Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 20 novembre 2017 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape l'a placée en disponibilité d'office à compter du 5 février 2017 dans l'attente de son admission à la retraite pour invalidité.
Par jugement n° 1803406 du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 12 septembre 2019, Mme B..., représentée par Me Saumet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2019 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée du 20 novembre 2017, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du CCAS une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en raison des conditions dans lesquelles le rapporteur public a prononcé ses conclusions, sans analyser les moyens présentés, à l'audience publique tandis que les premiers juges ont suivi ces conclusions dans l'interprétation qu'ils ont faite de la portée de la décision en litige ;
- la décision en litige est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière devant la commission de réforme, par la méconnaissance des articles 4, 9 et 38 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 et des articles 15, 16 et 24 de l'arrêté du 4 août 2004, qui l'a privée de garanties ;
- cette décision est intervenue en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, et de l'article 19 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est illégalement rétroactive en portant effet au 5 février 2017 alors que l'inaptitude définitive n'a été établie qu'au 3 octobre 2017 ;
- elle justifie être apte à d'autres fonctions dans le cadre d'un reclassement ; le centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape a méconnu son droit à un reclassement.
Par mémoire enregistré le 16 janvier 2020, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape, représenté par Me Aubert, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 d code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Thoinet, pour le centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape ;
Considérant ce qui suit :
1. Recrutée en 2008 par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape et titularisée le 1er décembre 2012, Mme B..., agent social, a été placée en congé de maladie ordinaire le 5 février 2013, puis, à compter du 5 février 2014, en disponibilité d'office pour maladie. Par des décisions successives, elle a été sans discontinuer maintenue dans cette position, dans la perspective d'un reclassement, à compter d'un arrêté du 29 août 2016, jusqu'à l'intervention d'un arrêté du président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape du 20 novembre 2017 maintenant, à titre exceptionnel, Mme B... en disponibilité d'office pour maladie, mais, sur avis en date du 3 octobre 2017 de la commission de réforme, dans l'attente de son placement en retraite pour invalidité. Par sa requête, Mme B... demande à la cour d'annuler le jugement n° 1803406 du 10 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du 20 novembre 2017, ensemble la décision rejetant implicitement son recours gracieux, et l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des mentions du jugement attaqué que le rapporteur public, en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative, a prononcé des conclusions lors des deux audiences au cours desquelles la demande de Mme B... a été examinée. La circonstance, à la supposer établie, qu'il aurait conclu brièvement à l'inopérance des moyens invoqués par Mme B... après une requalification de la décision en litige est sans incidence sur la régularité du jugement.
3. En second lieu, les erreurs dont les premiers juges auraient, d'après l'appelante, entaché le jugement attaqué en se ralliant, pour partie, à ces conclusions quant au caractère opérant des moyens et quant à la portée de la décision en litige ne sont susceptibles d'affecter que le bien-fondé de ce jugement et demeurent sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, ainsi que l'a relevé le tribunal dans les motifs du jugement attaqué, il appartient, dans le contentieux de l'excès de pouvoir, au seul demandeur d'articuler les moyens invoqués dans sa demande avec suffisamment de précision dans sa contestation, comme d'ailleurs l'indique Mme B... dans sa requête, pour appeler du défendeur, auquel il ne revient pas de justifier a priori de la légalité de la décision en litige, la production de leur réfutation par toutes pièces utiles aux débats, notamment d'éléments propres à l'espèce, afin de mettre le juge en mesure de déterminer les faits de l'espèce et de vérifier l'application par l'administration des textes pris pour fondement de la décision en cause. En se bornant, tant dans un mémoire en réplique enregistré le 1er février 2019 en première instance qu'à hauteur d'appel, à l'appui d'un moyen général tiré d'un défaut d'information de l'intéressée quant à la procédure suivie devant la commission de réforme, à alléguer un défaut de justification par l'administration de la réception, à tout le moins dans le délai requis, du courrier en date du 15 septembre 2017 expédié par le centre de gestion de la fonction publique territoriale à Mme B... pour l'informer de la tenue de la séance de la commission de réforme le 3 octobre 2017 et du déroulement de la procédure, Mme B... n'invoque pas la méconnaissance d'une des dispositions de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé, lequel ne prévoit notamment pas de forme particulière pour cette notification. Sans qu'elle puisse ainsi prétendre reporter sur l'administration la charge de la preuve qui lui incombe de la pertinence du moyen qu'elle-même invoque, elle n'établit pas, sur ce point, le défaut d'information qu'elle fait valoir. Enfin, il ressort de ce courrier d'information, dont l'annexe avec laquelle il forme ensemble, qu'il contient l'ensemble des éléments de nature à permettre à l'intéressée de comprendre et agir dans la procédure d'instruction et d'examen de son dossier par la commission de réforme en séance du 3 octobre 2017. Par ailleurs, par la production en première instance du courrier, portant la même date, du centre de gestion de la fonction publique territoriale au médecin du service de médecine professionnelle, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape établit l'invitation de ce dernier à la séance de la commission au cours de laquelle a été examiné le dossier de Mme B.... Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que, par voie d'exception de l'irrégularité de l'avis de la commission de réforme en date du 3 octobre 2017, la décision du 20 novembre 2017 serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.
