du véhicule.

Par des mémoires en défense enregistrés le 13 août 2020 et le 9 juillet 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Welsch conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué s'agissant des dépenses de santé, des aides techniques ainsi que des frais d'aménagement du logement, ou, subsidiairement, à ce que l'indemnité allouée à M. B... soit limitée à 948,50 euros au titre des dépenses de santé futures capitalisées, à 166 euros au titre des aides techniques et à 5 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Il soutient que :

- il ne conteste pas que les conditions posées par le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique sont réunies ;

- l'indemnisation sollicitée par M. B... au titre des perte de gains professionnels futurs, du préjudice de retraite, l'incidence professionnelle, les dépenses de santé liées à l'achat et au renouvellement d'un fauteur roulant électrique et les frais d'aménagement du logement ne sont pas fondés ;

- les frais de véhicule adapté ont déjà fait l'objet d'une indemnisation au titre du protocole d'indemnisation transactionnelle signé le 28 janvier 2014, l'acceptation de cette indemnisation par M. B... valant extinction de ce préjudice ;

- les aides techniques strictement en lien avec le handicap de M. B... et à sa charge s'élèvent à la somme capitalisée de 166 euros ;

- M. B... n'établit pas le caractère inadapté de son logement à son état actuel ;

- à titre subsidiaire, l'indemnisation des dépenses de santé futures capitalisées doit être limitée à la somme de 948,50 euros ;

- l'incidence professionnelle ne saurait excéder la somme de 5 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hemour, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Souffrant d'anévrismes de l'artère cubitale, M. B..., né le 21 août 1962, a subi le 30 janvier 2007 un examen artériographique préopératoire au centre hospitalier universitaire de Grenoble. Au cours de cet examen, s'est produit un accident ischémique cérébral ayant causé des séquelles consistant en une paralysie totale du membre supérieur gauche et partielle du membre inférieur gauche, une paralysie faciale gauche incomplète et des troubles de l'élocution. M. B... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de la région Rhône-Alpes d'une demande d'indemnisation. Par un avis du 17 novembre 2010 rendu après une expertise médicale, cette commission a estimé que les séquelles résultaient d'un accident médical non fautif ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale en application du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, à hauteur de 70 % du dommage en raison de l'état antérieur de la victime. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a conclu avec M. B... les 15 avril 2011 et 28 janvier 2014, deux protocoles d'indemnisation transactionnelle, pour un montant total de 287 883,54 euros, réparant les déficits fonctionnels temporaire et permanent, les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel, les besoins d'aide par une tierce personne ainsi que les frais de véhicule adapté. M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble que l'ONIAM soit condamné à l'indemniser, à hauteur de la somme de 388 506,03 euros, des préjudices liés aux dépenses de santé et au titre d'aides techniques restées à sa charge, à la perte de gains professionnels, à l'incidence professionnelle ainsi qu'à l'adaptation de son logement et de son véhicule à son handicap. Par un jugement du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à M. B... une somme de 62 011 euros, sous déduction de la somme provisionnelle de 21 500 euros qui lui avait été accordée par une ordonnance du 17 mai 2017 du juge des référés de ce tribunal. M. B... relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires. Par la voie de l'appel incident, l'ONIAM conclut à la réformation de ce jugement s'agissant des dépenses de santé, des aides techniques ainsi que des frais d'aménagement du logement.

Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère :

2. M. B... demande à la cour de déclarer le présent arrêt commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère. Toutefois, les tiers payeurs n'ont pas à être appelés à la cause dans un litige concernant la mise en œuvre de la solidarité nationale par l'ONIAM. Dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la réparation au titre de la solidarité nationale :

3. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret (...) ". Aux termes de l'article L. 1142-22 du même code, l'ONIAM " est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1 (..) des dommages occasionnés par la survenue d'un accident médical (...) ".

4. L'ONIAM ne conteste pas que les conditions d'anormalité et de gravité prévues par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 et de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique sont réunies et permettent l'engagement de la solidarité nationale au titre de l'accident médical non fautif, survenu au cours de l'artériographie pratiquée le 30 janvier 2007.

Sur l'évaluation des préjudices :

5. Dès lors que l'imputabilité directe du dommage à un acte médical est établie et que les conditions d'anormalité et de gravité prévues au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique sont remplies, tel qu'en l'espèce, le préjudice indemnisable doit être réparé en totalité. Par suite, M. B... est fondé à demander à ce que la somme mise à la charge de l'ONIAM ne soit pas limitée à une fraction seulement du dommage pour tenir compte de son état de santé antérieur.

