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27/01/2022 | FRANCE | N°19LY04270

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 janvier 2022, 19LY04270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Stenivest a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1900132 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18

novembre 2019 et 5 janvier 2021, la SARL Stenivest, représentée par Me Lagneaux, avocat, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Stenivest a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1900132 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 novembre 2019 et 5 janvier 2021, la SARL Stenivest, représentée par Me Lagneaux, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 septembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;

3°) subsidiairement de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle concernant la conformité au principe de libre circulation des capitaux et de liberté d'établissement, des dispositions du 3ème alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts, applicables au litige ;

4°) encore plus subsidiairement, d'ordonner une expertise judiciaire afin d'établir la valeur des titres des sociétés Cab et Gimival ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur les moyens tirés de l'irrégularité du mandat du 10 novembre 2017 et de ce que la proposition de rectification ne lui a pas été régulièrement adressée ;

- la proposition de rectification du 21 décembre 2017 n'a pas fait l'objet d'une réception régulière, alors que le destinataire des actes de procédure ne peut être que la seule société Stenivest, en tant que société holding dont le siège social se situe au Luxembourg, qui au demeurant n'a jamais été officiellement informée de la procédure de contrôle, et non pas l'établissement stable en tant que simple entité non dotée de la personnalité morale exerçant en France pour le compte de la société Stenivest ;

- les impositions en litige sont prescrites ;

- en ce qu'il prévoit le paiement de l'impôt à la sortie sans laisser la possibilité au contribuable de différer le paiement de cet impôt au jour de la survenance du fait générateur de l'impôt, à savoir lors de la cession ultérieure des actifs concernés, le 3ème alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts contrevient aux articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la cour devra ordonner une expertise afin d'établir la valeur des titres des sociétés Cab et Gimival, à la date du transfert de siège ;

- les titres de la SNC Fleur de Bambou ont été inscrits au poste " titre de participation " au lieu de " titres immobilisés ", en raison d'une erreur matérielle et non d'une décision de gestion ; ils sont fiscalement déductibles ;

- la majoration de 40 % n'est pas justifiée.

Par des mémoires enregistrés les 22 juillet 2020 et 12 mars 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les pièces de procédure ont toutes été adressées à la requérante, soit à l'adresse de son siège social au Luxembourg, soit à l'adresse de son établissement stable en France ; la requérante les a effectivement reçues ; il en est ainsi de l'avis de vérification de comptabilité, la société ayant désigné la personne chargée de la représenter par un mandat du 10 novembre 2017 ; de même, la proposition de rectification a été reçue par le mandataire qu'elle avait désigné ;

- le 3ème alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts, qui n'implique pas nécessairement le recouvrement immédiat de l'imposition sur les plus-values latentes, est parfaitement conforme aux règles communautaires ; de plus, l'appelante ne peut utilement se prévaloir de la directive UE 2016/114 du 12 juillet 2016, dès lors que cette directive n'était pas en vigueur pour la période concernée par le litige ;

- au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, le point de savoir si le 3ème alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts est compatible avec le droit européen ne soulève pas de difficultés rendant nécessaire la saisie à titre préjudiciel de la Cour ;

- l'appelante, qui supporte la charge de la preuve, ne présente aucun élément susceptible de remettre en cause l'évaluation des titres des sociétés Cab et Gimival proposée par le service ;

- si l'appelante affirme avoir commis une erreur matérielle concernant les titres de la SNC Fleur de Bambou elle n'explique pas les motifs qui la conduisent à considérer que les titres en cause ne peuvent être regardés comme des titres de participations ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont justifiées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'arrêt C-371/10 du 29 novembre 2011 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- l'arrêt C-164/12 du 23 janvier 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Stenivest, société holding a transféré son siège social au Luxembourg en novembre 2014 tout en conservant un établissement stable en France. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Par une proposition de rectification du 21 décembre 2017, l'administration lui a notifié des rappels en matière de cotisations d'impôts sur les sociétés et de contribution sociale au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes, après avoir constaté que la société avait omis de déclarer une plus-value latente nette résultant du transfert de titres opéré à destination d'une société de droit luxembourgeois et avait déduit à tort une provision pour dépréciation de titres de participation. La SARL Stenivest relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du point 2 du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément écarté, par une motivation suffisante, les moyens tirés de l'irrégularité du mandat du 10 novembre 2017 et de ce que la proposition de rectification n'a pas été régulièrement adressée à la SARL Stenivest. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ".

4. La proposition de rectification doit être envoyée à l'adresse que le contribuable a donnée à l'administration. Celui-ci n'est toutefois pas privé des garanties que lui assure la procédure d'imposition au seul motif que le pli contenant l'acte de procédure a été envoyé à une autre adresse si ce pli lui est effectivement parvenu.

