Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Iemants, d'une part, et les sociétés VCF TP Lyon, Vinci construction maritime et fluvial et Lyonnaise d'éclairage, constitutives du groupement d'entreprises avec lequel la communauté urbaine de Lyon a conclu le 23 juillet 2012 un marché pour la construction du pont Robert Schuman à Lyon, d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la métropole de Lyon, venue aux droits de la communauté urbaine de Lyon, à leur verser la somme de 763 755,98 euros revenant au groupement au titre du règlement financier du marché et ayant par ailleurs fait l'objet d'un procès-verbal de saisie-attribution du 28 août 2015 pour couvrir la dette de la société Cordioli envers la société Iemants.
Par un jugement n°s 1703604-1801847 du 17 octobre 2019 ce tribunal, après avoir joint ces demandes, a condamné la métropole de Lyon à verser à la société Iemants la somme de 656 812,99 euros TTC assortie des intérêts légaux à compter du 30 avril 2016 et a rejeté les conclusions des sociétés VCF TP Lyon, Vinci construction maritime et fluvial et Lyonnaise d'éclairage.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 décembre 2019 et des mémoires enregistrés les 14 septembre et 26 octobre 2020, la société Campenon Bernard Centre-Est, venant aux droits de la société VCF TP Lyon, et les sociétés Vinci construction maritime et fluvial et Lyonnaise d'éclairage, représentées par Me des Cars, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la métropole de Lyon à leur verser la somme de 656 812,99 euros TTC ;
3°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 5 000 euros à verser à chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'article 107 du code des marchés publics n'est pas applicable au protocole transactionnel du 3 août 2015, qualifié à juste titre de subrogation conventionnelle par le tribunal qui a jugé à tort qu'elle doit être regardée comme constituant une cession de créance au sens de ces dispositions ;
- la subrogation a produit ses effets dès le paiement le 4 août 2015 de la somme convenue entre les parties antérieurement à l'intervention de la saisie-attribution ;
- la métropole de Lyon, qui connaissait l'existence du protocole transactionnel lors des négociations du protocole valant décompte général du marché justifiant la présence de la société Cordioli, a méconnu ses obligations contractuelles en refusant de verser l'intégralité de la somme prévue par ce protocole ;
- elles n'ont pas méconnu le principe de loyauté contractuelle ;
- le courriel du 29 décembre 2016 ne vaut pas reconnaissance de dette de la métropole envers la société Iemants.
Par des mémoires enregistrés les 11 mars, 1er octobre et 19 novembre 2020, la société Iemants, représentée par Me Charpentier Mavrinac, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, à la condamnation de la société VCF TP Lyon, in solidum avec les sociétés Vinci construction maritime et fluvial et Lyonnaise d'éclairage, à lui verser la somme de 5 540 euros au titre des dépens de la saisie-attribution et des frais de recouvrement et à ce que la somme de 25 000 euros soit mise à la charge des mêmes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la société Cordioli, qui a signé en qualité de membre du groupement d'entreprises le protocole du 24 mars 2016, n'a pas consenti à la société VCF TP Lyon une subrogation conventionnelle mais une cession de créance inopposable à la métropole de Lyon faute de lui avoir été notifiée, en méconnaissance du protocole transactionnel du 3 août 2015, ainsi qu'à son comptable assignataire, en méconnaissance de l'article 107 du code des marchés publics ;
- en tout état de cause, la subrogation ne serait pas parfaite ;
- sa saisie-attribution a été valablement notifiée entre les mains du comptable assignataire ;
- la métropole a reconnu en 2016 lui devoir la somme en litige ; elle est fondée à demander sa condamnation à l'indemniser du préjudice subi du fait de son non versement.
Par des mémoires enregistrés les 14 mars et 7 octobre 2020, la métropole de Lyon, représentée par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des sociétés VCF TP Lyon, Vinci construction maritime et fluvial et Lyonnaise d'éclairage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la société Cordioli, qui était partie au protocole conclu le 24 mars 2016, a consenti à la société VCF TP Lyon une cession de créance qui n'a pas été signifiée à son comptable assignataire et lui est donc inopposable ;
- en tout état de cause, les appelantes n'établissent pas la concomitance de la subrogation alléguée et du paiement ;
- elles ont méconnu le principe de loyauté contractuelle.
Par lettres du 10 novembre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Iemants tendant à la condamnation de la métropole de Lyon et de son comptable public à la rembourser des dépens de la saisie-attribution et des frais de recouvrement, nouvelles en appel.
