Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge partielle, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 du fait de la réintégration d'une pension alimentaire, et de mettre à la charge de l'Etat, dans chaque instance, une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1805868-1901314 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 février 2020 et le 30 septembre 2020, M. et Mme A... B..., représentés par Me A... Salem, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification du 2 mai 2017 n'indique pas les conséquences financières du contrôle, en méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ;
- il est justifié du versement aux parents indigents de Mme A... B... de pensions alimentaires répondant aux conditions posées aux articles 205 à 211 du code civil et devant en conséquence être admises en déduction du revenu global au titre des années en litige.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de :
- l'irrecevabilité partielle des conclusions à fin de décharge totale, en tant qu'elles excèdent les demandes à fin de décharge partielle présentées dans les réclamations contentieuses et en 1ère instance (article R. 200-2 du livre des procédures fiscales) ;
- l'erreur dans la désignation du contribuable au titre de l'année 2014, en ce qu'elle vise également M. A... B..., alors que Mme A... B... a fait l'objet d'une imposition séparée et était seule concernée par les rectifications.
Par un mémoire en réponse aux moyens d'ordre public enregistré le 10 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire.
Il soutient que l'adressage des pièces de procédure aux deux noms du couple ne constitue pas une erreur substantielle de nature à vicier la procédure pour l'année 2014.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un contrôle sur pièces de leurs déclarations de revenus déposées au titre des années 2014 et 2015, l'administration fiscale a assujetti M. et Mme A... B..., selon proposition de rectification contradictoire du 2 mai 2017, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, assorties de pénalités, résultant pour l'essentiel de la remise en cause de pensions alimentaires déclarées ainsi que du quotient familial. Par réponse aux observations du contribuable du 5 décembre 2017, le service a maintenu l'intégralité des rectifications au titre de l'année 2014 et l'essentiel des rectifications au titre de l'année 2015. Les réclamations préalables formées après mise en recouvrement pour chacune des années en litige et contestant le refus de déduction des pensions alimentaires déclarées au bénéfice des parents de Mme A... B..., résidant en Tunisie, ayant été rejetées, les requérants ont saisi le tribunal administratif de Lyon de deux requêtes tendant à la décharge partielle, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des deux années en cause du fait du refus de déduction de ces pensions alimentaires. Ils relèvent appel du jugement du 10 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes après les avoir jointes et demandent la décharge totale des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, en droits et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. M. et Mme A... B... reprennent en appel le moyen tiré du vice de procédure en raison de la méconnaissance alléguée des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : (...) / II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) / 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211, 367 et 767 du code civil à l'exception de celles versées aux ascendants quand il est fait application des dispositions prévues aux 1 et 2 de l'article 199 sexdecies (...) ". En vertu des articles 205 à 211 du code civil, les enfants ne doivent des aliments qu'à leurs ascendants qui sont dans le besoin, à proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit.
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 156 du code général des impôts qu'une pension alimentaire n'est déductible que si elle répond aux conditions fixées par les dispositions des articles 205 à 211 du code civil, lesquelles doivent être remplies alors même que cette pension serait versée à l'étranger, et que les contribuables qui déduisent ou demandent à déduire du montant global de leurs revenus, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, les versements faits à leurs parents privés de ressources doivent justifier devant le juge de l'impôt de l'importance des aliments dont le paiement a été rendu nécessaire par le défaut de ressources suffisantes de leurs ascendants.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la proposition de rectification, que M. et Mme A... B... sont mariés sous le régime tunisien de droit commun de la séparation de biens et qu'ils résidaient séparément en 2014, Mme A... B... étant présente sur le territoire français alors que M. A... B... résidait en Tunisie avant de rejoindre la France en 2015. Si l'administration fiscale a en conséquence conclu à bon droit à l'imposition séparée des époux au titre de l'année 2014, elle a toutefois désigné par erreur M. A... B... comme contribuable tant sur la proposition de rectification que sur l'avis d'imposition supplémentaire et le ministre ne soutient d'ailleurs pas que le rôle aurait été établi au seul nom de Mme A... B.... Par suite, il y a lieu de décharger M. A... B..., en droits et pénalités mais dans la limite de ses demandes de première instance en application de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014 du fait du refus de déduction de pensions alimentaires déclarées au profit des parents de son épouse par cette dernière.
