Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de réexaminer son dossier dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, en la munissant sans délai d'un récépissé l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2006594 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 avril 2021, Mme A..., représentée par Me Misery, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2006594 du 31 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 août 2020 du préfet du Rhône portant refus de délivrance du certificat de résidence algérien sollicité assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et fixant l'Algérie comme pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
4)°à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer son dossier dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, en la munissant sans délai d'un récépissé l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, distraits au profit de Me Misery, sur affirmation de son droit.
Elle soutient que :
- le tribunal a méconnu son office et entaché le jugement attaqué d'irrégularité en se bornant à reprendre les termes de la décision attaquée sans contrôler l'erreur d'appréciation des faits de l'espèce et des conséquences de la décision sur sa vie privée et familiale et au regard l'intérêt supérieur de l'enfant ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle ne serait pas isolée en cas de retour en Algérie ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a estimé que la décision litigieuse ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale : cette décision méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle justifie remplir les conditions pour bénéficier de plein droit de la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des stipulations de l'article 6- 5 de l'accord franco-algérien ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus d'admission au séjour ;
- la décision d'éloignement a méconnu son droit d'être entendue préalablement à son édiction ;
- en prenant cette décision d'éloignement le préfet a méconnu l'étendue de son pouvoir discrétionnaire, a omis de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle et a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences en portant une atteinte excessive au respect de son droit à une vie privée et familiale ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus d'admission au séjour ;
- son renvoi en Algérie lui rend impossible toute vie privée et familiale en France où elle est née et où réside la totalité de ses attaches familiales au sens de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet a méconnu l'étendue de son pouvoir discrétionnaire, a omis de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle et a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences en portant une atteinte excessive au respect de son droit à une vie privée et familiale ;
- le préfet n'invoque aucun élément de nature à établir qu'elle pourrait retourner sans risque en Algérie ; elle doit être regardée comme établissant l'existence de circonstances faisant obstacle à son éloignement vers l'Algérie où elle serait susceptible d'être exposée, en cas de retour, à des traitements inhumains liés à son isolement et à une précarité matérielle certaine, contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été régulièrement communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
- et les observations de Me Meziane substituant Me Misery représentant Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 26 juin 1961 à Lyon, entrée en France le 15 avril 2018 sous couvert d'un visa de court séjour accompagnée de sa fille mineure née le 16 juillet 2009 en Algérie, a sollicité le 20 septembre 2019 la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 août 2020, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme A... soutient que les premiers juges ont méconnu leur office et entaché le jugement attaqué d'irrégularité en se bornant à reprendre les termes de la décision attaquée sans contrôler l'erreur d'appréciation des faits de l'espèce et des conséquences de la décision de refus d'admission au séjour sur sa vie privée et familiale et au regard l'intérêt supérieur de son enfant.
