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02/03/2022 | FRANCE | N°21LY01213

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 02 mars 2022, 21LY01213


Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme D... épouse F..., et son époux, M. C... F... ont demandé au tribunal administratif Grenoble, d'une part, d'annuler les arrêtés du 4 novembre 2020 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et leur a fixé un pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer leurs dossiers et, en toute hypothèse, de leur délivrer le titre de séjour sol

licité.

Par un jugement n° 2007312-2007314 du 18 mars 2021, le tribunal administ...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme D... épouse F..., et son époux, M. C... F... ont demandé au tribunal administratif Grenoble, d'une part, d'annuler les arrêtés du 4 novembre 2020 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et leur a fixé un pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer leurs dossiers et, en toute hypothèse, de leur délivrer le titre de séjour sollicité.

Par un jugement n° 2007312-2007314 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 16 avril 2021 sous le n° 21LY01213, Mme D... épouse F..., représentée par Me Aldeguer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 mars 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 4 novembre 2020 la concernant ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer le titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas tiré les conséquences de sa parfaite intégration à la société française, tant au niveau du travail que de ses activités bénévoles ;

- la décision de refus de titre de séjour été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le refus d'admission au séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale, des efforts pour s'insérer socialement par le biais d'activités bénévoles et des démarches pour obtenir un titre de séjour afin de demeurer auprès de leur famille en France ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.

La requête a été communiquée au préfet qui n'a pas produit d'écritures en défense.

II - Par une requête, enregistrée le 16 avril 2021 sous le n° 21LY01214, et un mémoire rectificatif enregistré le 19 avril 2021, M. C... F..., représenté par Me Aldeguer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 mars 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 4 novembre 2020 le concernant ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer le titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas tiré les conséquences de sa parfaite intégration à la société française, tant au niveau du travail que de ses activités bénévoles ;

- la décision de refus de titre de séjour été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le refus d'admission au séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale, des efforts pour s'insérer socialement par le biais d'activités bénévoles et des démarches pour obtenir un titre de séjour afin de demeurer auprès de leur famille en France ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.

La requête et le mémoire rectificatif ont été communiqués au préfet qui n'a pas produit d'écritures en défense.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

Sur la jonction des requêtes :

1. Les requêtes n° 21LY01213 et n° 21LY01214 présentées pour Mme D... et son époux, M. F..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

2. Mme B... D..., épouse F... et M. C... F..., ressortissants algériens nés respectivement le 1er juin 1976 et le 6 octobre 1975, sont entrés sur le territoire français le 8 décembre 2011 avec leurs deux enfants, munis de passeports revêtus d'un visa de court séjour. Ils ont sollicité le 13 décembre 2011 leur admission au séjour au titre de l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées successivement par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 26 octobre 2012 et par deux décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 3 mai 2013. Ils ont ensuite sollicité le 31 mai 2013 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur. Le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français par deux arrêtés du 1er octobre 2013 dont la légalité a été reconnue par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 juin 2014 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 12 janvier 2016. Ils ont, de nouveau, sollicité le 18 juin 2015 la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en se prévalant de l'état de santé de leur fils né en France en 2012. Mme D... a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour avant de solliciter le 20 juin 2016 l'autorisation de se maintenir en France au regard de l'état de santé de cet enfant. Le préfet de l'Isère leur a, de nouveau, opposé un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français par deux arrêtés du 31 octobre 2016 dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Grenoble le 16 mai 2017, puis par arrêt de la cour le 23 mai 2019. En dernier lieu, M. et Mme F... ont, une nouvelle fois, sollicité, le 3 octobre 2019, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Ils relèvent appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation des arrêtés du 4 novembre 2020 par lesquels, en réponse à cette nouvelle demande, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et en fixant le pays de destination.

Sur la légalité des décisions portant refus d'admission au séjour :

3. En application des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, qui fixe les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".