En ce qui concerne les dépenses de santé :

6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 20 avril 2010 d'un ergothérapeute missionné par l'assureur de M. B... et dont les indications ont été reprises par l'expert mandaté par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que l'intéressé se déplace en marchant à l'intérieur de son domicile et utilise une canne pour se rendre aux abords immédiats de son habitation, son état de santé nécessitant l'usage d'un fauteuil roulant manuel classique ou d'un scooter électrique seulement pour de plus grands trajets. D'ailleurs, le coût de ce fauteuil roulant manuel a été intégralement pris en charge par les organismes sociaux et celui du scooter au titre de la prestation de compensation du handicap. En revanche, ainsi que le fait valoir l'ONIAM, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de l'expertise ni du rapport établi par l'ergothérapeute, que l'état de santé de M. B... requerrait, outre les équipements dont il dispose, un fauteuil roulant motorisé. Le requérant ne soutient pas que son état de santé aurait évolué depuis lors, rendant un tel équipement indispensable à ses déplacements. Dans ces conditions, l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont alloué à M. B... une somme de 1 678 euros au titre de l'acquisition d'un fauteuil à assistance électrique en 2016 et de son renouvellement tous les sept ans.

En ce qui concerne les aides techniques :

7. Il résulte de l'instruction que M. B... a exposé, à la suite de l'accident médical dont il a été victime, des frais d'équipement en raison de son handicap, liés à l'achat d'une planche multifonctions, d'une planche à découper et d'un ouvre-boîte automatique, dont il résulte du rapport établi par l'ergothérapeute qu'ils sont adaptés à son handicap et nécessaires pour lui garantir une autonomie dans la préparation des repas, d'une assise et d'un dossier ergonomiques ainsi que d'un tabouret de douche, dont le montant resté à sa charge s'est élevé à la somme totale de 565,18 euros. Compte tenu de la date d'achat de ces équipements et de leur renouvellement tous les sept ans, eu égard à la durée d'amortissement de ces différents matériels d'aide technique, M. B... a droit, pour la période courant jusqu'à la date de l'arrêt, à la somme de 1 130,36 euros au titre de l'acquisition de ces équipements.

8. Compte tenu d'un renouvellement tous les sept ans, le coût annuel de ces équipements restant à la charge de M. B... s'élève à la somme de 80,74 euros. Ce surcoût de 80,74 euros par an doit, en l'espèce, être capitalisé de manière viagère en tenant compte d'un prix de l'euro de rente viagère de 21,018 euros, tel que fixé, pour un homme de soixante-deux ans à la date du prochain renouvellement de ces équipements estimé en 2024, par le barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais en 2020, reposant sur la table de mortalité 2014-2016 pour les hommes publiée par l'Institut national de la statistique et des études économiques et un taux d'intérêt de 0 %, et doit ainsi être évalué à la somme de 1 696,99 euros.

9. Il suit de là que M. B... a droit, au titre du surcoût lié à l'acquisition et au renouvellement de matériels d'aide technique, à la somme totale de 2 827,35 euros.

En ce qui concerne la perte de gains professionnels et l'incidence professionnelle :

10. Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du même code, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire les pertes de revenus professionnels résultant de l'incapacité permanente et l'incidence professionnelle de cette incapacité.

11. Il convient, en conséquence, de déterminer si l'incapacité permanente conservée par M. B... à la suite des séquelles de son accident médical a entraîné pour lui des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils ont donné lieu au versement d'une pension d'invalidité. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices ont été réparés par la pension, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur à celui perçu au titre de la pension.