3. Il ressort de la lecture du jugement attaqué que pour écarter les moyens de légalité interne soulevés en première instance à l'encontre de la décision refusant son admission au séjour, les premiers juges, après avoir estimé qu'il ne ressortait d'aucune pièce du dossier que le préfet aurait omis de procéder à un examen particulier de sa situation, ont jugé que les circonstances invoquées par l'intéressée n'étaient pas de nature à établir qu'en refusant de lui délivrer le certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sollicité sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, le préfet du Rhône aurait méconnu ces stipulations et porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils ont également jugé que, pour les mêmes motifs, et en l'absence d'argumentation distincte, le préfet du Rhône n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de Mme A... en refusant de l'admettre au séjour. Les premiers juges ont estimé que l'intéressée, bien que née en France en 1961, a quitté le territoire français en 1985 pour retourner en Algérie où elle a vécu l'essentiel de son existence et où elle a établi sa vie privée et familiale dès lors qu'elle s'y est mariée en septembre 1989, qu'elle a eu sept enfants et qu'elle y a vécu jusqu'à l'âge de 56 ans, elle a vécu éloignée des membres de sa famille demeurés en France, et que si une de ses filles est titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'en 2030 en tant que conjointe de ressortissant français, cinq de ses enfants demeurent toujours en Algérie, dont l'un de ses fils, encore mineur. Les premiers juges ont, en outre, relevé que la circonstance que l'intéressée se prévaut de son engagement dans des activités bénévoles, d'un projet de contrat de travail et de l'aide apportée à sa nièce dans l'éducation de ses enfants ne suffit pas à démontrer que Mme A... aurait établi le centre de ses intérêts en France où sa présence demeure récente. Ils ont également relevé que l'intéressée avait introduit à l'encontre de son ex-époux une action judiciaire en réparation pour divorce abusif et que, par un jugement du tribunal d'Ouled Djellal du 17 juin 2019, elle a obtenu le versement d'une pension alimentaire, la garde et la tutelle de ses enfants encore mineurs et l'allocation d'une somme en réparation du divorce abusif. Ils ont enfin constaté qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le refus d'admission au séjour serait entaché d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la décision litigieuse n'ayant pas pour effet de la séparer de sa fille mineure à l'égard de laquelle le père résidant en Algérie dispose d'un droit de visite. Par suite, le moyen d'irrégularité du jugement attaqué manque en fait et doit être écarté.
Sur la légalité de la décision de refus d'admission au séjour :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
5. Aux termes de de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;(...) ". S'agissant des règles de séjour, la situation des ressortissants algériens est entièrement et exclusivement régie par l'accord de 1968 modifié. Il en résulte qu'un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.
6. En appel, la requérante reproche aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte des circonstances de son mariage forcé, des conditions de sa vie maritale et des violences conjugales réitérées, que son père l'a forcée de subir, en l'obligeant à rentrer en Algérie alors qu'elle disposait d'un certificat de résidence en France, de l'emprise et des privations imposées par son époux, qui a fini par la répudier, de ce qu'elle ne peut obtenir justice dans ce pays, que des membres de sa famille résident en France, que sa fille mineure est scolarisée en France alors que ses enfants majeurs, demeurés en Algérie ne peuvent l'héberger, et que ces circonstances sont de nature à établir l'impossibilité pour elle de poursuivre une vie familiale normale en Algérie. Elle soutient justifier d'une réelle intégration à la société française, disposer d'un projet de contrat de travail, s'occuper des membres de sa famille résidant en France et s'investir dans des actions bénévoles. Toutefois, ces circonstances, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France depuis 2018, ne sont pas, contrairement à ce qu'elle soutient, de nature à établir qu'elle remplit les conditions pour bénéficier de plein droit d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " et à démontrer qu'en refusant de l'admettre au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, le préfet du Rhône aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'accord franco-algérien invoqué dans le cadre de sa demande d'admission au séjour et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
7. La requérante ne peut utilement invoquer les conditions de son séjour en Algérie à l'encontre de la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de celle-ci sur sa situation personnelle et familiale.
8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni d'aucun des moyens soulevés en appel, que la décision litigieuse aurait des conséquences susceptibles de porter atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant.
10. Si Mme A... a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne peut utilement soutenir qu'en refusant de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " le préfet du Rhône aurait méconnu son pouvoir de régularisation.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination :
11. Aucune des circonstances invoquées par la requérante n'est de nature à démontrer l'impossibilité pour elle et sa fille de poursuivre une vie privée et familiale normale en Algérie. Par suite, et pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges, à l'encontre desquels la requérante ne soulève aucune critique sérieuse, et qu'il y a, par suite, lieu pour la cour d'adopter, les moyens soulevés à l'encontre des décisions d'éloignement et de désignation du pays de destination, tirés par la voie de l'exception de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour, de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle, de la méconnaissance du droit d'être entendue préalablement à l'édiction de la décision d'éloignement doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence du rejet de ses conclusions afin d'annulation du jugement attaqué, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.
N° 21LY01284 2