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02/03/2022 | FRANCE | N°19LY03467

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 02 mars 2022, 19LY03467


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Décines-Charpieu à lui verser une indemnité de 48 151,60 euros en réparation des conséquences dommageables des fautes commises selon lui dans la gestion de sa position statutaire.

Par un jugement n° 1706883 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 septembre 2019 et 4 novembre 2019

, M. B..., représenté par Me Dalle-Crode, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Décines-Charpieu à lui verser une indemnité de 48 151,60 euros en réparation des conséquences dommageables des fautes commises selon lui dans la gestion de sa position statutaire.

Par un jugement n° 1706883 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 septembre 2019 et 4 novembre 2019, M. B..., représenté par Me Dalle-Crode, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 juillet 2019 ;

2°) de condamner la commune de Décines-Charpieu à lui verser une indemnité de 105 913,87 euros en réparation des conséquences dommageables des fautes commises dans la gestion de sa position statutaire ;

3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de la commune de Décines-Charpieu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour avoir omis de statuer sur ses conclusions au titre du préjudice moral subi et sur l'atteinte à sa réputation ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la commune a commis différentes fautes de nature à engager sa responsabilité :

* il a subi en septembre 2016 une modification substantielle de son contrat de travail, entraînant une perte très substantielle de rémunération, sans aucun respect de la procédure prévue à l'article 39-4 du décret du 15 février 1988 ;

* il a été déchargé de ses fonctions de directeur de cabinet par une décision non motivée qui ne repose sur aucun motif ;

* la suppression de son emploi de directeur du développement et de la stratégie procède d'un détournement de procédure ; cette décision a été prise en considération de la personne et non pour un motif budgétaire ; il s'agit d'une sanction déguisée ;

* il a été purement et simplement mis à l'écart avec interdiction totale faite au comité d'encadrement de rentrer en " contact direct " avec lui ;

* il a été licencié sans envisager un reclassement dans la collectivité, en méconnaissance totale des dispositions de l'article 39-5 du décret du 15 février 1988 ;

* il s'est vu remettre par la collectivité au moment de son licenciement des documents insincères et comportant de nombreuses erreurs, ce qui a eu pour effet de le priver de toute source de revenus pendant plusieurs mois ;

* il a subi une atteinte à sa réputation par voie de presse ;

- son préjudice matériel, correspondant à la différence entre le montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir en tant que directeur du développement et de la stratégie, du fait de l'application du contrat signé le 16 septembre 2015, et entre le montant de la rémunération qu'il a réellement perçue sur la même période, s'établit à la somme de 55 913,87 euros ;

- son préjudice moral doit être évalué à la somme de 50 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 27 septembre 2019 et 16 janvier 2020, la commune de Décines-Charpieu, représentée Me Aubert, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés sont infondés ;

- le requérant n'est pas recevable à modifier en cause d'appel le montant de ses prétentions indemnitaires.

Par ordonnance du 17 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de Mme Sophie Corvellec, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Da Costa, pour M. B... ainsi que celles de Me Aubert pour la commune de Décines-Charpieu.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a été recruté par un arrêté du maire de Décines-Charpieu du 7 avril 2014, en tant que directeur de cabinet, puis à compter du 1er octobre 2015, comme directeur du développement et de la stratégie contractuelle sous couvert d'un contrat à durée déterminée conclu pour une durée de trois ans. Par une délibération du 6 avril 2017, le conseil municipal de la commune a prononcé la suppression du poste de directeur des études et des analyses stratégiques. Par une décision du 10 avril 2017, le maire de Décines-Charpieu a prononcé le licenciement de M. B... à compter du 1er juillet 2017. Après le rejet implicite de ses demandes indemnitaires préalables, M. B... a recherché la responsabilité fautive de la commune de Décines-Charpieu devant le tribunal administratif de Lyon qui, par le jugement attaqué du 11 juillet 2019 dont il relève appel, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Décines-Charpieu à lui verser une indemnité de 48 151,60 euros en réparation des conséquences dommageables des fautes commises dans la gestion de sa position statutaire.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal a rejeté la demande indemnitaire de M. B... en écartant les fautes prétendument commises par la commune de Décines-Charpieu. Ce motif faisant obstacle à ce que la responsabilité de cette commune soit engagée, les premiers juges ont pu, sans entacher leur jugement d'une omission à statuer, rejeter la demande indemnitaire de M. B... sans se prononcer distinctement sur les différents chefs de préjudices invoqués par le demandeur, en particulier au titre du préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le retrait de fonction de directeur de cabinet :

3. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 16 décembre 1987 : " La qualité de collaborateur de cabinet d'une autorité territoriale est incompatible avec l'affectation à un emploi permanent d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public relevant de la loi du 26 janvier 1984 modifiée précitée ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 39-4 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 : " En cas de transformation du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent contractuel sur un emploi permanent conformément à l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, l'autorité peut proposer la modification d'un élément substantiel du contrat de travail tel que notamment la quotité de temps de travail de l'agent, ou un changement de son lieu de travail. Elle peut proposer dans les mêmes conditions une modification des fonctions de l'agent, sous réserve que celle-ci soit compatible avec la qualification professionnelle de l'agent. (...) Cette lettre informe l'agent qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître, le cas échéant, son acceptation et l'informe des conséquences de son silence. "

5. Si M. B... fait valoir qu'il n'est pas à l'origine de la création du poste de directeur du développement et de la stratégie, il résulte de l'instruction, en particulier du compte-rendu du comité technique paritaire du 28 avril 2015, que son recrutement sur ce poste, sous couvert d'un contrat à durée déterminée conclu pour une durée de trois ans, est intervenu pour sécuriser sa situation et, sinon sur sa demande, du moins avec son accord. Ce recrutement a justifié, en application des dispositions citées au point 2, qu'il soit mis fin aux fonctions de directeur de cabinet de l'intéressé découlant de l'arrêté du maire de Décines-Charpieu du 7 avril 2014, par un arrêté du 16 septembre 2015. Dans ces conditions, et comme l'ont relevé les premiers juges, la modification de son régime statutaire a eu lieu sans qu'une volonté d'éviction ne soit caractérisée.

6. M. B... fait valoir qu'il a cependant continué à exercer des missions de direction de cabinet jusqu'en septembre 2016, date à laquelle le maire a mis fin à de telles fonctions sans aucun motif et sans que la procédure prévue par l'article 39-4 du décret du 15 février 1988 cité au point 4 soit respectée.

7. D'une part, ses fonctions de directeur de cabinet ayant juridiquement pris fin, en vertu d'un arrêté du 16 septembre 2015, suffisamment motivé, le requérant ne peut utilement invoquer le défaut de motivation d'une prétendue décision ultérieure ayant le même objet.

8. D'autre part, dès lors que les missions de direction de cabinet ne figuraient pas dans son contrat de travail, et ne donnaient pas lieu à rémunération complémentaire, le requérant ne peut se prévaloir d'une modification substantielle de ce dernier. En tout état de cause, l'éventuel refus de M. B... aurait également conduit à son licenciement, mais dès le mois de septembre 2016. A cet égard, s'il soutient qu'il aurait bénéficié, auprès de Pôle Emploi, de meilleures conditions d'indemnisation, le requérant ne démontre pas l'existence du préjudice financier dont il se prévaut à ce titre.

9. Si M. B... fait valoir qu'il a été purement et simplement mis à l'écart de l'équipe de direction et du comité d'encadrement, suite à la décharge de ses fonctions de directeur de cabinet en septembre 2016, une telle allégation n'est corroborée par aucun élément sérieux, et ne peut résulter des termes des courriels dont se prévaut le requérant.

