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26/01/2022 | FRANCE | N°21LY00337

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 26 janvier 2022, 21LY00337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2020 par lequel le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2006848 du 19 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administra

tif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2020 par lequel le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2006848 du 19 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 février 2021 et 14 avril 2021, le préfet de la Drôme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 19 janvier 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est territorialement incompétent pour délivrer au requérant une autorisation provisoire de séjour ;

- les moyens de première instance sont infondés.

Par deux mémoires, enregistrés le 19 mars 2021 et le 7 mai 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A... B..., représenté par Me Bourgeon, réitère ses conclusions de première instance y compris celles tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le motif d'annulation du jugement attaqué doit être confirmé compte tenu de sa durée de présence en France, de sa bonne intégration et de son projet de mariage ;

- le préfet n'a pas exécuté le jugement d'annulation en ne lui délivrant pas une autorisation provisoire de séjour, faisant preuve d'une résistance abusive pour laquelle il est fondé à solliciter une indemnisation de 3 000 euros ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de son signataire ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il ne pouvait légalement se fonder sur le 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'erreur manifeste sur ses attaches familiales dans son pays d'origine et porte manifestement une atteinte excessive à sa vie privée et familiale ;

- l'arrêté en litige, en ce qu'il fixe le Maroc comme pays de destination, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il doit être tenu compte de l'impact de l'épidémie de Covid-19.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Drôme relève appel du jugement du 19 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 4 novembre 2020 faisant obligation à M. A... B..., ressortissant marocain, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

3. M. A... B..., né en 1975, déclare être entré pour la première fois en France en 2011. Il soutient qu'il s'y est établi durablement depuis plus de 10 ans, en dépit de quelques voyages de famille en Italie et au Maroc. Il fait valoir qu'il est intégré professionnellement, puisqu'il dispose d'un contrat de travail en tant que paysagiste et socialement, invoquant la présence en France d'un oncle, d'une tante et de cousins ainsi qu'un projet de mariage. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant s'est maintenu et a travaillé irrégulièrement en France sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour et d'une autorisation de travail. Il conserve de fortes attaches familiales au Maroc où vivaient sa mère et ses frères et sœur selon ses propres déclarations en 2012. Il a également des attaches en Italie, pays vers lequel il a fait l'objet en juillet 2011 et en janvier 2013, de deux mesures de réadmission, et où il dispose d'une carte d'identité italienne valable jusqu'au 8 septembre 2023. Les conditions de son futur mariage font l'objet d'une enquête sollicitée par le tribunal judiciaire de Valence à la suite de laquelle il a été interpellé le 4 novembre 2020. Dans ces circonstances, le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, pour annuler l'arrêté en litige, retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Grenoble que devant la cour.

Sur les autres moyens :

5. En premier lieu, il résulte de l'arrêté de délégation de signature produit par le préfet de la Drôme devant le tribunal que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait.

6. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde et est, par suite, suffisamment motivé.

7. En troisième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ". Aux termes de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 : " 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des Parties contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres Parties contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c) et e), et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de la Partie contractante concernée (...) ".

8. Pour prononcer à l'encontre de M. A... B... une obligation de quitter le territoire français fondée sur le 1er alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Drôme a relevé qu'il était dépourvu de visa de long séjour et en séjour irrégulier sur le territoire français. Si comme il le soutient, titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par les autorités italiennes, valable jusqu'au 8 septembre 2023, M. A... B... était autorisé à circuler librement, pendant une période de trois mois en France, il ressort, d'une part, des pièces du dossier de première instance, en particulier de l'attestation d'hébergement depuis janvier 2020, des fiches de paye de janvier à octobre 2020 et de l'analyse médicale effectuée au mois de juin, d'autre part, de ses propres écritures se prévalant de sa présence continue en France depuis plus de dix ans, qu'il ne peut être regardé comme séjournant en France depuis moins de trois mois. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient M. A... B..., qui n'allègue pas avoir demandé en vain à être éloigné vers l'Italie, le préfet de la Drôme pouvait légalement prendre à son encontre, une décision portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En quatrième lieu, l'arrêté attaqué fixe le Maroc comme pays de destination de l'éloignement de M. A... B... ou tout autre pays où il est légalement admissible. Celui-ci ne peut utilement soutenir à l'encontre de la décision attaquée que l'épidémie de covid-19 lui interdirait de regagner l'Italie depuis le Maroc pour une durée inconnue, une telle circonstance étant seulement susceptible de modifier, le cas échéant, les conditions de l'exécution de la décision attaquée, mais demeurant sans incidence sur sa légalité. La seule circonstance qu'il soit légalement admissible en Italie n'est pas de nature à entacher d'erreur manifeste d'appréciation la décision litigieuse en tant qu'elle fixe également le pays dont il a la nationalité comme pays à destination duquel il pourra être éloigné. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 4 novembre 2020.

11. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... B... à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

12. M. A... B... ne fait état d'aucun préjudice en lien avec la résistance abusive qu'il allègue. Ses conclusions indemnitaires présentées à ce titre ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais du litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2006848 du 19 janvier 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... B... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions en appel sont rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2022.

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N° 21LY00337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00337
Date de la décision : 26/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP CABANES et BOURGEON et MOYAL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-26;21ly00337 ?
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