La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2022 | FRANCE | N°20LY00720

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 03 février 2022, 20LY00720


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Roanne a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à lui verser la somme de 376 700 euros en réparation du préjudice que lui a causé la mise en œuvre des dispositions de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2017-889 du 6 mai 2017 par lesquelles l'État a confié aux maires la gestion des pactes civils de solidarité.

Par un jugement n° 1804736 du 19 décembre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête enregistrée le 19 février 2020 la commune de Roanne, représentée par Me Sevino, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Roanne a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à lui verser la somme de 376 700 euros en réparation du préjudice que lui a causé la mise en œuvre des dispositions de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2017-889 du 6 mai 2017 par lesquelles l'État a confié aux maires la gestion des pactes civils de solidarité.

Par un jugement n° 1804736 du 19 décembre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2020 la commune de Roanne, représentée par Me Sevino, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 376 700 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen, fondé, tiré de ce que son préjudice résulte de l'absence d'attribution de ressources que le législateur a omis de prévoir, en méconnaissance du principe de compensation financière des charges résultant des transferts de compétences.

La requête de la commune de Roanne a été communiquée au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

- le décret n° 2017-889 du 6 mai 2017 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-739 du 17 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Roanne demande l'annulation du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de l'État à lui verser la somme de 376 700 euros en réparation du préjudice que lui a causé la mise en œuvre des dispositions de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et du décret du 6 mai 2017 relatif au transfert aux officiers de l'état civil de l'enregistrement des déclarations, des modifications et des dissolutions des pactes civils de solidarité, qui ont transféré aux maires, en tant qu'officiers de l'état civil, la gestion des pactes civils de solidarité.

2. Il résulte de l'instruction que dans le mémoire en réplique qu'elle a présenté le 30 août 2019 devant le tribunal administratif de Lyon, la commune de Roanne a expressément indiqué qu'elle invoquait la responsabilité de l'État du fait de l'inconstitutionnalité de la loi du 18 novembre 2016. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a estimé que la commune invoquait un moyen tiré de l'inconstitutionnalité de cette loi qu'il a écarté comme irrecevable, au motif qu'il n'avait pas été présenté par mémoire distinct et motivé, comme le prescrit l'article R. 771-3 du code de justice administrative. Du fait de cette analyse erronée, le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen dont il était réellement saisi. Il y a donc lieu pour la cour, après avoir annulé ce jugement entaché d'irrégularité, d'évoquer et de statuer sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Lyon par la commune de Roanne.

3. La responsabilité de l'État du fait des lois est susceptible d'être engagée, d'une part, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l'adoption d'une loi à la condition que cette loi n'ait pas exclu toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés.

4. Elle peut également être engagée, d'autre part, en raison des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes, pour réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de l'application d'une loi méconnaissant la Constitution. Toutefois, il résulte des dispositions des articles 61, 61-1 et 62 de la Constitution que la responsabilité de l'État n'est susceptible d'être engagée du fait d'une disposition législative contraire à la Constitution que si le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1, lors de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité, ou bien encore, sur le fondement de l'article 61, à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine.

5. La commune requérante, qui se trouve dans une situation identique à celle des autres communes concernées par le transfert de la gestion des pactes civils de solidarité, n'est pas fondée, faute de pouvoir se prévaloir d'un préjudice spécial et de justifier le caractère anormal du préjudice qu'elle invoque du fait d'une réorganisation de son service de l'état civil pour faire face à l'augmentation de sa charge de travail, à mettre en cause la responsabilité de l'État sur le fondement de l'égalité devant les charges publiques. Par ailleurs, par sa décision n° 2016-739 du 17 novembre 2016, le Conseil constitutionnel a jugé, lors de l'examen de l'article 48 de la loi du 18 novembre 2016 qu'il a déclaré conforme à la Constitution, que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 72-2 de la Constitution, dont les dispositions ne sont relatives qu'aux compétences exercées par les collectivités territoriales, était inopérant et que si les dispositions de l'article 48 sont susceptibles d'entraîner un accroissement des charges pour les communes elles n'ont pas pour effet, eu égard au montant des sommes en jeu, de dénaturer la libre administration de ces collectivités, en méconnaissance de l'article 72 de la Constitution. L'absence de déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions de l'article 48 fait obstacle à ce que la responsabilité de l'État soit engagée devant la juridiction administrative du fait de l'application de ces dispositions. La commune de Roanne n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'État a engagé sa responsabilité et à demander réparation du préjudice qu'elle soutient avoir subi en raison de la mise en œuvre de ces dispositions.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804736 du tribunal administratif de Lyon du 19 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande et le surplus des conclusions présentées en appel par la commune de Roanne sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Roanne et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.

2

N° 20LY00720


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00720
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Fondement de la responsabilité. - Responsabilité sans faute. - Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques. - Responsabilité du fait de la loi.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : ASEA - CABINET ALDO SEVINO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-02-03;20ly00720 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award