Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision en date du 17 mai 2017 par laquelle le président de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon a refusé de l'inscrire à l'ancien diplôme de l'école, ainsi que la décision de rejet de son recours hiérarchique, d'enjoindre au président de l'ENS de Lyon de l'inscrire au diplôme de l'école en validant les acquis de son parcours antérieur effectué en son sein ou, à titre subsidiaire, de l'admettre en deuxième année du diplôme de l'école et de mettre à la charge de l'ENS de Lyon le versement, à son conseil, d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1800581 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 avril 2020 et des mémoires enregistrés le 13 septembre 2021 et le 15 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Bechaux, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800581 du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du président de l'ENS de Lyon du 17 mai 2017 refusant de l'inscrire à l'ancien diplôme de cette école, ainsi que la décision du 12 décembre 2017 laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté son recours administratif ;
3°) d'enjoindre au président de l'ENS de Lyon, à titre principal, de l'inscrire au diplôme de l'école en validant les acquis de son parcours antérieur effectué au sein de cette école, à titre subsidiaire, de l'admettre en deuxième année du diplôme de l'école, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer son dossier ;
4°) de mettre à la charge de l'ENS de Lyon le versement à son conseil de la somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont retenu que le président de l'ENS de Lyon était en situation de compétence liée pour prendre la décision contestée, sans avoir averti préalablement les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, alors que ce motif ne ressortait pas de la décision attaquée ni n'avait été soulevé par l'administration en première instance ; le principe du contradictoire a ainsi été méconnu ;
- l'administration, qui disposait d'un pouvoir d'appréciation, n'était pas en situation de compétence liée ;
- compte tenu de l'ambiguïté des dispositions de la charte du diplôme alors en vigueur, méconnaissant l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme, il pouvait légitimement comprendre que sa demande d'inscription était recevable jusqu'au mois d'octobre 2012, soit un an après avoir obtenu le master ;
- il appartenait à l'ENS de Lyon de prendre en compte le caractère invalidant de sa maladie dans l'appréciation de sa situation ; sa pathologie, qui constitue un handicap au sens de l'article L. 123-4-2 du code de l'éducation, aurait dû être prise en compte dans l'étude de sa demande d'inscription au diplôme de l'ENS ; la décision est ainsi entachée d'un défaut d'examen particulier sa situation ;
- le principe d'égalité a été méconnu ;
- les circonstances très particulières de sa situation justifiaient que lui soit accordée une dérogation à l'impératif de continuité dans le parcours de formation de l'ENS, qui ne s'impose d'ailleurs qu'aux élèves normaliens, de sorte que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- au regard de son parcours universitaire et de la particularité de sa situation, il aurait pu être admis au nouveau diplôme de l'école ;
- il a été induit en erreur sur les conditions d'inscription au diplôme et n'a pas été informé de l'évolution du règlement de scolarité ; rien ne s'opposait à ce qu'il s'inscrive au diplôme dans les conditions prévues par le règlement de 2017 en validant les acquis de son parcours antérieur ;
- la décision du 17 mai 2017 a été prise au motif de la tardiveté de sa demande et d'un impératif de continuité de la scolarité et non en raison de l'impossibilité de s'inscrire au diplôme de l'école ;
- il était possible à l'ENS, pour des motifs tenant à la scolarité ou à l'état de santé d'un étudiant, de déroger au règlement du diplôme ;
- la substitution de motif sollicitée par l'administration n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense enregistrés le 6 octobre 2020 et le 27 septembre 2021, l'ENS de Lyon, représentée par Me Duverneuil, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 200 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, à titre principal, que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et sollicite, à titre subsidiaire, que le motif tiré de l'impossible réinscription à l'ancien diplôme de l'ENS en l'absence d'inscription antérieure soit substitué au motif retenu dans la décision contestée et tiré de la tardiveté de la demande d'inscription.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bechaux, représentant M. B..., et celles de Me Guillaud, représentant l'ENS de Lyon.