Les sociétés Iemants, Campenon Bernard Centre-Est, Vinci construction maritime et fluvial et Lyonnaise d'éclairage ont produit des mémoires en réponse à ce moyen d'ordre public, enregistrés les 12 et 17 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivière ;
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;
- et les observations de Me Lefebvre pour la société Campenon Bernard Centre-Est, celles de Me Michelin pour la métropole de Lyon et celles de Me Charpentier Mavrinac pour la société Iiemants ;
Et avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la société Campenon Bernard Centre-Est, enregistrée le 16 décembre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. La société Iemants, d'une part, et les sociétés VCF TP Lyon, Vinci construction maritime et fluvial et Lyonnaise d'éclairage constitutives, avec la société Cordioli, du groupement d'entreprises avec lequel la communauté urbaine de Lyon a conclu le 23 juillet 2012 un marché pour la réalisation des travaux de construction du pont Robert Schuman à Lyon, d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la métropole de Lyon, venue aux droits de la communauté urbaine de Lyon, à leur verser le solde de la créance revenant au groupement au titre du règlement financier du marché, qui avait par ailleurs fait l'objet à la demande de la société Iemants d'un procès-verbal de saisie-attribution du 28 août 2015, pour avoir paiement de la condamnation de la société Cordioli prononcée par un jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 7 mai 2015. Par un jugement du 17 octobre 2019, le tribunal a condamné la métropole de Lyon à verser à la société Iemants la somme de 656 812,99 euros TTC assortie des intérêts légaux et a rejeté les conclusions des sociétés VCF TP Lyon, Vinci construction maritime et fluvial et Lyonnaise d'éclairage. La société Campenon Bernard Centre-Est, venant aux droits de la société VCF TP Lyon, et les sociétés Vinci construction maritime et fluvial et Lyonnaise d'éclairage relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le transfert de la créance de la société Cordioli à la société VCF TP Lyon :
2. Aux termes de l'article 107 du code des marchés publics, alors en vigueur : " Le bénéficiaire d'une cession (...) de créance au titre d'un marché public notifie ou signifie cette cession (...) au comptable public assignataire. Ce bénéficiaire encaisse seul, à compter de cette notification ou signification au comptable, le montant de la créance ou de la part de créance qui lui a été cédée (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que diverses difficultés rencontrées par les entreprises dans l'exécution des travaux de construction du pont Robert Schuman ont entrainé des augmentations de coûts ainsi que des retards qui ont contraint le groupement à payer des pénalités. Celui-ci a présenté un mémoire en réclamation qui est resté sans réponse. Par un protocole d'accord transactionnel portant règlement financier signé le 24 mars 2016, la métropole de Lyon s'est engagée à verser au groupement la somme de 1 614 966,92 euros HT au titre du solde du décompte général du marché et celle de 294 557,75 euros au titre des aléas et travaux supplémentaires. Après une mise en demeure, la métropole de Lyon a procédé au versement des sommes de 810 814,02 et 68 818,24 euros, mais restait redevable de la somme due à la société Cordioli. En marge des discussions préalables ayant donné lieu à la signature de ce protocole, la société Cordioli, qui s'est trouvée confrontée à des difficultés de trésorerie, a conclu le 3 août 2015 avec la société VCF TP Lyon, mandataire du groupement, un protocole transactionnel aux termes duquel la société VCF TP Lyon s'engageait à verser à la société Cordioli la somme forfaitaire et définitive de 1 203 267,99 euros en anticipation de la somme à laquelle elle pourrait prétendre dans le cadre du décompte général définitif et des indemnités transactionnelles à intervenir. Selon les termes de l'article 2 de leur protocole, la société Cordioli déclarait subroger en conséquence la société VCF TP Lyon dans les droits qu'elle détenait sur la métropole de Lyon. Ce même article stipulait que les sommes définitives revenant à la société Cordioli au titre du décompte général et de la transaction seraient directement versées à la société VCF TP Lyon par le maître d'ouvrage. Par l'effet de cette cession, la société VCF TP Lyon, subrogée aux droits de la société Cordioli, était donc désormais titulaire de la créance sur la métropole de Lyon. Conformément aux prescriptions de l'article 107 du code des marchés publics, elle devait, pour la rendre opposable à la métropole de Lyon, notifier ou signifier la cession de créance au comptable public assignataire de la collectivité. Les sociétés appelantes ne sauraient utilement se prévaloir de ce que le protocole conclu le 3 août 2015 prévoyait que la société VCF TP Lyon devait le notifier au maître d'ouvrage. En l'absence de notification ou signification au comptable public assignataire, la société VCF TP Lyon ne pouvait obtenir paiement du solde dont la métropole de Lyon restait redevable initialement envers la société Cordioli au regard du montant retenu dans l'accord du 24 mars 2016.
4. Compte tenu de ce qui précède, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions à fin de paiement et a condamné la métropole de Lyon à verser la somme de 656 812,99 euros TTC à la société Iemants.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la métropole de Lyon :
5. Le défaut de règlement à la société VCF TP Lyon de la créance initialement détenue par la société Cordioli du fait de sa participation à l'opération de construction ne résulte pas d'une méconnaissance par la métropole de Lyon du protocole d'accord transactionnel portant règlement financier du 24 mars 2016 mais, comme indiqué au point 3, de l'absence de notification ou signification au comptable assignataire de la collectivité du protocole transactionnel du 3 août 2015, dont en tout état de cause elle n'a eu connaissance que postérieurement à la signification de la saisie-attribution du 28 août 2015 mentionnée au point 1. Les sociétés appelantes ne peuvent, dès lors, utilement soutenir que la métropole de Lyon aurait méconnu le principe de loyauté contractuelle. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté leurs conclusions fondées sur la responsabilité contractuelle de la métropole de Lyon.
Sur les dépens :
6. Les conclusions de la société Iemants tendant à la condamnation de la métropole de Lyon et de son comptable public à la rembourser des dépens de la saisie-attribution et des frais de recouvrement de sa créance, qui ne sont pas au nombre des dépens énumérés à l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés au titre du litige et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des sociétés Campenon Bernard Centre Est, Vinci construction maritime et fluvial et Lyonnaise d'éclairage est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Iemants relatives aux dépens et les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Campenon Bernard Centre Est, Vinci construction maritime et fluvial, Lyonnaise d'éclairage et Iemants et à la métropole de Lyon.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2022.
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N° 19LY04627