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02/03/2022 | FRANCE | N°21LY00983

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 02 mars 2022, 21LY00983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2020, par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et lui a fixé un pays de destination, et de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information " Schengen ".

Par un jugement n° 2008402 du 3 février 2

021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2020, par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et lui a fixé un pays de destination, et de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information " Schengen ".

Par un jugement n° 2008402 du 3 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2021, M. B... A..., représenté par Me Messaoud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2008402 du 3 février 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 10 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information " Schengen " ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif de Lyon a procédé à une substitution de base légale sans respecter le contradictoire ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale dès lors que le préfet s'est fondé à tort sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au vu de son entrée régulière en France le 23 janvier 2019 au moyen d'un vise court séjour ;

- cette décision est illégale pour erreur de droit ou d'appréciation tenant à la méconnaissance de l'article L. 531-1 du code précité dès lors qu'il était admissible à la procédure de réadmission en Italie, pays dans lequel il a déposé une demande de titre de séjour en cours d'instruction ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité entachant la décision portant refus de séjour et pour violation de l'article L. 513-2 du code précité ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français et pour méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code précité ; elle est également entachée d'un défaut de motivation, d'une absence d'examen de sa situation, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation tenant à son entrée régulière en France, de l'absence de menace à l'ordre public ou d'une précédente mesure d'éloignement, de la procédure d'admission au séjour en cours en Italie, de la présence d'un frère en France et du caractère injustifié et disproportionné du délai.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 10 novembre 2020, le préfet du Rhône a obligé M. B... A..., né le 11 septembre 1989 en Algérie, à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé un pays de renvoi. Par jugement du 3 février 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté son recours en excès de pouvoir contre cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ".

3. D'autre part, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet du Rhône du 10 novembre 2020 est expressément fondé sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, M. A... justifie être entré régulièrement dans l'espace Schengen muni d'un visa court séjour délivré par les autorités consulaires espagnoles pour la période du 23 décembre 2018 au 22 mars 2019 et déclare sans être contredit être entré en France le 23 janvier 2019. Le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a toutefois retenu que le préfet a pu constater que le requérant s'était maintenu en situation irrégulière au-delà de la période de validité du visa. Ce faisant, alors que le préfet du Rhône n'a nullement opposé un tel motif et en l'absence de défense de sa part devant le premier juge, celui-ci doit être regardé comme ayant procédé d'office à une substitution de base légale sans néanmoins avoir préalablement prévenu les parties de cette dernière.

5. Il s'ensuit que le requérant est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'une irrégularité et doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A....

Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Rhône du 10 novembre 2020 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté attaqué comporte les éléments de fait et de droit qui le fondent. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit donc être écarté.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet n'aurait pas procéder à un examen réel et complet de sa situation personnelle.

8. En troisième lieu, comme indiqué au point 4, c'est à tort que le préfet s'est fondé sur le 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer son obligation de quitter le territoire français dès lors que M. A... justifie être régulièrement entré dans l'espace Schengen muni d'un visa court séjour délivré par les autorités consulaires espagnoles pour la période du 23 décembre 2018 au 22 mars 2019 et déclare sans être contredit être entré en France le 23 janvier 2019. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, le cas de M. A... relevait du 2° de l'article précité dès lors qu'il est constant qu'il s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa et ne justifie pas d'un titre de séjour. En application des principes rappelés au point 3, il y a lieu de procéder d'office à la substitution de base légale entre le 1° et le 2° de l'article L. 511-1 du code précité, laquelle n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie et dès lors que le préfet disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Il s'ensuit que M A... n'est par suite pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En quatrième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement, soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre. Par suite, si M. A... fait valoir qu'il est titulaire d'un récépissé délivré par les autorités italiennes suite à une demande de titre de séjour, une telle circonstance n'est pas de nature à faire obstacle à la faculté de l'autorité administrative de prononcer une obligation de quitter le territoire français. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions sus rappelées ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. D'une part, il découle des points précédents que le requérant ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

11. D'autre part, il découle du point 9 que la circonstance que M. A... pourrait être réadmis en Italie n'est pas de nature à entacher d'erreur manifeste d'appréciation la décision fixant le pays de destination, laquelle prévoit au demeurant une reconduite d'office dans le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il établirait être légalement admissible.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

12. D'une part, comme indiqué au point 10, en l'absence d'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire national ne peut qu'être écartée.

13. D'autre part, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet du Rhône n'a pas insuffisamment motivé sa décision ou examiné sa situation personnelle, nonobstant la circonstance qu'il ait indiqué à tort que l'intéressé était entrée irrégulièrement en France. Si M. A... fait valoir qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et a un frère de nationalité française qui réside en France, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré récemment sur le territoire français selon ses propres déclarations, ne justifie donc pas de l'ancienneté et de l'intensité d'attaches familiales en France alors qu'il a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de trente ans et s'est irrégulièrement maintenu sur le territoire national alors qu'il a entrepris des démarches de régularisation en Italie. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait pris une mesure injustifiée et disproportionnée en prenant la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Pour les mêmes motifs, il n'apparait pas que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

14. Il découle de tout ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 10 novembre 2020 ne peuvent être accueillis, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ou présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2008402 du 3 février 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.

N° 21LY00983 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00983
Date de la décision : 02/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : MESSAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-02;21ly00983 ?
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