5. D'une part, il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de comptabilité du 10 octobre 2017 a été envoyé au siège de la société requérante, à Luxembourg et précisait que le vérificateur se présenterait le 23 octobre 2017 à son établissement stable situé à Belleville (Rhône). Ainsi, la requérante n'apporte pas plus en appel qu'en première instance, d'élément permettant d'établir qu'elle n'aurait pas eu officiellement connaissance de la procédure de contrôle.

6. D'autre part, la requérante soutient que tous les actes de procédure auraient également dû lui être adressés à son siège au Luxembourg. Notamment, elle fait valoir que la proposition de rectification du 21 décembre 2017 qui a été remise le jour même en main propre au cabinet comptable chargé de la représenter n'a pas été régulièrement notifiée dès lors que ce cabinet ne disposait pas de mandat comportant de mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et que l'administration n'apporte aucune preuve de la réception de ce document par le cabinet comptable à la date du 21 décembre 2017. Toutefois, il résulte de l'instruction que la requérante a admis que la proposition de rectification du 21 décembre 2017 lui était effectivement parvenue, dans une lettre de son gérant datée du 26 décembre 2017, indiquant expressément qu'il avait reçu cette proposition de rectification. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été, pour ce motif, privée des garanties inhérentes à la procédure contradictoire, et que la proposition de rectification ne lui serait pas parvenue avant la fin de l'année 2017.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. En premier lieu, en vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.

8. Il résulte des dispositions susmentionnées que l'administration disposait d'un délai de reprise expirant le 31 décembre 2017 pour notifier à la requérante des rectifications afférentes à l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014. Or, ainsi qu'il a été dit précédemment, le ministre a versé à l'instruction des éléments permettant d'établir que la proposition de rectification concernant l'imposition due au titre de cet exercice est parvenue à la requérante au plus tard le 26 décembre 2017, soit avant l'expiration du délai ainsi imparti à l'administration. Cette notification a, dès lors, valablement interrompu ce délai, de sorte que les impositions en litige ne sont pas atteintes par la prescription.

9. En deuxième lieu, aux termes du 3ème alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Lorsque le transfert du siège ou d'un établissement s'effectue dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 précitée et qu'il s'accompagne du transfert d'éléments d'actifs, l'impôt sur les sociétés calculé à raison des plus-values latentes constatées sur les éléments de l'actif immobilisé transférés et des plus-values en report ou en sursis d'imposition est acquitté dans les deux mois suivant le transfert des actifs : / a) Soit pour la totalité de son montant ; / b) Soit, sur demande expresse de la société, pour le cinquième de son montant. Le solde est acquitté par fractions égales au plus tard à la date anniversaire du premier paiement au cours des quatre années suivantes. Le solde des fractions dues en application de la première phrase du présent b peut être versé à tout moment, en une seule fois, avant chaque date anniversaire du premier paiement. (...) ".

10. Aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre (...) ". Aux termes de l'article 54 du traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres. (...) ". Aux termes de l'article 63 du même traité : " 1. (...) toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres (...) sont interdites. (...) ".

11. D'une part, il résulte de la décision National Grid Indus BV (C-371/10) de la Cour de justice de l'Union européenne du 29 novembre 2011 que si la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne fait obstacle, eu égard au désavantage de trésorerie par rapport à une société similaire qui maintiendrait son siège et ses actifs sur place, à l'imposition immédiate des plus-values latentes en cas de transfert dans un autre Etat de l'Union, elle ne s'oppose pas à la fixation définitive de cette imposition au moment du transfert de siège, mais seulement à son recouvrement immédiat. D'autre part, La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, au point 64 de son arrêt du 23 janvier 2014 DMC Beteiligungsgesellschaft mbH (C-164/12) qu'en laissant le choix au contribuable entre un recouvrement de l'impôt relatif aux plus-values latentes immédiat ou échelonné sur cinq annuités, une réglementation fiscale ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser l'objectif de la préservation de la répartition du pouvoir d'imposition entre les Etats membres.

12. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le troisième alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts qui prévoit que le montant de l'imposition sur les plus-values latentes afférentes à des éléments du patrimoine d'une société est fixé définitivement - sans prise en considération des moins-values non plus que des plus-values susceptibles d'être réalisées ultérieurement - au moment où ces actifs sont transférés, et, d'autre part, laissent au contribuable le choix entre un paiement immédiat et le recouvrement échelonné de l'impôt relatif à ces plus-values latentes sur cinq annuités ne sont pas contraires aux stipulations précitées du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, le moyen tiré de l'incompatibilité du troisième alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts avec les stipulations précitées du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être écarté.