4. S'agissant des règles de séjour, la situation des ressortissants algériens est entièrement et exclusivement régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il en résulte qu'un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. Les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni aucune disposition légale ne garantissent aux ressortissants étrangers le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer leur vie privée et familiale. Le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme une obligation pour un Etat de s'incliner devant le choix fait par un étranger de s'installer sur son territoire, en dépit de la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers sur son territoire.

6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, de tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

7. Il ressort de la lecture des arrêtés préfectoraux contestés que, pour opposer un refus aux demandes d'admission au séjour présentées respectivement par Mme D... et M. F... le 3 octobre 2019, sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet de l'Isère s'est fondé sur les conditions d'entrée et de séjour des intéressés sur le territoire français, en rappelant notamment le rejet de leurs demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile après leur entrée en France en décembre 2011 munis d'un visa de court séjour, ayant expiré le 4 février 2012, leur maintien sur le territoire en situation irrégulière malgré la confirmation tant en première instance qu'en appel de deux séries d'arrêtés du 1er octobre 2013 et du 31 octobre 2016 portant refus d'admission au séjour opposés par le préfet de l'Isère assortis d'obligations de quitter le territoire français qu'ils n'établissent pas avoir exécutées. En réponse à leurs nouvelles demandes d'admission au séjour, au titre de la vie privée et familiale, le préfet a relevé que la durée de leur présence en France était notamment liée à leur maintien délibéré en situation irrégulière malgré la confirmation juridictionnelle de la légalité des refus d'admission au séjour et des mesures d'éloignement prises à leur encontre qu'ils n'établissaient pas avoir exécutées, et alors qu'ils n'étaient pas sans connaître la précarité de leur situation au regard du droit au séjour en France. Il ressort des pièces du dossier et de la lecture même des arrêtés litigieux que M. et Mme E... sont arrivés en France respectivement à l'âge de trente-six ans et de trente-cinq ans, qu'ils ont vécu l'essentiel de leurs existences en Algérie, en dépit de l'installation de parents en France, et que l'examen de leurs situations ne révélait pas l'existence de liens intenses, stables et anciens qu'ils auraient tissés sur le territoire français, de nature à justifier un droit au séjour. Cet examen a permis au préfet de l'Isère de constater que les demandeurs ne sont pas dépourvus d'attaches familiales en Algérie, et qu'ils ne démontrent pas être dans l'impossibilité de se réinsérer, socialement et professionnellement, dans leur pays d'origine où ils pourront reconstituer leur cellule familiale avec leurs trois enfants mineurs. A... outre, en dépit des décisions de refus d'admission au séjour, rien ne s'oppose à ce que M. et Mme F... reviennent visiter leurs parents présents sur le territoire français ou que ces derniers leur rendent visite dans le pays de renvoi. Par suite, en refusant de leur délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Isère n'a méconnu ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, ni méconnu l'intérêt supérieur de leurs enfants.

8. Les requérants se prévalent de leur intégration à la société française en se bornant à invoquer la production de deux promesses d'embauche pour M. E... et de leurs activités bénévoles respectives. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés quant à la durée et aux conditions de leurs séjours sur le territoire français alors qu'une insertion à la société française suppose le respect des lois de la République et des décisions de justice, les circonstances invoquées ne démontrent pas qu'en refusant de régulariser leurs situations en leur délivrant un certificat de résidence algérien, le préfet de l'Isère aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs situations. Par suite, l'ensemble des moyens soulevés à l'encontre des décisions de refus d'admission au séjour en litige doivent être écartés.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence valable un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien à l'appui de leurs conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français du même jour dont le préfet a assorti le refus d'admission au séjour opposé à chacun d'eux.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... et Mme D... épouse F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs recours en excès de pouvoir à l'encontre des arrêtés par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un certificat de résidence et assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français en fixant l'Algérie comme pays de destination. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de leur délivrer un certificat de résidence et celles tendant à la condamnation de l'Etat au versement de frais non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes nos 21LY01213 et 21LY01214 de Mme D... épouse F... et de M. F... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse F..., M. C... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président-assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.

2

Nos 21LY01213-21LY01214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01213
Date de la décision : 02/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-02;21ly01213 ?
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