La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2022 | FRANCE | N°19LY02812

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 26 janvier 2022, 19LY02812


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 15 avril 2016 par laquelle le président de Grenoble-Alpes Métropole a rejeté sa demande de modification des clauses de son contrat signé le 22 décembre 2015 ;

2°) d'enjoindre à Grenoble-Alpes Métropole, sous astreinte de 100 euros par jour de retard au terme d'un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, de modifier son contrat en portant le montant de sa rémunératio

n brute annuelle à 53 170,61 euros, en intégrant une prime de retraite égale à six mois de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 15 avril 2016 par laquelle le président de Grenoble-Alpes Métropole a rejeté sa demande de modification des clauses de son contrat signé le 22 décembre 2015 ;

2°) d'enjoindre à Grenoble-Alpes Métropole, sous astreinte de 100 euros par jour de retard au terme d'un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, de modifier son contrat en portant le montant de sa rémunération brute annuelle à 53 170,61 euros, en intégrant une prime de retraite égale à six mois de rémunération brute et en procédant à une régularisation financière à hauteur de 318,38 euros bruts mensuel à compter du 1er janvier 2016 et pour l'avenir ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Grenoble et de Grenoble-Alpes Métropole une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603394 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 juillet 2019 et 21 décembre 2020, M. A..., représenté par Me Matras, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 mai 2019 ;

2°) de constater l'illégalité du contrat imposé par la ville de Grenoble et repris par Grenoble-Alpes Métropole en ce qu'il ne reprend pas la rémunération perçue dans son précédent emploi, ni la prime de départ à la retraite ;

3°) d'annuler la décision expresse de rejet intervenue le 15 avril 2016 ;

4°) d'enjoindre sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le mois qui suit la décision à intervenir, à la ville de Grenoble et à Grenoble-Alpes Métropole d'une part, de modifier, depuis le 1er janvier 2016, son contrat en fixant une rémunération brute annuelle de 53 170,61 euros, à défaut la rémunération nette correspondante d'autre part, de modifier, depuis le 1er janvier 2016, son contrat en intégrant une prime de retraite de six mois de rémunération brute enfin de procéder à la régularisation financière qu'une telle décision implique à compter du 1er janvier 2016, c'est-à-dire de lui verser 318,38 euros bruts par mois en sus de sa rémunération brute mensuelle à compter du 1er janvier 2016 et pour l'avenir, à défaut la rémunération nette correspondante ;

5°) de mettre à la charge solidaire de la ville de Grenoble et de Grenoble-Alpes Métropole une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit, dès lors qu'il considère que les différences de rémunérations brutes sont sans incidence sur l'appréciation du caractère équivalent des rémunérations en cause dans l'application de l'article L. 1224-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de fait en considérant qu'il a bénéficié d'une hausse de rémunération nette ;

- la prise en compte par Grenoble-Alpes Métropole d'une rémunération nette pour vérifier l'exacte application des dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail constitue une erreur de droit ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit concernant la prime de retraite dont il devait bénéficier lors de son départ à la retraite ;

- la décision ne respecte pas les dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail et l'article 23 de la déclaration universelle des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juillet 2020, Grenoble-Alpes Métropole, représentée par Me Mollion :

1°) conclut au rejet de la requête ;

