Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... et Mme C... E... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 14 août 2020 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de les admettre au séjour.
Par un jugement n° 2006620-2006626 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 30 septembre 2021, sous le numéro 21LY03168, M. et Mme D..., représentés par Me Cadoux, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2006620-2006626 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 14 août 2020 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de leur délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler, dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;
- en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme D..., le préfet du Rhône a méconnu l'autorité de la chose jugée ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions attaquées sur la situation personnelle des requérants ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2021.
II. Par une requête enregistrée le 30 septembre 2021, sous le numéro 21LY03169, M. et Mme D..., représentés par Me Cadoux, demandent à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement nos 2006620-2006626 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer leur situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, et de leur délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que l'exécution du jugement attaqué comporterait pour leur fille des conséquences difficilement réparables et soulèvent les mêmes moyens que dans la requête 21LY03168.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouse D..., ressortissante algérienne, est entrée en France le 3 janvier 2015 accompagnée de sa fille mineure, B..., alors âgée de quatre ans, atteinte de troubles du spectre autistique. Par un arrêté du 7 décembre 2015, le préfet du Rhône a refusé de délivrer à Mme D... un titre de séjour sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêt du 30 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de délivrer à l'intéressée un titre de séjour. Mme D... a ainsi bénéficié d'un titre valable du 30 novembre 2017 au 29 novembre 2018. Le 5 novembre 2018, Mme D... a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. M. D..., son époux, de même nationalité, est entré en France 1er avril 2018, où il a sollicité son admission au séjour le 6 juin suivant, sur le même fondement. Par deux décisions du 24 août 2020, le préfet du Rhône a refusé de les admettre au séjour. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions et demandent le sursis à exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes visées ci-dessus de M. et Mme D... tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. M. et Mme D... font valoir que leur fille B..., née le 10 décembre 2011, est atteinte de troubles autistiques, se traduisant par des troubles du langage, une altération des interactions sociales ainsi que des troubles du comportement et que son état de santé requiert un accompagnement pluridisciplinaire, en particulier des séances d'orthophonie et de psychomotricité, ainsi que la prise de neuroleptiques, et qu'elle ne pourra pas bénéficier d'une telle prise en charge spécialisée en Algérie. Toutefois, pour refuser aux requérants la délivrance d'un certificat de résidence, le préfet du Rhône a estimé, s'appropriant en cela les conclusions de l'avis rendu le 19 décembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si l'état de santé de la jeune B... requiert une prise en charge médicale dont le défaut pourrait l'exposer à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier en Algérie, de façon effective, des soins appropriés eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays. Ni l'article de presse d'ordre général sur la prise en charge de l'autisme en Algérie, ni les certificats médicaux de médecins algériens produits, dont l'un d'eux, s'il en déplore l'insuffisance, admet d'ailleurs l'existence en Algérie d'une prise en charge des enfants souffrant de troubles autistiques dans des structures adaptées, ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les médecins du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Au demeurant, il ressort des pièces versées par le préfet en première instance, et non contestées par les requérants, qu'il existe en Algérie des structures assurant une prise en charge psychopédagogique et pluridisciplinaire des enfants atteints de troubles de l'autisme. Enfin, M. et Mme D..., arrivés récemment en France, n'y justifient pas d'une intégration particulière et n'établissent pas être dépourvus d'attaches privées et familiales dans leur pays d'origine, où ils ont vécu pour l'essentiel. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions contestées n'ont pas porté au droit de M. et Mme D... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis et n'ont, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, non plus que celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990. Pour les mêmes motifs, les décisions en litige ne sont pas entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle des requérants.
5. En second lieu, Mme D... fait valoir que le refus litigieux de renouveler son titre de séjour méconnaît l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la cour du 30 novembre 2017, qui a annulé l'arrêté du 7 décembre 2015 par lequel le préfet du Rhône avait refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le même fondement, l'avait obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et avait fixé le pays de renvoi. Toutefois, la décision attaquée a été prise sur la base d'éléments nouveaux, notamment l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 décembre 2018, relatifs à l'état de santé de sa fille B... et à la disponibilité des soins dans le pays d'origine, après que le préfet du Rhône eut procédé à un nouvel examen de la situation personnelle de l'intéressée. Ainsi, la décision contestée du 24 août 2020 n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 30 novembre 2017 par lequel la cour a annulé l'arrêté préfectoral, cité plus haut, du 7 décembre 2015.
6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les conclusions à fins de sursis à exécution :
7. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juin 2021, les conclusions de la requête n° 21LY03169 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, la somme que demandent à ce titre M. et Mme D....
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 21LY03169.
Article 2 : La requête n° 21LY03168 et le surplus des conclusions de la requête n° 21LY03169 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme C... E... épouse D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.
2
Nos 21LY03168, 21LY03169