Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le maire de Montagnole ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par Mme D... en vue du détachement d'un lot à bâtir de la parcelle cadastrée AE n° 75.
Par un jugement n° 1803101 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020, M. E... A... et Mme B... A..., représentés par la SELAS CCMC Avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 19 mars 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montagnole la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le classement de la parcelle en litige en zone Uc au plan local d'urbanisme est entaché d'illégalité, méconnaissant les dispositions des articles L. 122-5, L. 122-10 et L. 122-11 du code de l'urbanisme ; le projet ne pouvait être autorisé en application des règles d'urbanisme antérieures, le terrain étant classé en zone NC dans le plan d'occupation des sols antérieur ;
- le classement de la parcelle en litige en zone Uc au plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables ;
- le classement de la parcelle en litige en zone Uc est entaché de détournement de pouvoir ;
- la délibération approuvant le plan local d'urbanisme a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté méconnaît les articles L. 122-5, L. 122-10 et L. 122-11 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2021, Mme C... D..., représentée par Me Le Gulludec, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable, en l'absence de respect des formalités de notification prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- la demande de première instance était irrecevable, en l'absence d'intérêt pour agir des requérants ;
- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.
La requête a été communiquée à la commune de Montagnole, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
La clôture de l'instruction a été fixée au 1er décembre 2021, par une ordonnance en date du 9 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Chopineaux pour M. et Mme A..., celles de Me Durand, substituant Me Ducroux, pour la commune de Montagnole, ainsi que celles de Me Louche, substituant Me Le Gulludec, pour Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 19 mars 2018, le maire de Montagnole ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par Mme D... en vue du détachement d'un lot à bâtir de la parcelle cadastrée AE n° 75. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des accusés de réception produits au dossier, que les époux A... ont notifié la copie intégrale de leur requête d'appel au pétitionnaire et à la commune de Montagnole, dans les délais prévus par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme D... doit être écartée.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Les époux A... sont voisins immédiats du terrain devant être détaché pour constituer un lot à bâtir. Ils font valoir que ce terrain surplombe leur propriété, située dans un secteur peu urbanisé et indiquent que, de ce fait, le projet est susceptible d'occasionner un préjudice de vue et d'affecter leur cadre de vie. Alors même que leur terrain est également classé en zone constructible, ce qui ne peut leur ôter leur intérêt à contester l'autorisation d'urbanisme en litige, ils justifient ainsi d'un intérêt à demander l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2018.
Sur la légalité de l'arrêté du 19 mars 2018 :
4. Aux termes des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, l'urbanisation en zone de montagne " est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ".
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le terrain en litige se situe dans un secteur de la commune de Montagnole où prédomine un habitat diffus. Il se situe à proximité de la maison des requérants et d'un ensemble de bâtiments, de tailles diverses, d'une ancienne exploitation agricole. Compte tenu toutefois du faible nombre de ces bâtiments, du fait qu'il s'agit principalement de bâtiments, de taille variable, anciennement à usage agricole, et de leur implantation les unes par rapport aux autres dans un secteur ayant par ailleurs conservé un caractère naturel, ces constructions, quand bien même elles sont desservies par une même route et des réseaux, ne constituent ni un hameau, ni un groupe de constructions pouvant être perçues comme appartenant à un même ensemble. Par suite, et comme le font valoir pour la première fois en appel les requérants, l'arrêté en litige, qui permet une urbanisation sans continuité avec un groupe de constructions existantes, méconnaît les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.
6. En second lieu, et pour les motifs exposés au point précédent, le classement en zone Uc de la partie de parcelle cadastrée AE n° 75 en litige au plan local d'urbanisme de la commune de Montagnole, adopté par délibération du 13 juillet 2017 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Chambéry métropole, méconnaît le principe d'urbanisation en continuité posé à l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme et est, par suite, entaché d'illégalité. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le terrain était classé dans le plan d'occupation des sols antérieurement en vigueur en zone NC, où sont interdites les constructions nouvelles sauf, notamment, celles directement liées et nécessaires à l'exploitation agricole. La construction projetée sur ce lot à bâtir n'étant pas en lien avec l'activité agricole, les époux A... sont fondés à exciper de l'illégalité du classement du terrain en zone Uc au PLU.
7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 19 mars 2018 n'apparaît, en l'état de l'instruction, susceptible d'en fonder l'annulation.
8. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2018 du maire de Montagnole ne s'opposant pas à la déclaration préalable déposée par Mme D... en vue du détachement d'un lot à bâtir de la parcelle cadastrée AE n° 75.
Sur les frais d'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montagnole la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme A... au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme D..., partie perdante, tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble et l'arrêté du 19 mars 2018 du maire de Montagnole ne s'opposant pas à la déclaration préalable déposée par Mme D... en vue du détachement d'un lot à bâtir de la parcelle cadastrée AE n° 75 sont annulés.
Article 2 : La commune de Montagnole versera à M. et Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et Mme B... A..., à la commune de Montagnole et à Mme C... D....
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chambéry et à la communauté d'agglomération Chambéry métropole.
Délibéré après l'audience du 1er février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.
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N° 20LY02141