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06/01/2022 | FRANCE | N°20LY00441

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 06 janvier 2022, 20LY00441


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MAIF a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le département de l'Ain à lui verser la somme de 103 155,54 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2018 et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1805345 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2020, la société MAIF, représentée par Me Moreau, demande à la cour :

1

) d'annuler le jugement n° 1805345 du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamne...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MAIF a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le département de l'Ain à lui verser la somme de 103 155,54 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2018 et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1805345 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2020, la société MAIF, représentée par Me Moreau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1805345 du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner le département de l'Ain à lui verser la somme de 103 155,54 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2018 et de leur capitalisation ;

3°) de condamner le département de l'Ain à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a retenu l'absence de défaut d'entretien de l'ouvrage public en cause en se fondant sur une note de service du 19 janvier 2015 produite par le département de l'Ain faisant état d'une signalisation adéquate des travaux mais contredite par des témoignages antérieurs ;

- aucune faute de la conductrice du minibus n'est rapportée au vu de son propre témoignage, alors même qu'elle avait déjà circulé sur une portion de route en travaux et ne pouvait donc en ignorer l'état ;

- elle a été subrogée aux droits de l'association, de la conductrice et de la CPAM de la Savoie en exécution des protocoles d'indemnisation transactionnelle pour un montant global de 103 155,54 euros.

Par un mémoire enregistré le 8 mai 2020, le département de l'Ain, représenté par Me Pierson, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la société MAIF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable car la demande préalable est intervenue postérieurement à la requête en référé provision ;

- aucune quittance subrogatoire n'est produite quant à l'indemnisation de la conductrice et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie ; il n'est pas justifié que le paiement soit intervenu en vertu d'une garantie régulièrement souscrite ;

- il n'a commis aucun défaut d'entretien car des panneaux de signalisation " absence de marquage " et " projections de gravillons " étaient régulièrement mis en place tous les 500 mètres comme l'indique une note interne du 19 janvier 2015 ;

- la conductrice roulait à 90 Km/h alors que la vitesse était limitée à 50 Km/h sur la portion de route en réfection ;

- l'expertise médicale n'a pas été effectuée de façon contradictoire et lui est donc inopposable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- les observations de Me Ben Hamouda, substituant Me Moreau, représentant la société MAIF ;

- et les observations de Me Cohen-Selmon, représentant le département de l'Ain.

Une note en délibérée, enregistrée le 10 décembre 2021 a été présentée pour le département de l'Ain.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 juillet 2014, vers midi, un minibus appartenant à l'association Centre Educatif Camille Veyron, conduit par une monitrice et transportant une autre accompagnatrice et six enfants handicapés, a dérapé et est sorti de la route départementale D 2 sur le territoire de la commune de Birieux, dans le département de l'Ain, alors que des travaux publics de réfection de la chaussée étaient en cours. Cet accident a entrainé la destruction du véhicule et occasionné des blessures à l'accompagnatrice. La société MAIF, assureur du centre éducatif, a versé diverses sommes à ce dernier, à l'accompagnatrice blessée ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, ayant exposé des débours au profit de celle-ci, puis a vainement adressé le 14 mai 2018 une réclamation préalable au département de l'Ain. Par jugement du 3 décembre 2019, dont la société MAIF relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l'Ain à lui verser la somme globale de 103 155,54 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2018 et leur capitalisation.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Si le département de l'Ain fait valoir que la demande préalable de la société MAIF, reçue le 14 mai 2018, est postérieure à l'introduction de son référé provision devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon le 11 mai 2018, une telle circonstance est sans incidence sur la recevabilité de la requête au fond introduite le 20 juillet 2018, soit postérieurement à la naissance, le 15 juillet précédent, d'une décision implicite de rejet opposée par le département à sa réclamation préalable. La fin de non-recevoir opposée par le département de l'Ain ne peut qu'être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la subrogation :

3. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. (...) ". Il résulte des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances cité ci-dessus que la subrogation légale de l'assureur dans les droits et actions de l'assuré est subordonnée au seul paiement à l'assuré de l'indemnité d'assurance en exécution du contrat d'assurance et ce, dans la limite de la somme versée.

4. D'une part, si le département de l'Ain admet que la société MAIF justifie de sa subrogation dans les droits de l'association Centre Educatif Camille Veyron quant aux frais exposés pour son véhicule endommagé pour un montant de 13 240 euros au vu d'une quittance subrogatoire du 20 avril 2018, il conteste en revanche la subrogation de l'assureur dans les droits de l'accompagnatrice blessée et de la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie et d'Ardèche. Toutefois, il résulte de l'instruction que le 2 novembre 2016, la société MAIF a conclu avec l'accompagnatrice un protocole transactionnel portant sur le montant total de 22 772,67 euros que la victime déclare avoir reçu en paiement. La requérante produit une quittance subrogatoire signée le 14 mars 2019 attestant que la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie et d'Ardèche reconnait avoir perçu la somme globale de 67 142,73 euros. Par suite, la société MAIF établit qu'elle est subrogée aux droits respectifs de l'association précitée, de l'accompagnatrice et de la caisse primaire d'assurance maladie à hauteur de 103 155,40 euros.

