Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :
1°) d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 12 septembre 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
2°) d'enjoindre audit préfet, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir en application de l'article L. 911-2 du même code.
Par un jugement n° 1902965 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 novembre 2020, Mme B... A..., représentée par Me Grenier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 12 septembre 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre audit préfet, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en application de l'article L. 911-2 du même code ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : elle est entachée d'erreur de qualification juridique des faits car elle souffre d'une très grave pathologie, tumeur rénale, d'autres pathologies et d'une altération générale de son état de santé, qui nécessitent un suivi médical rigoureux, complexe et onéreux ; la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du CESEDA et de l'article 8 de la CEDH, et comporte une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
- en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : la décision est illégale par voie d'exception d'illégalité de la précédente ; la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la CEDH et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; elle méconnait l'article L. 511-4 10° du CESEDA compte tenu de sa situation médicale ;
- les décisions fixant un délai de départ de trente jours et le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité entachant le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français.
Le préfet de Saône-et-Loire, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 23 septembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., née le 1er janvier 1946, de nationalité marocaine, est entrée régulièrement en France le 17 juin 2015, munie d'un visa valide jusqu'au 25 août 2015. Le 5 juin 2016, elle a déposé une demande de titre de séjour portant la mention " étranger malade ". Par arrêté du 25 juillet 2017, le préfet de Saône-et-Loire a prononcé un premier refus de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours à son encontre. Cette décision, qui a été confirmée par le tribunal administratif de Dijon le 21 décembre 2017, a été annulée par la cour administrative d'appel de Lyon le 18 décembre 2018. À la suite du réexamen de sa demande, Mme A... a, de nouveau, fait l'objet le 12 septembre 2019 d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. Mme B... A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 juin 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.
4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le collège des médecins de l'OFII a rendu un avis le 13 juin 2019, sur la demande de titre de séjour de Mme A..., aux termes duquel l'état de santé de l'appelante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque. Mme B... A... soutient qu'elle souffre d'une très grave pathologie, une tumeur rénale, d'autres pathologies et d'une altération générale de son état de santé, qui nécessitent un suivi médical rigoureux, complexe et onéreux. Elle a produit devant le tribunal administratif et en appel, d'une part, un document, non daté et tamponné au timbre d'une pharmacie de Casablanca, mentionnant l'absence de " couverture sanitaire " au Maroc de l'intéressée en des termes non officiels, qui ne sauraient donc revêtir un caractère probant, d'autre part, des documents médicaux : un certificat médical du 18 novembre 2015, un compte-rendu d'hospitalisation du 10 au 14 août 2015, un compte rendu opératoire du 11 janvier 2016 faisant état de la pose d'une prothèse de genou droit, un compte-rendu opératoire du 3 avril 2017 faisant état d'une arthroplastie totale de genou gauche par une prothèse, ainsi que des documents postérieurs à la décision attaquée, comprenant un certificat très bref du 17 octobre 2019, concernant l'assistance d'une tierce personne que requiert son état de santé et un compte-rendu de scanner thoraco-abdomino-pelvien du 11 octobre 2019, qui se conclut par la présence de trois micronodules pulmonaires qui doivent être considérés comme suspects. Toutefois, ces pièces ne sont pas suffisantes pour prouver l'impossibilité d'un accès effectif à un traitement approprié au Maroc à la date de la décision attaquée. Par suite, dès lors que l'appelante n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée à la gravité de sa pathologie, c'est sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sans erreur de qualification juridique des faits que le préfet de de Saône-et-Loire a refusé de délivrer à Mme B... A... le titre de séjour demandé.
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a vécu au Maroc jusqu'à son entrée en France en juin 2015, à l'âge de soixante-neuf ans et s'est ensuite maintenue irrégulièrement pendant un an sur le territoire national avant d'engager les démarches de régularisation de sa situation administrative. Si elle est prise en charge par sa fille qui réside en France, elle ne démontre pas, en se bornant à soutenir que son époux, qui souhaite renoncer à leur vie de couple, a engagé une procédure de séparation, l'impossibilité de bénéficier d'une assistance familiale au Maroc compte tenu de son état de santé précaire. Dès lors, l'arrêté attaqué portant refus de séjour n'est entaché ni d'erreur manifeste d'appréciation, ni de violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents, la décision obligeant Mme B... A... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité des décisions fixant un délai de départ de trente jours et le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination et contre celle fixant le pays de destination de son éloignement.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.
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N°20LY03242