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13/01/2022 | FRANCE | N°19LY02099

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 13 janvier 2022, 19LY02099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Le République a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1801310 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 4 juin 2019, 12 février 2020 et 7 septembre

2020, la SARL Le République, représentée par Me Beranger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Le République a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1801310 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 4 juin 2019, 12 février 2020 et 7 septembre 2020, la SARL Le République, représentée par Me Beranger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 avril 2019 et de lui accorder la décharge sollicitée ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle ne lui a pas indiqué par écrit la nature des investigations envisagées, ni les données visées, ni la période concernée ;

- les méthodes retenues par le vérificateur sont viciées dès lors qu'elles sont fondées sur des données obtenues lors d'une procédure irrégulière ;

- l'administration n'était pas fondée à appliquer une méthode différente pour chacun des exercices et la comparaison entre l'évolution du chiffre d'affaires hors taxes rectifié et celle des achats hors taxes fait apparaître l'incohérence des résultats obtenus ;

- elle propose une méthode de reconstitution consistant à appliquer le coefficient de marge rectifié de l'exercice 2012-2013 sur les achats hors taxe de l'exercice 2011-2012.

Par un mémoire, enregistré le 12 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 9 septembre 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Ardellier pour la société requérante ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Le République, qui exploite un bar-restaurant sous l'enseigne " Le République " à Lyon, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013 en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue, l'administration a regardé sa comptabilité comme irrégulière et non probante et a procédé à la reconstitution de ses recettes. Par proposition de rectification du 20 novembre 2014, la société s'est vue notifier des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de majorations pour manœuvres frauduleuses, en raison des omissions de recettes constatées au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes du II de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer (...) ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 47 A que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

4. Par un courrier du 12 novembre 2013, l'administration a informé la SARL Le République, qui tenait sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, de son souhait de réaliser des traitements informatiques sur ces systèmes. Ce courrier précisait que l'administration entendait, dans le cadre du contrôle sur place de la comptabilité de la société engagé depuis le 12 novembre 2013, s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des commandes, des ventes et règlements enregistrés. Il précisait que ces traitements porteraient sur un contrôle : " - des taux de TVA appliqués aux articles vendus / - des flux matières par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits / - des procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisses notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés. ". Le courrier présentait ensuite les trois possibilités prévues au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Ce faisant, l'administration a suffisamment précisé la nature des investigations qu'elle souhaitait effectuer afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Si la SARL Le République estime que la période sur laquelle portait ce contrôle n'était pas précisée, l'administration a fait référence à la vérification de comptabilité engagée pour laquelle la société a réceptionné l'avis de vérification portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et mentionnant une date de première intervention le 12 novembre 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. ".

6. La SARL Le République, qui ne conteste plus en appel le rejet de sa comptabilité comme étant irrégulière et non probante, soutient que l'administration n'était pas fondée à appliquer une méthode différente pour chacun des exercices vérifiés et que la comparaison entre l'évolution du chiffre d'affaires hors taxes rectifié et celle des achats hors taxes fait apparaître l'incohérence des résultats obtenus. Elle propose une méthode de reconstitution alternative consistant à appliquer le coefficient de marge rectifié de l'exercice clos en 2013 sur les achats hors taxe des exercices clos en 2011 et 2012.

7. Il résulte, d'une part, de ce qui a été dit au point 4 que l'argumentation de la SARL Le République visant à soutenir que les méthodes retenues par le vérificateur sont viciées dès lors qu'elles sont fondées sur des données obtenues lors d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écartée.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'administration a été amenée à appliquer trois méthodes de reconstitution différentes au titre des trois exercices vérifiés au regard des données disponibles pour chacun des exercices vérifiés.

9. S'agissant de l'exercice clos en 2011, il résulte de la proposition de rectification adressée à la société que l'administration n'a pas pu utiliser les fichiers générés par le logiciel de caisse Windev dont les recoupements ont démontré qu'un nombre important d'opérations avait été quotidiennement supprimé. L'administration a appliqué aux achats comptabilisés le taux de marge défini sur l'exercice clos, exercice pour lequel l'administration a obtenu la quasi-intégralité des tickets RAZ, en le corrigeant à 4,25 après observations de la société par réponse aux observations du contribuable du 15 juin 2015. L'appelante ne saurait ainsi soutenir que ce taux de marge serait erroné.

10. S'agissant de l'exercice clos en 2012, il est constant que la SARL Le République n'a pas fourni l'intégralité des tickets RAZ mais qu'elle n'a produit lors du contrôle que les données de caisse pour la période courant du 3 novembre 2011 au 31 mars 2012. Le vérificateur, après avoir comparé le montant des recettes toutes taxes comprises (TTC) figurant sur l'en-tête des tickets RAZ, sur les bandes de contrôles et le chiffre d'affaires déclaré en a déduit un pourcentage de 19,32 % de recettes éludées sur la période qu'il a appliqué à l'ensemble des recettes comptabilisées en ventilant selon les différents taux de taxe sur la valeur ajoutée applicables. Dans ces conditions, et en l'absence de présentation des données de caisse sur plus de la moitié de l'exercice courant du 1er avril 2011 au 3 novembre 2011, le vérificateur a pu extrapoler les résultats obtenus pour la période de dépouillement à la période vérifiée. A ce titre, le changement de logiciel de caisse, même permissif, ne constitue pas une modification des conditions d'exploitation faisant obstacle à l'extrapolation des données par le vérificateur. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution susvisée serait radicalement viciée ou excessivement sommaire.

11. Si, pour cet exercice, la SARL Le République propose une méthode de reconstitution alternative consistant à appliquer la méthode du coefficient de marge appliquée sur la reconstitution des recettes de l'exercice clos en 2011, il est constant que le taux de recettes éludées s'élève selon la méthode proposée pour l'exercice clos en 2012 à 191 800 euros TTC alors que l'exploitation des données comptables par les tickets RAZ a démontré pour la seule période de dépouillement des tickets un montant de recettes éludés de 141 450,15 euros TTC. Ainsi que l'avait relevé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, une telle méthode n'apparaît pas ainsi pertinente. La SARL Le République ne propose aucune autre méthode plus adaptée à l'estimation du chiffre d'affaires éludé que la méthode retenue par le service.

12. S'agissant de l'exercice clos en 2013, le vérificateur a opéré un rapprochement entre l'en-tête des tickets RAZ édités sur la caisse enregistreuse Pi Electronique, présentés sur la quasi-intégralité de l'exercice et correspondant aux ventes effectivement réalisées par la société, et les bandes de contrôle faisant apparaître des écarts importants au niveau du montant des règlements, du nombre de tickets et des quantités de produits vendues, révélant la suppression de données. Le vérificateur a comparé le chiffre d'affaires déclaré avec celui réellement enregistré dans l'en-tête des tickets RAZ et en a déduit une omission de recettes d'un montant de 352 845 euros hors taxes. La société appelante ne conteste pas en appel la méthode de reconstitution de ces recettes ainsi retenue laquelle n'est ni excessivement sommaire ni radicalement viciée dans son principe.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Le République n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la SARL Le République demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Le République est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le République et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 janvier 2022.

3

N° 19LY02099


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02099
Date de la décision : 13/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-01-02 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal. - Vérification de comptabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BERANGER RAPHAËLE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-13;19ly02099 ?
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