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16/02/2022 | FRANCE | N°20LY02647

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 février 2022, 20LY02647


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Nik et Kat a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée qui lui a été réclamé au titre du mois de décembre 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1801660 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septembre 2020 et le 18 juin 2021, la SAS Nik et Kat, représent

e par Me Wenisch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Nik et Kat a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée qui lui a été réclamé au titre du mois de décembre 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1801660 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septembre 2020 et le 18 juin 2021, la SAS Nik et Kat, représentée par Me Wenisch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes.

Elle soutient que :

- la cession du stock de marchandises doit suivre le même régime fiscal que celui de la location-gérance ; la location-gérance étant constitutive d'une prestation de services, la date d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée sur la vente du stock de marchandises est donc celle de l'encaissement des règlements successifs provenant du locataire-gérant ainsi que le prévoit l'article 8 du contrat de location-gérance ;

- à supposer que la cession du stock de marchandises constitue une livraison de biens, il y a lieu de faire application des dispositions combinées des alinéas 1-a, a bis et 2-a de l'article 269 du code général des impôts prévoyant des règles particulières d'exigibilité de taxe sur la valeur ajoutée en matière de livraison de biens à exécution échelonnée ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par un mémoire, enregistré le 27 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 19 novembre 2021 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce et notamment ses articles L. 144-1 et suivants ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Nik et Kat exerce une activité de vente au détail d'articles de sport en magasin et des activités de prestations de services en proposant la sous-location de locaux commerciaux et la location-gérance de fonds de commerce. Par un contrat du 24 décembre 2014, cette société a donné en location-gérance à la SAS HJH Associés, à compter du 17 novembre 2014 jusqu'au 30 juin 2016, l'un des trois fonds de commerce qu'elle exploitait à Courchevel moyennant le paiement d'une redevance de 700 000 euros hors taxe. Le même contrat prévoyait notamment, en son article 8, la vente ultérieure à la SAS HJH Associés du stock dépendant de ce fonds de commerce pour un montant maximum de 1 243 057,99 euros hors taxe. A l'occasion d'une vérification de comptabilité de la SAS Nik et Kat portant sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015, l'administration fiscale a constaté dans le journal des ventes de l'exercice clos en 2015, la comptabilisation, le 15 décembre 2014, d'une facture de vente correspondant à cette opération et la comptabilisation, le même jour, d'un avoir représentant la moitié du stock, neutralisé, le 30 septembre 2015, par la comptabilisation d'une facture à établir. Pour justifier ces écritures comptables, la SAS Nik et Kat a indiqué au vérificateur que la livraison de la moitié du stock de marchandises avait été conditionnée, par un avenant au contrat du 24 décembre 2014, à la vente de ses titres à la SAS HJH Associés et que cette condition n'avait pas été réalisée à la clôture de l'exercice, le 30 septembre 2015. Ayant cependant constaté qu'à l'ouverture de l'exercice 2015, la SAS Nik et Kat avait extourné comptablement l'intégralité de son stock final de marchandises constaté à la clôture de l'exercice 2014 et qu'elle n'avait comptabilisé, au cours de l'exercice clos en 2015, aucun stock de marchandises, et en l'absence de production par cette société de l'avenant sur lequel elle fondait ses explications, l'administration fiscale a considéré que l'intégralité du stock de marchandises avait été livrée à la SAS HJH Associés dès le mois de décembre 2014. Après avoir constaté que la SAS Nik et Kat ne s'était spontanément acquittée, au titre de ce même mois, que de la moitié des droits de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la cession du stock de marchandises dépendant du fonds de commerce loué, l'administration fiscale a procédé au rappel du surplus en application du a) du 1 et du a) du 2 de l'article 269 du code général des impôts. Cette imposition, notifiée selon la procédure contradictoire, a été assortie des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. La SAS Nik et Kat relève appel du jugement du 24 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition et des pénalités y afférentes.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. - 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire (...) 3° Sont également considérés comme livraisons de biens : (...) c) La remise matérielle d'un bien meuble corporel en vertu d'un contrat qui prévoit la location de ce bien pendant une certaine période ou sa vente à tempérament et qui est assorti d'une clause selon laquelle la propriété de ce bien est normalement acquise au détenteur ou à ses ayants droit au plus tard lors du paiement de la dernière échéance (...) IV. - 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II, notamment la cession ou la concession de biens meubles incorporels, le fait de s'obliger à ne pas faire ou à tolérer un acte ou une situation, les opérations de façon, les travaux immobiliers et l'exécution des obligations du fiduciaire, sont considérés comme des prestations de services (...) ". Selon l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; / a bis) Pour les livraisons autres que celles qui sont visées au c du 3° du II de l'article 256 ainsi que pour les prestations de services qui donnent lieu à l'établissement de décomptes ou à des encaissements successifs, au moment de l'expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou encaissements se rapportent (...) 2. La taxe est exigible : / a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b et d du même 1, lors de la réalisation du fait générateur ; / Toutefois, pour les livraisons d'électricité, de gaz, de chaleur, de froid ou de biens similaires donnant lieu à des décomptes ou à des encaissements successifs, l'exigibilité peut, sur option du redevable, intervenir au moment du débit ; elle intervient en tout état de cause dès la perception d'acomptes et à concurrence de leur montant, lorsqu'il en est demandé avant l'intervention du fait générateur ou du débit ; (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ".

3. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que, lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou d'une livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci.

