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10/02/2022 | FRANCE | N°21LY01987

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 février 2022, 21LY01987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2001622 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par u

ne requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 juin 2021 et le 29 octobre 2021, M. B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2001622 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 juin 2021 et le 29 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Habiles, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer une carte de séjour avec une autorisation de travail dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de son droit au séjour à titre exceptionnel sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait quant à son âge ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de son droit au séjour à titre exceptionnel sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait quant à son âge ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est insuffisamment motivée.

Un mémoire présenté par le préfet de l'Allier a été enregistré le 12 janvier 2021, postérieurement à la clôture d'instruction.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Caraës ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant malien né le 3 octobre 2001, est entré en France en juillet 2017 selon ses déclarations. Il a été placé auprès des services d'aide sociale à l'enfance du département de l'Allier puis sous tutelle de l'Etat jusqu'à sa majorité. Le 5 novembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 18 juin 2020, la préfète de l'Allier a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen commun aux décisions contestées :

2. Il ressort de la rédaction des décisions litigieuses que celles-ci visent les considérations de droit qui en constituent le fondement, notamment les dispositions des articles L. 313-15 et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comportent également l'énoncé des éléments de fait relatifs à la situation personnelle de M. B..., lesquels ne sont pas stéréotypés. Par suite, la préfète, qui s'est prononcée au vu des éléments portés à sa connaissance, n'a pas entaché les décisions d'un défaut de motivation.

Sur les moyens relatifs à la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivée en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-87 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Ces dispositions, désormais reprises aux articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, ne peuvent pas être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé.

4. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'est fondé, d'une part, sur le caractère frauduleux de l'usage par M. B... " de faux documents d'identité (...) pour se faire passer pour un mineur isolé " et, d'autre part, sur les circonstances que l'intéressé ne justifiait pas suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle de manière réelle et sérieuse et qu'il n'établissait pas être dépourvu de liens avec sa famille restée dans son pays d'origine.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était inscrit pour l'année scolaire 2019-2020 dans une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A) au lycée Valéry Larbaud de Cusset et qu'il a été accueilli dans une entreprise pendant une semaine pour une session d'information et d'orientation dispensée " dans le cadre de la plateforme d'insertion et de découverte professionnelle ". Ce faisant, M. B... n'établit pas suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre motif retenu par l'administration, la décision critiquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".

8. M. B..., célibataire et sans charge de famille, a vécu la majeure partie de son existence au Mali où réside son père, ainsi qu'il l'a indiqué sur sa fiche de renseignements, et où il a donc conservé des attaches familiales. Par ailleurs, il n'établit ni que son état de santé nécessite des soins dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en dépit des études qu'il suit et des liens qu'il a pu nouer en France, la préfète de l'Allier n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il ressort des mentions de l'arrêté contesté que la préfète de l'Allier a estimé que " M. B... n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) " et " qu'il n'y a pas lieu, dans le cas d'espèce, de faire usage du pouvoir d'appréciation dont elle dispose pour régulariser la situation administrative de M. B... sur le territoire français ". Par suite, elle doit être regardée comme ayant examiné si l'intéressé pouvait se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, la préfète de l'Allier n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. B... ne justifiait pas de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une carte de séjour temporaire.

10. M. B... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour sans l'assortir d'aucune critique utile des motifs du jugement. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

Sur les moyens relatifs à la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. Il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Par suite, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, désormais reprises aux articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration prévoyant une procédure contradictoire, qui ne sont pas applicables.

12. Pour les motifs exposés aux points 6 à 10, les moyens tirés de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles L. 313-11, L. 313-14, L. 313-15 doivent être écartés en ce qu'ils sont soulevés à l'encontre de la décision d'éloignement.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et tendant à la mise à la charge de l'État en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.

2

N° 21LY01987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01987
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : HABILES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-02-10;21ly01987 ?
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