En ce qui concerne la décision de licenciement du 10 avril 2017 :

10. En premier lieu, la décision en litige est intervenue après la suppression du poste de directeur des études et des analyses stratégiques par une délibération du conseil municipal de la commune du 6 avril 2017, prise après avis du comité technique paritaire compétent. Ladite délibération fait état de la poursuite de la démarche d'optimisation de l'organigramme des services municipaux et du CCAS et de la nécessité de réaliser des économies budgétaires. Alors que deux autres postes de catégorie A ont également été supprimés, il ne résulte pas de l'instruction que, comme l'allègue M. B..., la suppression de son poste procéderait d'un détournement de procédure. Le moyen selon lequel la décision de licenciement aurait été prise en considération de sa personne et constituerait une sanction déguisée en raison des mauvaises relations qui seraient apparues avec le directeur général des services doit, par suite, être écarté.

11. En deuxième lieu, il incombe à l'administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel, motivé par la suppression, dans le cadre d'une réorganisation du service, de l'emploi permanent qu'il occupait, de chercher à reclasser l'intéressé. En vertu de l'article 39-5 du décret du 15 février 1988, ce reclassement " s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie hiérarchique ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de l'agent, d'un emploi relevant d'une catégorie inférieure. (...) L'emploi proposé est compatible avec ses compétences professionnelles (...) " ".

12. M. B... soutient qu'il a été licencié sans que son reclassement dans la collectivité n'ait à un seul instant été étudié, que ce soit sur des postes de niveau comparable ou de niveau inférieur. Toutefois, il ne peut être reproché à la commune de ne pas avoir cherché à reclasser M. B..., lequel occupait jusqu'alors un poste de direction, sur un poste sans rapport avec son rang hiérarchique ou sa qualification. Il résulte de l'instruction, et notamment des tableaux des effectifs annexés aux délibérations du 6 avril 2017 et du 19 décembre 2017 qu'aucun poste de catégorie A n'était vacant, le nombre de ces postes étant par ailleurs en réduction du fait de la réorganisation des services. A défaut de possibilité effective de reclassement de M. B... compatible avec ses compétences professionnelles, il ne peut être reproché à la commune de Décines-Charpieu un manquement fautif à ses obligations en matière de reclassement.

13. En troisième lieu, comme l'a fait valoir la commune de Décines-Charpieu devant le tribunal, les documents nécessaires à l'inscription de M. B... à Pôle Emploi lui ont été adressés par lettre recommandée avec accusé de réception dès le 11 juillet 2017, comprenant deux attestations destinées à Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte. Le requérant soutient que ces documents comportaient de nombreuses erreurs et invoque, sans autre précision, la multiplicité d'avenants de régularisation. Il ne résulte pas de l'instruction que, comme il le soutient, ces erreurs auraient eu pour conséquences de bloquer son dossier auprès des services de Pôle Emploi pendant plusieurs mois. Les prétendues carences de la commune, sans incidence sur la date d'ouverture de ses droits à l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 20 juillet 2017, ainsi qu'il ressort du courrier de Pôle emploi daté du 16 octobre 2017 produit au dossier de premier instance, n'ont pu en tout état de cause générer aucun préjudice financier, mais seulement un retard dans le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Si le requérant fait valoir qu'il a été privé de toute source de revenus pendant plus de trois mois et demi, il ne justifie pas de la réalité des difficultés financières et du préjudice personnel subis en conséquence par la seule production d'un courrier de l'administration fiscale daté du mois de septembre 2017 lui accordant un délai de paiement.

14. En dernier lieu, M. B... ne peut sérieusement rechercher la responsabilité de la commune de Décines-Charpieu à raison de la parution dans la presse d'articles ayant prétendument porté atteinte à sa réputation.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune de Décines-Charpieu à la requête d'appel, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le requérant demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de la commune de Décines-Charpieu, qui n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par la commune de Décines-Charpieu au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Décines-Charpieu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Décines-Charpieu.

Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.

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N° 19LY03467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03467
Date de la décision : 02/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme CORVELLEC
Avocat(s) : ATV AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-02;19ly03467 ?
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