2°) et demande à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros, ou en cas de jonction avec les autres requérants de la collectivité pour les mêmes questions, une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Cunin, représentant M. A..., et celles de Me Mollion, représentant Grenoble-Alpes Métropole et la Ville de Grenoble ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération adoptée le 18 décembre 2015, le conseil métropolitain de Grenoble-Alpes Métropole a décidé la création d'un service commun " Système d'information " à compter du 1er janvier 2016, entre la ville de Grenoble, le centre communal d'action sociale de la ville de Grenoble et Grenoble-Alpes Métropole, afin de reprendre en régie les activités informatiques exercées par le groupement d'intérêt économique Agir Informatique jusqu'au 31 décembre 2015. Le contrat de travail de M. A... auprès de ce groupement de droit privé a été transféré, en application des dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail, à la ville de Grenoble par contrat du 22 décembre 2015 pour une durée indéterminée, repris à la date du 1er janvier 2016 par Grenoble-Alpes Métropole, laquelle collectivité exerce désormais l'autorité hiérarchique sur l'agent, pour assurer des fonctions de responsable architecture matériel et logiciel au sein du service " Système d'information " rattaché à la direction des moyens d'information de Grenoble-Alpes Métropole, pour une rémunération mensuelle calculée sur la base du 11ème échelon de la grille applicable aux techniciens principaux de 1ère classe. Par un recours formé le 18 février 2016, l'agent a sollicité la modification des clauses de son contrat en vue d'obtenir, d'une part, le maintien de son précédent salaire brut fiscal annuel, d'autre part, le maintien d'une prime de retraite égale à six mois de salaire brut, ainsi qu'une régularisation financière à hauteur de 318,38 euros à compter du 1er janvier 2016. La décision de refus du 15 avril 2016 de Grenoble-Alpes Métropole a fait l'objet d'une demande d'annulation que le tribunal administratif de Grenoble a rejetée par jugement du 21 mai 2019, dont M. A... relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 1224-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération. En cas de refus des salariés d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'en écartant, en l'absence même de toute disposition législative ou réglementaire contraire, la reprise des clauses du contrat dont le salarié transféré était titulaire relatives à la rémunération, lorsque celles-ci ne sont pas conformes aux " conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique ", le législateur n'a pas entendu autoriser la personne publique concernée à proposer aux intéressés une rémunération inférieure à celle dont ils bénéficiaient auparavant au seul motif que celle-ci dépasserait, à niveaux de responsabilité et de qualification équivalents, celle des agents en fonctions dans l'organisme d'accueil à la date du transfert. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soient reprises, dans le contrat de droit public proposé au salarié transféré, des clauses impliquant une rémunération dont le niveau, même corrigé de l'ancienneté, excèderait manifestement celui que prévoient les règles générales fixées, le cas échéant, pour la rémunération de ses agents non titulaires. En l'absence de telles règles au sein d'une collectivité territoriale, la reprise de la rémunération antérieure n'est en tout état de cause légalement possible que si elle peut être regardée comme n'excédant pas manifestement la rémunération que, dans le droit commun, il appartiendrait à l'autorité administrative compétente de fixer, sous le contrôle du juge, en tenant compte, notamment, des fonctions occupées par l'agent non titulaire, de sa qualification et de la rémunération des agents de l'Etat de qualification équivalente exerçant des fonctions analogues. En outre, pour l'application de ces dispositions, la rémunération antérieure et la rémunération proposée doivent être comparées en prenant en considération, pour leurs montants bruts, les salaires ainsi que les primes éventuellement accordées à l'agent et liées à l'exercice normal des fonctions, dans le cadre de son ancien comme de son nouveau contrat.

4. Il ressort des termes de la décision litigieuse du 15 avril 2016, laquelle fait état " d'un différentiel net par rapport au contrat précédent de l'agent ", que les négociations relatives à la rémunération des agents ont été menées à partir de salaires nets. En outre, Grenoble-Alpes Métropole ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la conclusion du contrat de travail n'a pas été imposée mais résulte d'un accord, clair et non équivoque, aux conditions de reprise proposées et signées par l'agent. Par suite, en comparant le montant net de la rémunération perçue par l'agent dans le cadre de son ancien contrat avec le montant net de la rémunération perçue en qualité d'agent de Grenoble-Alpes Métropole, le président de cette collectivité a entaché sa décision de refus de modifier le contrat de travail de l'intéressé d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a refusé d'annuler la décision du 15 avril 2016. Il est également fondé à demander l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. " ; Aux termes de l'article L. 911-3 du même code: " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, le réexamen de la rémunération brute du contrat de l'agent en tenant compte d'une part, de sa rémunération brute antérieure octroyée dans le cadre de l'exercice normal de ses fonctions, d'autre part, des fonctions occupées par l'agent non titulaire dans le cadre de son ancien contrat, de sa qualification et de la rémunération des agents de l'Etat de qualification équivalente exerçant des fonctions analogues. Il y a lieu d'enjoindre au président de Grenoble-Alpes Métropole de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agent qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Grenoble-Alpes Métropole. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Grenoble-Alpes Métropole une somme de 700 euros à verser à M. A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 21 mai 2019 et la décision du 15 avril 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au président de Grenoble-Alpes Métropole de procéder au réexamen de la rémunération de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Grenoble-Alpes Métropole versera à M. A... une somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de Grenoble-Alpes Métropole présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Grenoble-Alpes Métropole et à la Ville de Grenoble .

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2022.

2

N° 19LY02812


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02812
Date de la décision : 26/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-04-04 Fonctionnaires et agents publics. - Changement de cadres, reclassements, intégrations. - Intégration de personnels n'appartenant pas antérieurement à la fonction publique.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL CAP - ME MOLLION

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-26;19ly02812 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award