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18/01/2022 | FRANCE | N°21LY00666

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 18 janvier 2022, 21LY00666


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2008745 du 3 février 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2021, M. A... B..., représenté par M

e Dachary, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 février 2021 du magistrat désigné pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2008745 du 3 février 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2021, M. A... B..., représenté par Me Dachary, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 février 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de constater que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été abrogée et en tirer les conséquences ;

3°) subsidiairement, d'annuler la décision du 25 novembre 2020 par laquelle le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et a fixé le pays de destination ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 e la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le magistrat désigné a entaché son jugement d'irrégularité en omettant d'examiner le moyen soulevé tiré de ce que l'enregistrement par le préfet du Rhône de sa demande d'asile a eu pour effet d'abroger la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- ayant exprimé clairement son intention de demander l'asile en France, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- le préfet en décidant de l'obliger à quitter le territoire français a porté une atteinte manifestement illégale et grave à son droit de solliciter une protection internationale ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'écriture en défense.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et le protocole de New-York du 31 janvier 1967 ;

- le Traité sur l'Union européenne ;

- le Traité de fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

- et les observations de Me Dachary, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 30 mars 1990, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation, sur le fondement du 2° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et a fixé le pays de destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de la lecture du jugement attaqué que si le magistrat désigné n'a pas omis de viser le moyen, soulevé par M. B... à l'encontre de la mesure d'éloignement prise à son encontre par le préfet du Rhône, tiré de ce que la délivrance d'une attestation de demande d'asile, l'autorisant à séjourner sur le territoire français le temps de l'instruction de sa demande postérieurement à la notification de l'arrêté préfectoral du 25 novembre 2020, aurait nécessairement eu pour effet d'abroger la décision d'éloignement litigieuse, il a omis d'examiner ce moyen qui n'était pas inopérant. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que cette omission entache le jugement attaqué d'une insuffisance de motivation et, par suite, à en demander, pour ce motif, l'annulation.

3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la légalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger rejoint le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-5 du même code, applicable avant son abrogation par ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 : " En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire, l'autorité administrative abroge l'obligation de quitter le territoire français qui, le cas échéant, a été prise. Elle délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 8° de l'article L. 314-11 et au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-13. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office (...) L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".

6. Aux termes de l'article L. 743-4 du même code, applicable à compter du 1er janvier 2019 : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 571-4, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2. ".

7. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la lecture de l'arrêté attaqué, que M. B..., entré régulièrement en France, en provenance de son pays d'origine, muni de son passeport algérien revêtu d'un visa de court séjour, périmé depuis le 7 août 2018, s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français après expiration de son visa. Interpellé puis placé en rétention administrative, le préfet du Rhône a décidé, par l'arrêté litigieux, de l'obliger à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours sur le fondement des dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que si l'intéressé avait déclaré lors de son audition par les services de la police aux frontières " vouloir présenter une demande d'asile pour laquelle il aurait engagé des démarches il y a six mois sans pour autant en apporter la preuve, [il] se maint[enait] en France en situation irrégulière en toute connaissance de cause depuis plus de deux ans et que ces déclarations sembl[ai]ent ainsi être dilatoires et n'avoir pour seul objectif que de faire obstruction à une mesure d'éloignement ". Il soutient, sans toutefois l'établir, avoir déposé, environ six mois avant la mesure litigieuse, une demande d'asile au forum des réfugiés en vue de sa transmission à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour instruction. Toutefois, la circonstance que lors de son audition par les services de police, l'intéressé a expressément fait état de son intention de solliciter l'asile en France, ne faisait pas obstacle à ce que le préfet décide de prendre à son encontre une mesure d'éloignement, motivée par l'irrégularité de son séjour sur le territoire français. L'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ne peut être regardée comme un refus d'enregistrement de sa demande d'asile. Le moyen doit, par suite, être écarté.

8. De même, et pour les mêmes motifs, en décidant de l'obliger à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours, le préfet du Rhône, qui, au demeurant, postérieurement à la notification de l'arrêté litigieux, a enregistré sa demande d'asile le 10 décembre 2020, n'a pas porté une atteinte manifestement illégale et grave à son droit de solliciter une protection internationale.

9. Enfin, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à la date de l'arrêté litigieux, que le moyen tiré de ce que l'enregistrement par le préfet du Rhône de sa demande d'asile aurait eu pour effet d'abroger la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. M. B... soutient être menacé et encourir des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Il n'apporte toutefois aucun élément probant au soutien de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet du Rhône a décidé de l'obliger à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours en fixant l'Algérie comme pays de destination.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. B... une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon est annulé

Article 2 : La demande et le surplus des conclusions de la requête de M. B... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président-assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2022.

2

N° 21LY00666


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00666
Date de la décision : 18/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : DACHARY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-18;21ly00666 ?
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