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10/02/2022 | FRANCE | N°19LY04811

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 10 février 2022, 19LY04811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... et Mme C... Comte ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à leur charge au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1722264 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, constaté un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 7 624 euros dégrevée en cours d'instance, et, dans un article 2, rejeté le surplus de la

demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2019,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... et Mme C... Comte ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à leur charge au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1722264 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, constaté un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 7 624 euros dégrevée en cours d'instance, et, dans un article 2, rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2019, Mme Comte, représentée par Me Thouvenot, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 29 octobre 2019 et lui accorder la décharge sollicitée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les rectifications en matière de revenus fonciers ne sont pas motivées et la motivation en droit énoncée par l'administration s'agissant des revenus distribués est incompréhensible ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve du bien-fondé des rectifications en matière de revenus fonciers ;

- s'agissant des revenus distribués, la méthode de reconstitution du chiffres d'affaires de la SARL Bar Le Samoëns par l'administration, qui aboutit à une variation du résultat significative entre les années 2010 et 2011, alors que les conditions d'exploitation étaient identiques, est radicalement viciée ; l'administration a, à tort, refusé de prendre en compte les amortissements au titre des charges déductibles sans apporter la preuve que leur absence de comptabilisation aurait généré une distribution ; elle ne rapporte pas la preuve de l'appréhension des montants litigieux ;

- les pénalités doivent être déchargées en conséquence des impositions litigieuses.

Par un mémoire, enregistré le 22 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 8 avril 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 7 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Bar Le Samoëns, dont M. A... était le gérant et l'associé à hauteur de 99,99% des parts sociales, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. Après avoir constaté l'omission de recettes déclarées au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2012, l'administration fiscale a considéré que M. A... avait bénéficié au titre de l'année 2012 de revenus distribués, constitués par ces recettes omises, et qu'il avait par ailleurs omis de déclarer une partie de ses revenus fonciers au titre de l'année 2011. M. A... et Mme Comte se sont vu adresser une proposition de rectification du 22 juillet 2013 mettant à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales pour les années 2011 et 2012 à raison des rectifications opérées en matière de revenus fonciers pour 2011 et de revenus distribués en 2012. Mme Comte relève appel de l'article 2 du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande en décharge de ces suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. D'une part, l'insuffisance de la motivation de la décision de rejet de la réclamation contentieuse est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard du contribuable comme sur le bien-fondé des impositions mises à sa charge. Par suite, Mme Comte n'est pas fondée à se prévaloir de l'insuffisante motivation de la décision de rejet de sa réclamation édictée le 14 février 2017 par l'administration.

3. D'autre part, il résulte des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. Il résulte de la proposition de rectification adressée à Mme Comte que le service a mentionné l'impôt concerné, l'année d'imposition, la base d'imposition, et qu'il a énoncé les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour justifier les rectifications envisagées. S'agissant des revenus fonciers, l'administration a précisé que ces rectifications portaient sur un loyer non déclaré de 35 880 euros inscrit au compte-courant d'associé de M. A... au 30 septembre 2011 en lien avec un bail commercial signé le 28 juillet 2011 pour un local commercial situé à Samoëns les Saix et, s'agissant des revenus distribués, que le service a "fait application des dispositions de l'article 109.1.1 du code général des impôts pour la partie du résultat soumis à l'impôt sur les sociétés de l'exercice 2012 et de l'article 109.1.2 du même code pour le résultat évalué de l'exercice 2012 sur lequel le déficit antérieur a été imputé ". Ces motifs, qui ne sont entachés ni d'insuffisance ni de contradiction, étaient suffisants pour permettre aux contribuables de comprendre le bien-fondé des rectifications opérées et de présenter utilement des observations ce qu'ils ont fait le 23 septembre 2013. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

En ce qui concerne les rectifications opérées en matière de revenus fonciers :

5. Il ressort des observations produites le 23 septembre 2013 par M. A... et Mme Comte que ceux-ci ont indiqué s'agissant des rectifications en matière de revenus fonciers " si ce redressement est susceptible d'être accepté, c'est dans la limite du revenu net puisqu'en principe le revenu foncier imposable ne correspond pas aux recettes brutes ". S'il en résulte que les contribuables ont accepté le principe du rehaussement, ils en ont contesté le quantum sans toutefois apporter d'éléments s'agissant des frais ou charges à déduire de ces revenus. Par suite, ils ne peuvent être regardés comme ayant accepté les rectifications au sens des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales. Il s'en suit que l'administration supporte la preuve du bien-fondé des rectifications mises à la charge des contribuables.