5. En second lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). " Aux termes de l'article 72 de la même loi : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3 et 4° de l'article 57. (...) ". L'article 17 du décret du 30 juillet 1987, pris pour l'application de cette loi, dispose, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, que : " Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. " Le premier alinéa de l'article 5 du même décret dispose que : " Le comité médical supérieur institué auprès du ministre chargé de la santé par le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 (...) peut être appelé, à la demande de l'autorité compétente ou du fonctionnaire concerné, à donner son avis sur les cas litigieux, qui doivent avoir été préalablement examinés en premier ressort par les comités médicaux ". Aux termes de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986 : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier 1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. "
6. D'une part, aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. ", et aux termes de l'article 82 de la même loi : " En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des cadres d'emplois, emplois ou corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces cadres d'emplois, emplois ou corps, en exécution des articles 36, 38 et 39 et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1985 : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. "
7. D'autre part, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en œuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Cette obligation cède toutefois, en vertu des dispositions précitées, devant le constat établi d'un état physique interdisant à l'intéressé l'exercice de toute activité.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment des nombreuses pièces médicales et de l'avis de la commission de réforme du 3 octobre 2017, au vu duquel a été prise la décision en litige, qu'à la date d'effet de cette dernière, le 5 février 2017, Mme B... se trouvait, par la pathologie qui affectait son épaule gauche, définitivement inapte à toute fonction d'agent public.
9. Dans ces conditions, Mme B... ne remplissait pas la condition fixée par les dispositions précitées au point 6 du présent arrêt à l'appui d'une demande de reclassement. Il suit de là que c'est sans méconnaître lesdites dispositions et sans entacher sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de fait de Mme B... que le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape l'a, par la décision en litige, maintenue exceptionnellement en position de disponibilité d'office, afin notamment de lui conserver ses droits statutaires, dans l'attente de sa mise à la retraite pour invalidité. Il en découle que le moyen tiré de ce que la décision du 20 novembre 2017 a eu pour portée, à la date à laquelle elle est intervenue, de la maintenir en cette position au-delà des délais prévus par ces dispositions est inopérant.
10. Enfin, la circonstance que la décision du 20 novembre 2017, pour n'être intervenue qu'après la séance de la commission de réforme du 3 octobre 2017, porte effet au 5 février 2017, n'a d'autre but que de placer Mme B... dans une position statutaire régulière à l'épuisement de ses droits à congés de maladie ordinaire compte tenu de son inaptitude physique à l'exercice de ses fonctions. Elle entre ainsi dans le champ de la dérogation au principe de non-rétroactivité des actes administratifs justifiée par la continuité de la carrière des fonctionnaires et la régularisation de leur situation. Cette circonstance n'a pas non plus pour effet, contrairement à ce que soutient Mme B..., de faire apprécier, rétroactivement, la légalité de cette décision à sa date d'effet, qui par suite est postérieure à l'avis de la commission de réforme du 3 octobre 2017, laquelle a au demeurant statué sur l'état de santé de l'intéressée au 5 février 2017. Dès lors, le moyen tiré de la rétroactivité illégale de la décision du 20 novembre 2017 en litige doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation, d'injonction, et tendant à l'application des dispositions de l'article 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme à verser au centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre communal d'action sociale (CCAS) de Rillieux-la-Pape.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2022.
N° 19LY03515 2
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