12. Il résulte de l'instruction que M. B..., souffrant notamment d'une paralysie totale du bras gauche, d'une hémiplégie spastique de la jambe gauche avec marche possible avec cannes, de troubles du tonus et de troubles cognitifs mineurs, ne peut plus exercer sa profession de conducteur-receveur au sein de la société des transports de l'agglomération grenobloise. L'expert a relevé que M. B... est dans l'impossibilité d'exercer à nouveau une activité professionnelle. Il a d'ailleurs été licencié pour inaptitude physique le 8 juillet 2008. L'accident médical dont il a été victime doit ainsi être regardé comme la cause directe de la perte de tout revenu professionnel jusqu'à l'âge de la retraite, qu'il aurait atteint, non, comme il le soutient, le 21 août 2022, mais le 21 août 2024, à l'âge de soixante-deux ans. Compte tenu du revenu net annuel moyen de 17 832 euros perçu par l'intéressé au cours des années 2005 et 2006, les revenus qu'il aurait dû percevoir entre le 31 janvier 2007 et le 3 mars 2022, date de l'arrêt, s'élèvent à la somme de 269 212,35 euros. Il résulte de l'instruction que M. B... a été contraint, à l'âge de 44 ans, d'abandonner la profession de conducteur-receveur qu'il exerçait et n'est plus en mesure d'opérer une reconversion professionnelle. En revanche, il n'est pas établi M. B... aurait justifié d'une chance sérieuse d'augmenter ses revenus professionnels entre 2007 et 2024, dont la privation serait constitutive d'une incidence professionnelle. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'incidence professionnelle qu'il a subi, distinct de la perte de gains professionnels futurs, en mettant à la charge de l'ONIAM une somme de 8 000 euros à lui verser à ce titre.

13. Il résulte de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a versé à M. B... une pension d'invalidité de catégorie 2 du 1er mars 2008 au 28 février 2011, puis de catégorie 3 à compter du 1er mars 2011, assortie d'une majoration spéciale pour l'assistance d'une tierce personne. Il résulte de l'instruction, notamment des avis d'impôt sur le revenu, que M. B... a perçu, entre 1er février 2007 et le 3 mars 2022, date du présent arrêt, des revenus nets d'un montant de 355 475 euros. La majoration de la pension d'invalidité pour l'assistance d'une tierce personne, versée à compter du 1er mars 2011, s'est élevée à la somme brute annuelle de 12 460,37 euros, soit une somme nette de 11 363,86 euros, selon les indications fournies par le requérant et non contestées. Sur la période du 1er mars 2011 au 3 mars 2022, soit durant 4 021 jours, cette majoration s'élève à la somme nette de 125 173,73 euros. Il suit de là que les revenus nets perçus par M. B... sur cette période, hors majoration pour l'assistance d'une tierce personne, se sont élevés à la somme de 230 301,27 euros. La perte de revenus qu'il a subie jusqu'à la date du présent arrêt s'élève ainsi à la différence entre le montant de 269 212,35 euros mentionné au point 12 et le montant de 230 301,27 euros soit 38 911,08 euros.

14. Il résulte de l'instruction que M. B..., a perçu, en 2021, une pension, hors majoration pour tierce personne, d'un montant mensuel net de 1 151,73 euros, soit un montant journalier de 38,39 euros. Au cours des années 2005 et 2006, il a perçu un revenu net annuel moyen de 17 832 euros, soit un revenu journalier de 48,85 euros. Dès lors, sur la période courant du 4 mars 2022 au 21 août 2024, date à laquelle il pouvait prétendre à la retraite, soit durant 902 jours, M. B... subira une perte de revenus s'élevant à la somme de 9 434,92 euros.

15. M. B..., qui se borne à produire une estimation établie en 2010, indiquant que sa pension mensuelle de retraite se serait élevée à 876,52 euros s'il avait envisagé de prendre sa retraite au 1er septembre 2022, n'établit pas, compte tenu de la pension d'invalidité d'un montant mensuel de 1 151,73 euros qui lui est versée, qu'il subira un préjudice de retraite.

16. Il suit de là que la perte de revenus et le préjudice d'incidence professionnelle subis par M. B... s'établissent à la somme totale de 56 346 euros.

En ce qui concerne les frais d'adaptation du logement :

17. M. B... demande à être indemnisé du coût, restant à sa charge à hauteur de 72 718,82 euros, de travaux, incluant des frais d'architecte, d'agrandissement du rez-de-chaussée de sa maison d'habitation en vue de créer un espace accessible à un fauteuil roulant, comprenant une salle de bains, une chambre à coucher avec un coin bureau et un dressing.

18. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du rapport établi par un ergothérapeute le 20 avril 2010, et ainsi que le fait valoir l'ONIAM, que M. B... se déplace en marchant sans aide au sein de l'espace de vie situé au rez-de-chaussée de sa maison, en se tenant parfois au mur ou à un meuble, qu'il peut emprunter seul, au besoin sous la surveillance d'un tiers pour rétablir son équilibre, l'escalier qui permet d'accéder à l'étage où se situent sa chambre ainsi que la salle de bains, que, le matin, il descend seul cet escalier, sans avoir besoin d'une assistance, et, enfin, qu'il peut accéder à la terrasse et au jardin attenant à sa maison à l'aide d'une canne. Si l'ergothérapeute estime qu'à l'avenir, il est envisageable, compte tenu de sa fatigabilité et de son âge, que M. B... soit contraint de recourir à l'utilisation d'un fauteuil roulant pour l'ensemble de ses déplacements, y compris à l'intérieur de son logement, le requérant ne soutient pas que son état de santé, en lien avec l'accident médical dont il a été victime, se serait aggravé depuis la remise du rapport de l'ergothérapeute et qu'il devrait désormais utiliser un tel équipement pour se déplacer au sein de son logement ni qu'il ne pourrait plus accéder à l'étage. Il ne résulte pas davantage de l'instruction, notamment pas de l'expertise ni du bilan effectué par l'ergothérapeute, que M. B... sera, avec certitude, contraint de se déplacer en fauteuil roulant et ne pourra plus utiliser l'escalier de son habitation. Dans ces conditions, le préjudice lié aux frais de réaménagement de son logement dont M. B... demande à être indemnisé ne présente pas, en l'état, de caractère certain. Toutefois, le présent arrêt ne fait pas obstacle à ce que M. B... saisisse à nouveau le tribunal administratif, s'il s'y croit fondé, d'une nouvelle demande d'indemnité en cas d'aggravation de son dommage nécessitant que soient apportées de nouvelles adaptations à son logement. Il suit de là que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont condamné l'Office à verser à M. B... une somme 57 048 euros à ce titre.

En ce qui concerne les frais de véhicule adapté :

19. Selon l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. En vertu de l'article 2052 du même code, un tel contrat a entre les parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

20. Il résulte de l'instruction et notamment des termes mêmes du protocole d'indemnisation transactionnelle du 28 janvier 2014 conclu entre l'ONIAM et M. B..., et dont la validité n'est pas contestée, que son acceptation par la victime a eu un effet extinctif pour les chefs de préjudices indemnisés par ce protocole, au nombre desquels figurent les frais d'adaptation du véhicule et de renouvellement viager de ces équipements pour un montant de 6 687,21 euros. M. B... a reconnu, en signant ce protocole, être quitte de toutes les charges et obligations au titre des chefs de préjudices indemnisés. Il suit de là que les parties ont entendu réparer par l'octroi de cette indemnité le préjudice lié aux frais de véhicule adapté. Dès lors, si M. B... fait valoir que son handicap, en lien avec l'accident médical en cause, nécessite l'utilisation d'un véhicule adapté et demande à être indemnisé des frais ainsi occasionnés, ce chef de préjudice, qui ne trouve pas son origine dans une aggravation de l'état de santé de la victime mais ne constitue qu'une manifestation des séquelles de son état consolidé, doit être regardé comme déjà intégralement réparé par l'indemnité transactionnelle allouée. M. B... ne saurait, par suite, demander à être indemnisé de ce préjudice.

21. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a fait que partiellement droit à sa demande. En revanche, l'ONIAM est fondé à demander, par la voie de l'appel incident, que la somme de 62 011 euros, avant déduction de la provision de 21 500 euros accordée par le juge des référés de ce tribunal, que l'article 1er du jugement attaqué l'a condamné à payer à M. B... soit ramenée à 59 173,35 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

22. M. B..., qui a présenté une réclamation indemnitaire à la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le 16 juillet 2010, demande les intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011. Il a par suite droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 59 173,35 euros à compter de cette date. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois dans la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 23 mars 2018. A cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 62 011 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. B..., est ramenée à 59 173,35 euros, de laquelle il convient de déduire la provision de 21 500 euros accordée par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 17 mai 2017.

Article 2 : Cette somme de 59 173,35 euros sera assortie des intérêts légaux à compter du 14 avril 2011. Les intérêts échus à la date du 23 mars 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 mars 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. B... et des conclusions d'appel incident de l'ONIAM sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2022.

N° 20LY01377 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01377
Date de la décision : 03/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité sans faute. - Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : UGGC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-03;20ly01377 ?
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