6. Toutefois, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application de l'article 31 du code général des impôts, de justifier du montant et de la déductibilité des charges qu'il entend déduire de ses revenus fonciers.

7. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification susvisée que M. A... a perçu un montant de loyer de 35 880 euros par inscription au compte courant d'associé au 30 septembre 2011 suivant un bail commercial du 28 juillet 2011 avec avenant du 31 août 2011 pour un local commercial sis les Saix à Samoëns et qu'il a omis de déclarer les loyers afférents à cette location. Mme Comte ne conteste pas que, dans sa déclaration de revenus fonciers pour 2011, M. A... n'a déclaré qu'un montant de recettes de 21 024 euros correspondant à la location d'un bien sis Les Billets à Samoëns dont le locataire est le " bar guacano " alors qu'il n'a déclaré aucune recette concernant le local litigieux sis Les Saix à Samoëns, ainsi qu'il ressort des mentions de la décision de rejet de la réclamation du 14 février 2017. L'administration indique enfin, sans être davantage contredite, que les comptes de la SARL Bar Le Samoëns pour l'exercice clos en 2011, établis et arrêtés par le cabinet comptable Wirion, ont fait figurer la charge de location du bien litigieux par le crédit du compte courant d'associé de M. A... pour un montant de 35 880 euros. Dans ces conditions, et alors que l'administration établit le bien-fondé des rectifications opposées au contribuable, ce dernier n'apporte pas d'éléments justifiant de l'existence d'une déclaration des loyers en litige.

En ce qui concerne les revenus réputés distribués :

8. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

9. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :/ (...) ". Il résulte de ces dispositions que ne peuvent être déduits du bénéfice imposable que les amortissements qui ont été effectivement inscrits dans les écritures comptables à la clôture de chacun des exercices concernés. Il appartient au contribuable de justifier que cette inscription a été effectuée avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels de l'entreprise.

10. Il résulte de l'instruction que, pour reconstituer le résultat imposable de la SARL Bar Le Samoëns au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2012, l'administration fiscale a examiné les comptes de charges et de produits du grand livre provisoire présenté au cours du contrôle. Elle a exclu de la déduction du bénéfice imposable les dotations aux amortissements pour les immobilisations incorporelles et corporelles comptabilisées dans ces écritures dès lors que ces inscriptions ont été portées en comptabilité après l'expiration du délai de déclaration.

11. Mme Comte se borne, pour contester cette méthode de reconstitution, à soutenir que les résultats rectifiés de la société ont fortement varié en 2010 et 2011 alors que les conditions d'exploitation n'ont pas changé. Toutefois, elle n'apporte aucun élément critiquant la méthode utilisée ni n'en propose une alternative alors que la méthode en cause est exclusivement fondée sur les données produites par la société vérifiée.

12. En outre, il résulte des règles ci-dessus rappelées que la société vérifiée, qui n'a d'ailleurs pas déposé de déclaration de résultats pour l'exercice clos en 2012, ne pouvait, s'agissant des amortissements, réparer son omission après l'expiration du délai de dépôt de déclaration de résultats de l'exercice en litige. Par suite, Mme Comte n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait dû tenir compte au titre des charges déductibles des amortissements comptabilisés dans les écritures produites lors du contrôle.

13. Enfin, pour justifier l'appréhension des sommes en litige par M. A..., l'administration a relevé, à bon droit, que ce dernier, en sa qualité de gérant et associé à hauteur de 99,99% des parts de la société vérifiée, devait être regardé comme le seul maître de l'affaire dès lors qu'il disposait seul du pouvoir de décision et de signature pour engager juridiquement la société et qu'il disposait sans contrôle des fonds sociaux. Par suite, en cette qualité de seul maître de l'affaire, M. A... doit être regardé comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués par la SARL Bar Le Samoëns, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers étant sans incidence à cet égard.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme Comte n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande. Les conclusions qu'elle présente en appel aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme Comte est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... Comte et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 février 2022.

2

N°19LY04811


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04811
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus fonciers.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : RIERA-TRYSTRAM-AZEMA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-02-10;19ly04811 ?
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