Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2003868 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 1er février 2021, M. B..., représenté par Me Idchar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 20 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou une autorisation provisoire de séjour, et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour n'a pas été pris à l'issue d'un examen sérieux de sa situation ;
- l'arrêté attaqué ne comporte ni la signature de son auteur ni la mention de son identité et de sa qualité ;
- le refus de régulariser sa situation est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 5 janvier 2022, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête.
Elle s'en rapporte aux écritures de première instance.
M. B... a produit des pièces complémentaires, enregistrées le 5 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né en 1983, est entré en France le 1er décembre 2017, sous couvert d'un visa de court séjour. Au bénéfice d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel conclu avec la société Sacré Cœur, il a sollicité le 2 février 2018, la régularisation de sa situation par la délivrance d'un premier titre de séjour portant soit la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", soit la mention " vie privée et familiale ". Par un jugement du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 27 décembre 2018 du préfet de la Loire pris en réponse à cette demande, faute pour le préfet d'avoir motivé son refus de délivrance de titre de séjour et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. B.... Par un nouvel arrêté du 20 janvier 2020, le préfet de la Loire a refusé d'admettre au séjour M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 20 janvier 2020 :
2. Le préfet de la Loire a d'abord opposé à M. B... son entrée récente et irrégulière sur le territoire français pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", entachant son arrêté d'une erreur de fait, dès lors que M. B... n'est pas entré irrégulièrement en France, mais sous couvert d'un visa de court séjour. Le préfet de la Loire a ensuite examiné si l'intéressé pouvait prétendre à un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien. Le préfet a toutefois réexaminé la demande de M. B... au regard de son ancien contrat de travail, conclu avec la société Sacré Cœur, alors qu'il résulte des propres écritures du préfet devant le tribunal que celui-ci avait été saisi d'une demande d'autorisation de travail signée par son nouvel employeur, la société El Saifi Abderrazak. Le préfet a opposé à M. B... l'absence de contrat de travail visé par les services de la Dirreccte sans même instruire cette demande d'autorisation de travail, sollicitant à ce titre devant les premiers juges une substitution de motif, en opposant au contentieux l'absence de visa de long séjour. Enfin, s'agissant du refus de régulariser la situation de M. B... par la délivrance à titre exceptionnel d'un titre de séjour en qualité de salarié, le préfet a demandé en première instance que le pouvoir général de régularisation soit substitué comme base légale du refus aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'appliquant pas aux ressortissants tunisiens, et que le motif tiré de ce que le requérant pourrait représenter une charge pour le système social français soit neutralisé au profit des autres motifs. Le refus de régularisation se fonde notamment sur un motif selon lequel il n'est pas établi que la société Sacré Cœur ait des difficultés de recrutement, mais il résulte de ce qui a été dit que cette société n'est plus l'employeur de M. B.... Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, alors au surplus que l'arrêté attaqué mentionne, d'une part, l'ancienne adresse de M. B... qui avait pourtant porté à la connaissance du préfet sa nouvelle domiciliation, d'autre part, l'identité d'un tiers dans son dispositif, le requérant est fondé à soutenir que le préfet de la Loire n'a pas procédé à un réexamen complet et sérieux de sa demande de titre de séjour.
3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 de ce code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
5. Il résulte de ce qui précède que le motif d'annulation de l'arrêté en litige implique nécessairement, mais seulement, que la préfète de la Loire réexamine la demande de M. B... et que, dans l'attente, elle lui délivre une autorisation provisoire de séjour, et non qu'elle lui délivre le titre de séjour sollicité. Dans ces conditions il y a lieu de prescrire à la préfète de la Loire de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans les meilleurs délais.
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que M. B... a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 20 janvier 2020 du préfet de la Loire et le jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Loire de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2022.
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N° 21LY00366