6. En second lieu, pour refuser la déduction des sommes de 30 540 euros et 31 000 euros déclarées par Mme A... B..., respectivement en 2014 et 2015, comme pensions alimentaires versées à ses parents dans le besoin, l'administration fiscale, qui ne présente pas de demande de substitution de motifs, s'est uniquement fondée sur la circonstance que les sommes ainsi déduites avaient été versées sur un compte ouvert en Tunisie au nom de M. A... B... et qu'il n'était pas justifié de leur transfert effectif aux parents de Mme A... B..., dont l'administration a reconnu, dans les décisions intervenues sur réclamations préalables, qu'il était justifié de leur état de besoin.
7. Mme A... B... établit toutefois, par la production de certificats médicaux émanant du médecin généraliste des intéressés, qui ne sont pas dépourvus de valeur probante du seul fait qu'ils sont postérieurs au contrôle, que ses parents étaient illettrés et hors d'état de se déplacer pour la période en litige, sauf pour des hospitalisations. Il est, dès lors, suffisamment démontré que les versements ne pouvaient être effectués sur un compte bancaire ouvert à leur nom mais nécessitaient l'utilisation d'un compte ouvert au nom de M. A... B..., qui a résidé en Tunisie jusqu'en 2015. Les requérants justifient également de manière suffisante, par la production de factures, notes d'honoraires ou relevés d'honoraires détaillés, ainsi que d'attestations des praticiens confirmant que les paiements correspondants ont été effectués par Mme A... B... ou par son époux, avoir pris en charge des frais de kinésithérapie, d'analyses médicales et de pharmacie pour le compte des parents de Mme A... B... à hauteur, en l'absence de contestation du taux de change allégué, de sommes arrondies à 8 163 euros en 2014 et 12 832 euros en 2015, ces dépenses étant justifiées par l'état de santé des intéressés tel que décrit par leur médecin généraliste et devant en conséquence être admises en déduction du revenu net.
8. Mme A... B... n'est en revanche pas fondée à demander la déduction des honoraires du médecin généraliste, dont seul un montant approximatif, et non un relevé détaillé, a été communiqué, ni des honoraires d'un dentiste, la nécessité de ces soins dentaires ne ressortant pas des certificats médicaux décrivant l'état de santé des deux parents de la requérante. Si les appelants produisent en outre deux factures consécutives à des hospitalisations de Mme E... survenues en 2015, ils ne justifient pas, par la seule production d'une attestation sur l'honneur, avoir effectivement réglé personnellement ces deux factures, qui ne peuvent dès lors être admises en déduction.
9. En l'absence de contestation des autres chefs de rectification, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de décharge totale, Mme A... B..., et son époux en ce qui concerne la seule année 2015, sont ainsi seulement fondés à demander la décharge partielle, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu correspondant aux sommes précitées ayant le caractère de pensions alimentaires devant être admises en déduction du revenu net déclaré.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a entièrement rejeté leur demande de décharge.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A... B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : M. A... B... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014 du fait de la réintégration d'une somme de 30 540 euros aux revenus déclarés par son épouse, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : La base de l'impôt sur le revenu fixée à Mme A... B... est réduite d'une somme de 8 163 euros au titre de l'année 2014.
Article 4 : Mme A... B... est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités afférentes, correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 3.
Article 5 : La base de l'impôt sur le revenu fixée à M. et Mme A... B... est réduite d'une somme de 12 832 euros au titre de l'année 2015.
Article 6 : M. et Mme A... B... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités afférentes, correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 5.
Article 7 : L'Etat versera à M. et Mme A... B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et Mme D... E... épouse A... B... ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2022.
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N° 20LY00580