13. En troisième lieu, la requérante réitère en appel sans apporter aucun élément nouveau de fait ou de droit à l'appui de celui-ci le moyen tiré de ce qu'eu égard aux écarts de valorisation concernant les titres transférés, une expertise devra être ordonnée. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

14. En dernier lieu, en vertu du premier alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, les charges déductibles pour la détermination du bénéfice imposable comprennent " les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Aux termes du dix-septième alinéa du même 5°, dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux dispositions des premier et quinzième alinéas, la provision pour dépréciation qui résulte éventuellement de l'estimation du portefeuille est soumise au régime fiscal des moins-values à long terme défini au 2 du I de l'article 39 quindecies ". Aux termes du premier alinéa du 2 du I de l'article 39 quindecies du même code : " L'excédent éventuel des moins-values à long terme ne peut être imputé que sur les plus-values à long terme réalisées au cours des dix exercices suivants ". En vertu du a quinquies du I de l'article 219 du même code, le montant net des plus-values à long terme correspondant à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, une quote-part de frais et charges étant toutefois prise en compte pour la détermination du résultat imposable, et ce régime des plus-values et moins-values à long terme s'applique uniquement aux cessions des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation, lesquels s'entendent notamment des titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable.

15. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les provisions pour dépréciation qui se rapportent à des titres exclus du régime des plus-values et moins-values à long terme sont immédiatement déductibles du résultat, imposable dans les conditions de droit commun, de l'exercice au cours duquel elles sont constituées, alors que les provisions pour dépréciation de titres de participation sont seulement imputables en tant que moins-values sur les plus-values à long terme, imposables au taux de 0 %, réalisées lors des dix ans suivant leur constitution.

16. L'administration a procédé à la réintégration dans les résultats imposables de la SARL Stenivest au titre de l'exercice clos en 2015, de la somme de 85 000 euros correspondant à la provision pour dépréciation que la société avait constituée à hauteur de la valeur des titres détenus dans la SNC Fleur de Bambou, au motif que les provisions pour dépréciation constatées au cours des exercices ouverts depuis le 1er janvier 2007 à raison des titres de participation et titres assimilés définis par les dispositions du a quinquies du I de 1'article 219 du code général des impôts ne pouvaient donner lieu à aucune déduction du résultat imposable.

17. Il n'est pas contesté qu'en acquérant, le 30 novembre 2015, 85 000 parts de la SNC Fleur de Bambou, la société requérante avait pour intention de bénéficier de l'avantage fiscal Girardin et qu'elle avait pris l'engagement de revendre sa participation pour un euro symbolique à l'issue d'une période de cinq années. En se prévalant de ces éléments, la requérante justifie qu'elle n'avait pas l'intention de conserver durablement les titres qu'elle avait acquis et qu'elle n'a jamais souhaité, par sa participation, exercer un contrôle ou une influence sur l'activité de la SNC Fleur de Bambou. Ainsi, le critère de possession durable des titres en cause ne peut être regardé comme rempli. Dès lors, les titres acquis pour un montant de 85 000 euros en novembre 2015 ne peuvent être regardés comme devant être comptabilisés en titres de participation au sens de la définition proposée par le plan comptable.

18. Par ailleurs, l'administration ne conteste pas que les conditions posées par le premier alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts à la déductibilité d'une provision étaient remplies, notamment s'agissant du caractère probable de la perte.

19. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à se prévaloir de ce que le classement en titres de participation des titres acquis en 2015 procédait d'une erreur comptable et non d'une décision de gestion et à obtenir la rectification de cette erreur. La provision litigieuse doit être regardée comme justifiée et doit, par suite, être admise en déduction des bénéfices de la société. La société requérante est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et de contribution sociale mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2015, à concurrence de la réduction de 85 000 euros de ses bases d'imposition.

Sur les pénalités :

20. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

21. Pour justifier de l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par ces dispositions, l'administration a estimé que la requérante qui bénéficiait de l'assistance de son conseil ne pouvait ignorer la nouvelle législation en matière de transfert d'actifs à l'étranger introduite par la loi n°2012-1510 du 29 décembre 2012 afin de rendre les dispositions du 2 de l'article 221 du code général des impôts compatibles avec l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne. L'administration a également relevé que la requérante avait évalué la valeur vénale des titres litigieux en ne tenant compte que d'un seul exercice alors que le groupe " Les Mousquetaires ", auquel elle appartenait, recommandait de prendre en compte les données de trois exercices. Dans ces conditions, et alors même que la requérante n'aurait pas procédé à la cession des titres litigieux, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'existence d'un manquement délibéré.

22. Il résulte de ce qui précède que la SARL Stenivest est seulement fondée à demander que sa base d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sociale au titre de l'exercice clos en 2015 soit réduite d'un montant de 85 000 euros et à demander la réformation du jugement attaqué dans cette mesure.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat les frais d'instance exposés par la SARL Stenivest et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La base d'imposition de la SARL Stenivest à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sociale au titre de l'exercice clos en 2015 est réduite d'une somme de 85 000 euros.

Article 2 : La SARL Stenivest est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015, à hauteur de la réduction correspondant à la réduction de base d'imposition définie à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 septembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Stenivest est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Stenivest et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.

2

N° 19LY04270


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04270
Date de la décision : 27/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET GL CONSEILS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-27;19ly04270 ?
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