4. Il résulte de l'instruction, en particulier du contrat conclu le 24 décembre 2014, que la SAS Nik et Kat a donné en location-gérance à la SAS HJH Associés, avec effet rétroactif à compter du 17 novembre 2014 jusqu'au 30 juin 2016, l'un des fonds de commerce qu'elle exploitait à Courchevel moyennant le paiement d'une redevance de 700 000 euros hors taxe dont le paiement interviendrait, dans les conditions fixées à l'article 4, en huit échéances successives de 50 000, 100 000 et 150 000 euros. L'article 1.2 de ce contrat précise que le fonds de commerce donné en location-gérance comprend notamment " les stocks et marchandises tels que listés en Annexe 2 ". L'article 8 de ce même contrat prévoit que le stock dépendant de ce fonds de commerce à la date d'entrée en vigueur de la location-gérance fera l'objet d'une vente par le bailleur au locataire-gérant pour un montant à facturer à une valeur suivant inventaire de 1 243 057,99 euros hors taxe, dont le règlement par le locataire-gérant interviendrait au fur et à mesure des ventes selon un relevé arrêté au 20 de chaque mois. Pour contester le rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre du mois de décembre 2014, la SAS Nik et Kat soutient que cette cession du stock de marchandises est indissociable de la location-gérance du fonds de commerce dont il dépend, laquelle constitue une prestation de service, et que cette cession doit en suivre le même régime fiscal défini par le c) du 2. de l'article 269 du code général des impôts prévoyant une exigibilité de la taxe lors des encaissements successifs du prix.

5. Toutefois, la location-gérance permet au propriétaire ou à l'exploitant d'un fonds de commerce d'en concéder totalement ou partiellement la location à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls ainsi qu'il en résulte de l'article L. 144-1 du code de commerce, tandis que la vente des marchandises en stock constitue, en principe, une cession isolée d'un élément corporel du fonds de commerce. Aucune disposition législative n'impose au locataire-gérant d'acheter le stock de marchandises constitué antérieurement par le bailleur pour l'exploitation du fonds de commerce mis en gérance libre. En l'espèce, si le contrat du 24 décembre 2014 prévoit non seulement la location-gérance du fonds de commerce mais également la vente du stock de marchandises constitué antérieurement par le bailleur, il résulte des stipulations de ce contrat que la location-gérance donnait lieu au paiement d'une redevance dont le montant était fixé définitivement à 700 000 euros HT à verser en huit échéances de montants différents. La vente du stock donnait lieu, quant à elle, au paiement d'un prix, dont seul un montant maximum était fixé à 1 243 057,99 euros HT, à payer par l'acheteur au fur et à mesure des ventes à ses clients. Par ailleurs, l'article 12 du contrat imposait au bailleur, à la fin du contrat de location-gérance, d'acquérir l'intégralité du stock existant dans le fonds de commerce laissant ainsi le locataire-gérant libre de vendre ou non les marchandises constituées en stock par le bailleur, et de constituer son propre stock de marchandises. Dans ces conditions et dans la mesure où elles donnent lieu à des facturations séparées et à des tarifications distinctes, la mise en gérance libre du fonds de commerce et la cession du stock qui s'y rattache à la date de la mise en location-gérance constituent, quand bien même elles ont été prévues dans le même contrat, deux opérations économiques distinctes présentant un caractère indépendant l'une de l'autre. Il en résulte que la SAS Nik et Kat n'est pas fondée à soutenir que le prix de cession des marchandises en stock constituerait avec la redevance de location-gérance, la contrepartie d'une opération unique de location soumise à la taxe sur la valeur ajoutée selon les modalités prévues par le c) du 2. de l'article 269 du code général des impôts.

6. En second lieu, la SAS Nik et Kat soutient qu'en tout état de cause, la cession du stock de marchandises prévue au contrat du 24 décembre 2014 s'apparente à une livraison de biens à exécution échelonnée pour laquelle la taxe sur la valeur ajoutée n'est exigible qu'à l'occasion des encaissements successifs en application des dispositions du a bis) du 1. et du a) du 2. de l'article 269 du code général des impôts précitées. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, si l'article 8 de ce contrat prévoyait un paiement échelonné de la facture émise par le bailleur au fur et à mesure des ventes réalisées par le locataire-gérant, il n'est pas fait mention d'une livraison échelonnée dans le temps des marchandises correspondantes. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que la SAS Nik et Kat, qui à l'ouverture de l'exercice 2015, avait extourné comptablement l'intégralité de son stock final de marchandises constaté au 30 septembre 2014, n'a comptabilisé aucun stock de marchandises à la clôture l'exercice 2015. Par ailleurs, la société, qui, au demeurant, n'a pas souscrit l'option pour le paiement de la taxe d'après les débits, ne produit à l'instance aucune pièce qui viendrait étayer ses allégations. Il en résulte que la SAS Nik et Kat ne peut utilement se prévaloir de l'application des dispositions du a bis) du 1. et du a) du 2. de l'article 269 du code général des impôts.

Sur les majorations :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

8. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts au rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la SAS Nik et Kat au titre du mois de décembre 2014, l'administration fiscale relève, d'une part, l'importance du montant de taxe sur la valeur ajoutée exigible sur la vente du stock de marchandises que la société s'est abstenue de reverser, s'élevant à 124 305 euros, et, d'autre part, le manque de cohérence des écritures comptables dans la mesure où la société a constaté comptablement une absence totale de stock à la clôture de l'exercice 2015 et une facture à établir à raison de la cession de ce stock, sans toutefois avoir été en mesure de justifier cette cession. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant établi la volonté de la SAS Nik et Kat d'éluder l'imposition en cause, justifiant l'application des majorations en litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Nik et Kat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Nik et Kat est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Nik et Kat et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2022.

2

N° 20LY02647


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02647
Date de la décision : 16/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-05 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Fait générateur.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : WENISCH

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-02-16;20ly02647 ?
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