5. D'autre part, comme indiqué au point 3, il appartient seulement à l'assureur de rapporter la preuve du paiement d'une indemnité d'assurance à son assuré pour justifier de ses droits en tant que subrogé. Par suite, le département de l'Ain ne peut utilement soutenir que, faute de produire le contrat d'assurance en cause, la société MAIF ne justifie pas avoir versé les indemnités en vertu de garanties régulièrement souscrites.

En ce qui concerne la responsabilité :

6. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

7. En premier lieu, il n'est pas contesté que le véhicule de l'association a soudainement dérapé sur de nombreux gravillons et de la boue présents sur la route départementale D 2 en raison de travaux publics de réfection de la chaussée, sous la maitrise d'ouvrage du département de l'Ain, alors en cours d'exécution, et a fini dans un fossé sur le bas-côté de la route.

8. En deuxième lieu, le tribunal administratif de Lyon a écarté la responsabilité du département de l'Ain en retenant l'absence de défaut d'entretien de l'ouvrage public en cause en estimant que la signalisation du danger que représentaient les gravillons et la boue présents sur la voirie était adéquate avec l'implantation régulière de panneaux signalant l'absence de marquage au sol ou la présence de gravillons sur la chaussée, en se fondant seulement sur une note interne de ses services établie le 19 janvier 2015, soit plus de six mois après l'accident. Or, comme l'oppose la requérante, ni le courrier de la gendarmerie du 28 août 2014, ni les attestations des témoins directs de l'accident n'indiquent la présence de tels panneaux. Selon une attestation du 25 juillet 2014, la première adjointe au maire de la commune de Birieux, qui s'est rendue immédiatement sur les lieux de l'accident indique qu'après avoir fait part de son mécontentement sur l'état de la chaussée auprès du responsable de l'équipement, elle avait constaté que la chaussée avait été balayée et qu'avait été ajouté " un panneau signalant l'état glissant de la route, panneau qu'ils n'avaient pas pris la peine d'installer auparavant ". Les photographies prises le jour de l'accident, dont l'une offre une perspective lointaine des lieux, ne révèlent la présence d'aucun panneau de signalisation. Enfin, sur le seul territoire de la commune de Birieux ont eu lieu deux autres accidents, la veille et le jour même de l'accident, en raison de l'état de la voirie en cause. Dans ces conditions, la seule note interne produite par le département de l'Ain ne saurait suffire à établir la réalité de la signalisation alléguée et, par suite, la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de l'ouvrage public.

9. En troisième lieu, le département de l'Ain fait valoir que la conductrice du minibus a commis une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité. Toutefois, contrairement à ce qu'il allègue, il ne résulte pas de l'instruction que le minibus roulait à une vitesse supérieure à 50 Km/h, vitesse maximale sur la portion de route en réfection selon le courrier de la gendarmerie du 28 août 2014, le témoignage dont le département se prévaut mentionnant seulement que le minibus roulait à moins de 90 Km/h car, roulant lui-même à cette vitesse, le véhicule du témoin était en train de le rattraper. La circonstance, reprise par le jugement attaqué, que l'accident s'est produit au sixième kilomètre de la portion en cours de réfection et que la conductrice du véhicule ne pouvait ignorer l'état de la chaussée, ne saurait suffire à établir l'imprudence alléguée de celle-ci. Il ne résulte pas de l'instruction que la conductrice ait également commis la moindre mauvaise manœuvre lors de l'accident. Par suite, aucune faute de la victime ne peut être relevée en l'espèce.

10. Il découle de ce qui précède que la société MAIF est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il y a lieu de déclarer le département de l'Ain entièrement responsable des conséquences dommageables survenues à la suite de l'accident du 11 juillet 2014.

En ce qui concerne les préjudices :

11. Au préalable, contrairement à ce que soutient le département de l'Ain, la circonstance que l'évaluation des préjudices corporels de l'accompagnatrice a été effectuée par une expertise médicale à laquelle il n'a pas été partie ne rend pas cette expertise nulle ou inopposable à son égard. Dès lors que le département ne critique nullement le contenu de cette expertise, laquelle a été soumise au contradictoire tant devant le tribunal administratif que devant la cour, il y a lieu d'en tenir compte pour l'évaluation du préjudice de la requérante.

12. Il résulte de l'instruction que la société MAIF justifie de la réalité de son préjudice à hauteur du montant de 103 155,40 euros, pour lequel elle est subrogée aux droits de l'association centre éducatif Camille Veyron, de l'accompagnatrice blessée et de la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie et d'Ardèche. Par suite, il y a lieu de condamner le département de l'Ain à lui verser cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2018, date de réception de sa demande préalable.

13. La société MAIF a demandé la capitalisation des intérêts dès sa demande enregistrée au tribunal administratif de Lyon le 20 juillet 2018. Cette demande prend effet à compter du 14 mai 2019, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière. Il y a lieu, par suite, en application de l'article 1154 du code civil, d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société MAIF, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le département de l'Ain. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Ain une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés au même titre par la société MAIF.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1805345 du tribunal administratif de Lyon du 3 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : Le département de l'Ain est condamné à verser à la société MAIF la somme de 103 155,40 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2018. Les intérêts échus à la date du 14 mai 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le département de l'Ain versera à la société MAIF une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société MAIF, au département de l'Ain, à la mutuelle générale de l'éducation nationale, à la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie et à celle du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2022.

N° 20LY00441 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00441
Date de la décision : 06/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP D AVOCATS SAIDJI ET MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-06;20ly00441 ?
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