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été admis à suivre les formations dispensées par l'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon en qualité d'auditeur à compter de l'année universitaire 2007-2008. Il a obtenu, au titre de l'année universitaire 2010-2011, un diplôme de master en informatique délivré par cette école. Le 12 septembre 2012, M. B... a sollicité son inscription en vue d'obtenir le diplôme de l'ENS de Lyon. Le 8 octobre 2012, le directeur de l'ENS de Lyon a refusé d'y faire droit, au motif que cette demande d'inscription n'était pas possible plus d'un an après l'obtention du master 2. Par un jugement du 23 mars 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision en raison de son insuffisante motivation en fait et en droit, et a enjoint au directeur de l'ENS de Lyon de réexaminer la situation M. B... dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement. Par un courrier dont les services de l'ENS de Lyon ont accusé réception le 26 avril 2017, M. B... a confirmé sa " candidature à la préparation de l'ancien diplôme de l'ENS de Lyon ". Par une décision du 17 mai 2017, prise en exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 mars 2017 et à la suite de la réitération de sa demande d'inscription présentée par l'intéressé, le président de l'ENS de Lyon a, de nouveau, refusé d'inscrire M. B... au diplôme de l'ENS de Lyon au motif que cette demande était tardive au vu des conditions posées par la charte de ce diplôme. Par une décision du 12 décembre 2017, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté son recours administratif en raison, à titre principal, de son incompétence. M. B... relève appel du jugement du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 17 mai 2017 et du 12 décembre 2017.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le juge ne peut se fonder, sans inviter les parties à présenter leurs observations, sur la situation de compétence liée dans laquelle se trouve l'administration pour statuer sur une demande s'il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des pièces du dossier que l'administration estimait être dans une telle situation.
3. Pour rejeter la demande de M. B..., le tribunal administratif a relevé que le président de l'ENS de Lyon était tenu, à la date de la décision du 17 mai 2017, de lui refuser l'inscription à un diplôme qui n'était plus ouvert. Il en a déduit que, pour ce motif, l'intéressé ne pouvait utilement contester cette décision. Toutefois, il ne ressortait pas des pièces du dossier, notamment pas de la décision du 17 mai 2017, ni du mémoire en défense présenté par l'ENS de Lyon, lequel relevait d'ailleurs que les circonstances liées à la situation de M. B... ne justifiaient pas en l'espèce qu'il soit dérogé à l'impératif de continuité du parcours des étudiants, que le président de l'ENS de Lyon s'était fondé sur ce qu'il s'estimait en situation de compétence liée pour refuser l'inscription de M. B... au diplôme. Par suite, en se fondant sur le motif que l'autorité compétente était tenue de refuser cette inscription pour rejeter les conclusions de M. B... sans avoir préalablement informé les parties de son intention de le relever d'office, le tribunal administratif a entaché d'irrégularité son jugement qui doit, dès lors, être annulé .
4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer sur l'ensemble des moyens soulevés devant le tribunal administratif et la cour.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2017 :
5. En premier lieu, l'annulation de la décision du 8 octobre 2012 par le jugement définitif du tribunal administratif de Lyon du 23 mars 2017 impliquait que soit réexaminée l'inscription de M. B... au diplôme de l'ENS de Lyon, au vu des circonstances de droit et de fait prévalant à la date du nouvel examen. A la date de la décision contestée du 17 mai 2017, le règlement du diplôme de l'ENS de Lyon avait été modifié par une délibération du conseil d'administration de l'école du 28 avril 2017. Dans ces conditions, la situation de M. B... devait être réexaminée au vu des dispositions régissant le diplôme de l'ENS de Lyon telles qu'issues de cette délibération. Dès lors, M. B... ne peut utilement soutenir que la charte du diplôme de l'ENS de Lyon, dans sa version antérieure à cette modification et qui n'est pas applicable au litige, aurait été entachée d'une imprécision de rédaction quant à la date jusqu'à laquelle il était susceptible de solliciter son inscription au diplôme.
6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les dispositions de la charte du diplôme de l'ENS de Lyon qui prévoyaient que l'inscription au diplôme devait être effectuée au plus tard l'année suivant l'obtention du master, n'étaient plus applicables à la date de la décision attaquée. Dès lors, le président de l'ENS de Lyon ne pouvait, par sa décision du 17 mai 2017, se fonder sur ces dispositions pour estimer que la demande d'inscription de M. B... était tardive. L'ENS de Lyon demande à la cour de substituer au motif erroné retenu par la décision attaquée un autre motif, tiré de ce que la demande de M. B... visait ainsi une inscription à un diplôme qui n'était plus ouvert.
7. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
8. D'une part, il ressort du courrier adressé par M. B... aux services de l'ENS de Lyon à la suite du jugement du 23 mars 2017, qu'il a confirmé sa demande initiale du 12 septembre 2012 et indiqué qu'il souhaitait être inscrit à la préparation de " l'ancien diplôme " de l'ENS de Lyon, soit celui qui était délivré antérieurement à la réforme issue de la délibération du conseil d'administration de l'école du 28 avril 2017. Les services de l'ENS de Lyon ont, par un courrier électronique du 16 mai 2017, exposé à M. B... les conséquences inhérentes au changement de régime du diplôme et lui ont demandé de confirmer si sa demande d'inscription concernait bien l'ancien diplôme de l'ENS de Lyon. En l'absence de réponse précise de l'intéressé à cette question et au vu des termes de son courrier, il doit être regardé comme ayant sollicité son inscription au diplôme de l'ENS de Lyon dans sa version antérieure à la refonte opérée par la délibération du 28 avril 2017. Contrairement à ce que soutient le requérant, il a été informé, notamment par le courrier électronique évoqué plus haut, des implications résultant de la réforme du diplôme de l'ENS de Lyon, dont au demeurant il verse lui-même au débat la plaquette de présentation. M. B... ne peut ainsi sérieusement soutenir qu'il aurait été induit en erreur sur les conditions d'inscription au diplôme.
9. D'autre part, il résulte de l'annexe 4 à la délibération du conseil d'administration de l'ENS de Lyon du 28 avril 2017, relative au plan d'études, que des dispositions transitoires prévues pour les années universitaires 2016-2017 et 2017-2018, permettaient aux élèves ou étudiants de l'ENS de Lyon d'opter soit pour une " réinscription à l'ancien diplôme de l'ENS de Lyon ", soit pour une " inscription au nouveau diplôme de l'ENS de Lyon ". M. B... n'ayant jamais été inscrit auparavant à l'ancien diplôme de l'ENS de Lyon et n'ayant pas sollicité son inscription au nouveau diplôme, il ne pouvait être fait droit à sa demande tendant à être inscrit à un diplôme qui n'était plus ouvert qu'au titre d'une réinscription. Il résulte de l'instruction que le président de l'ENS de Lyon aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce motif. Par suite, dès lors qu'elle ne prive le requérant d'aucune garantie procédurale, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de procéder à la substitution de motifs demandée.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions de la décision attaquée, que le président de l'ENS de Lyon a pris en compte l'ensemble des pièces produites par M. B..., notamment celles versées en dernier lieu en mai 2017, et a estimé qu'aucun élément ne justifiait une dérogation à l'impératif de continuité dans le parcours de formation au sein de l'ENS de Lyon. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que l'administration a procédé, contrairement à ce qui est soutenu, à l'examen particulier de la situation personnelle de M. B....
11. En dernier lieu, si M. B... fait valoir qu'il a connu de graves problèmes de santé à compter de l'année 2011, il a toutefois indiqué, dans son courrier produit à l'appui de sa candidature renouvelée en 2017, que sa pathologie avait été " correctement traitée " et qu'il n'avait " plus le moindre problème " de santé. Dans ces conditions et au vu de ces éléments de fait existant à la date de la décision attaquée, il ne ressort pas des pièces du dossier que le président de l'ENS de Lyon aurait, en refusant d'inscrire M. B... à titre dérogatoire à l'ancien diplôme de l'école et à supposer qu'il ait pu légalement le faire, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé, notamment au regard de son état de santé, ni méconnu le principe d'égalité.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif de Lyon, que M. B... n'est ni fondé à demander l'annulation de la décision du président de l'ENS de Lyon du 17 mai 2017, refusant de l'inscrire à l'ancien diplôme de cette école, ni fondé à demander l'annulation de la décision de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 12 décembre 2017 rejetant son recours administratif. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que l'ENS de Lyon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800581 du tribunal administratif de Lyon du 21 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'ENS de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au directeur de l'Ecole normale supérieure de Lyon.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2022.
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N° 20LY01276