Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, lequel a transmis cette demande au tribunal administratif de Grenoble, d'annuler l'ordre de recouvrer émis à son encontre le 10 juillet 2017 par l'agence de services et de paiement à hauteur de 13 585 euros, en exécution de la décision du 1er juin 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie l'a déchue de ses droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs.
Par un jugement n° 1707078 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 4 novembre 2019 et 30 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Marion, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 mai 2019 ;
2°) de prononcer une injonction à fin de médiation pour que puisse être trouvée une issue appropriée au regard des intérêts des deux parties ;
3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'ordre de recouvrer litigieux est illégal du fait de l'illégalité de la décision du 1er juin 2017, dont elle excipe l'illégalité par la voie de l'exception en faisant valoir que :
* en application du principe de parallélisme des formes, la décision de déchéance de droits et l'ordre de recouvrer ne pouvaient intervenir qu'après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA) quand bien même l'article R. 313-1 du code rural ne le prévoit pas expressément ;
* la décision de déchéance de droits est postérieure au 1er janvier 2015, de sorte que l'article D. 343-5 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1141 du 22 août 2016 était applicable ;
* elle ne saurait être considérée comme ayant cessé son exploitation, ayant seulement poursuivi son projet de première installation sur un autre site ;
- le jugement est entaché d'erreur de droit en ce qu'il refuse de lui appliquer l'article D. 343-5 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1141 du 22 août 2016, mais lui applique l'article D. 343-18-1 du même code dans la version issue de ce texte ; elle n'est tenue de rembourser que la somme correspondant à la moitié de la bonification d'intérêts dont elle a bénéficié.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par ordonnance du 6 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2019.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
- et les conclusions de Mme Sophie Corvellec, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 23 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordre de recouvrer la somme de 13 585 euros en exécution de la décision du préfet de la Haute-Savoie du 1er juin 2017 prononçant la déchéance de ses droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Pour contester l'ordre de recouvrer en litige, Mme B... excipe de l'illégalité de la décision du 1er juin 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie l'a déchue de ses droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs.
3. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que la déchéance des droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs soit précédée de la consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture. S'agissant d'une décision qui se borne à tirer les conséquences du non-respect des engagements souscrits par le bénéficiaire de l'aide, sans avoir une portée similaire à celle de l'arrêté attribuant cette aide, la requérante ne peut revendiquer l'application d'un prétendu principe de parallélisme des formes.
4. En deuxième lieu, Mme B... a obtenu la dotation jeune agriculteur par un arrêté du 13 septembre 2011. Pour apprécier si la requérante avait respecté ses engagements, au respect desquels était subordonné le bénéfice de l'aide, le préfet de la Haute-Savoie a pu, à bon droit, se fonder sur les dispositions du 5° de l'article D. 343-5 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction antérieure à l'intervention du décret du 22 août 2016.
5. En troisième lieu, en vertu de ce 5°, le jeune agriculteur s'engage à exercer pendant cinq ans la profession d'agriculteur en qualité de chef d'exploitation, à mettre en valeur personnellement son exploitation et à participer effectivement aux travaux pendant cinq ans.
6. Mme B... ne conteste pas sérieusement que, comme l'ont relevé les premiers juges, en cessant son exploitation en Haute-Savoie pour en créer une nouvelle dans l'Allier, quand bien même elle exerce cette nouvelle activité sous la même dénomination, elle n'a pas respecté l'engagement mentionné au point précédent. Le préfet pouvait, pour ce motif et sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, en dépit des difficultés économiques ayant conduit Mme B... à cesser son activité en Haute-Savoie, prononcer la déchéance totale des aides comme l'y autorisent les dispositions de l'article D. 343-18-1 du code rural et de la pêche maritime.
7. En quatrième lieu, pour contester le droit à restitution intégrale de la dotation qui lui a été réclamée, Mme B... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article D. 343-18-1 du code rural et de la pêche maritime, spécifiques aux bénéficiaires de prêts à moyens termes spéciaux auxquels il est demandé le remboursement de la bonification d'intérêts.
Sur les conclusions à fin de médiation :
8. Aux termes de l'article L. 213-7 du code de justice administrative : " Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci ".
9. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a implicitement rejeté la proposition de médiation qui lui avait été soumise par la cour le 4 octobre 2021 sur le fondement de l'article L. 213-7 du code de justice administrative. Le ministre s'opposant à la demande de médiation, les conclusions présentées par requérante, tendant à ce que la cour ordonne une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre les deux parties, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la requérante demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 . Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à l'agence de services et de paiement.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.
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N° 19LY04020