Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2015 par lequel le maire de Bren a accordé, au nom de l'Etat, un permis de construire à M. A... en vue de la construction d'un abri pour véhicule, sur un terrain situé 319 chemin Chenelotte.
Par un jugement n° 1723044 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon auquel la demande a été transmise par une ordonnance du Conseil d'Etat n° 430232 du 6 avril 2019 prise en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 janvier 2020, M. A..., représenté par Me Mariller, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande de M. B... et de Mme D... ;
3°) de mettre à la charge des intimés la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours des consorts G... contre le permis de construire en litige, lequel a fait l'objet d'un affichage sur le terrain d'assiette du projet ; en vertu de la jurisprudence Czabaj, le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que ce permis de construire soit remis en cause dès lors que sa contestation devant le tribunal intervient plus d'un an après sa délivrance ; les consorts D... et B... avaient connaissance acquise du permis de construire dès lors qu'ils ont indiqué dans leurs écritures avoir connaissance de l'ampleur des travaux projetés dès le début de l'année 2016 ;
- les intimés n'ont pas intérêt pour contester les permis de construire en litige ; bien que voisins immédiats, ils ne démontrent pas en quoi les travaux projetés sont de nature à affecter les conditions de jouissance de leur bien ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les travaux projetés constituent des extensions de l'habitation existante et pouvaient être autorisés en zone naturelle de la carte communale en application des articles L. 124-2 du code de l'urbanisme ;
- aucun des autres moyens soulevés par les intimés n'est fondé.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 10 avril 2020 et le 8 janvier 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... et Mme D..., représentés par le Cabinet GMR Avocats, concluent au rejet de la requête, et à ce que M. A... leur verse la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que leurs demandes d'annulation n'étaient pas tardives ; les principes de sécurité juridique et de la connaissance acquise ne peuvent leur être opposés dès lors que le permis de construire en litige n'a fait l'objet d'aucune mesure de publicité ;
- ils ont intérêt à contester le permis de construire en litige en leur qualité de voisins immédiats et compte tenu des nuisances notamment visuelles engendrées et perceptibles de leur propriété ;
- le permis litigieux porte sur la construction d'une annexe contiguë à la maison d'habitation mais totalement indépendante de cette dernière, qui ne pouvait être régulièrement autorisée en zone naturelle inconstructible de la carte communale.
Par deux mémoires en observations enregistrés les 28 décembre 2020 et 24 février 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Bren, représentée par la Selarl Cabinet Champauzac, conclut à l'annulation du jugement du 27 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon, au rejet de la demande des intimés et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des intimés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable, car tardive et en l'absence d'intérêt pour agir des intimés ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les projets consistaient en la construction d'annexes alors que les constructions projetées sont des extensions de l'habitation principale et un changement de destination peut être autorisé en zone inconstructible de la carte communale.
La clôture de l'instruction est intervenue le 11 janvier 2021 suite à une ordonnance prise le 18 décembre précédent sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Deswarte pour la société Sanfran, celles de Me Gatti pour M. B... et Mme D..., ainsi que celles de Me Lavisse, substituant le cabinet Champauzac, pour la commune de Bren ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 19 octobre 2015, le maire de Bren, statuant au nom de l'Etat a délivré un permis de construire un abri à voiture à M. A.... M. A... relève appel du jugement du 27 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. En premier lieu, en vertu de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, le délai de recours contentieux de deux mois à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15, lequel précise que : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur (...) ". Les articles A. 424-15 à A. 424-18 du même code précisent les caractéristiques de l'affichage sur le terrain. L'article A. 424-17 de ce code prévoit ainsi : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : " Droit de recours : / " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). / " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme). " ". Aux termes de son article A. 424-18 : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. ". Il résulte des dispositions précitées que l'affichage continu et régulier sur le terrain de l'autorisation d'urbanisme enclenche le délai de deux mois de recours contentieux des tiers à son encontre. S'il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a bien rempli les formalités d'affichage prescrites par ces dispositions, le juge doit apprécier la conformité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figure au dossier qui lui est soumis.
3. Il ressort des pièces du dossier que pour justifier des formalités d'affichage du permis de construire délivré le 19 octobre 2015 au regard des dispositions précitées au point 2, la société pétitionnaire se borne à produire deux attestations émanant d'ouvriers étant intervenus sur le chantier de construction des bâtiments projetés. Toutefois, alors que les intimés font valoir qu'il n'y a jamais eu d'affichage de ce permis, en se fondant sur des photographies du site lors des travaux de construction effectuées en 2015 puis en 2017, ainsi que sur un constat d'huissier réalisé en mai et juillet 2017, les attestations dont la pétitionnaire se prévaut sont peu circonstanciées, ont été réalisées plusieurs années après l'obtention du permis en litige et ne permettent pas d'établir que le panneau présent sur la parcelle d'assiette " dès le début des travaux " selon les propres termes de la société pétitionnaire, est relatif au permis litigieux, ni qu'il comporterait les mentions requises par les dispositions précitées au point précédent. Par ailleurs, dès lors qu'aucune mesure de publicité ou affichage du permis en litige ne peut être établie, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'un délai de plus de deux ans, anormalement long, s'est écoulé entre l'obtention du permis en litige et la saisine du tribunal administratif par les époux D... et B... et ferait obstacle à la recevabilité des conclusions à fin d'annulation du permis attaqué. Enfin, la seule circonstance que les intimés aient mentionné dans leurs écritures de première instance ou d'appel qu'ils ont pris la mesure des travaux réalisés par la société pétitionnaire à compter de la fin de l'année 2015 ou du début de l'année 2016 n'a pas pour conséquence de leur conférer une connaissance acquise du projet ainsi autorisé et dont ils ont ultérieurement contesté la légalité. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté en litige et enregistrées au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 29 mai 2017 étaient tardives.
Sur l'intérêt pour agir de M. B... et de Mme D... :
4. M. A... ainsi que la commune réitèrent en appel sans y ajouter de nouveau développement leurs fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt pour agir des époux B... et D.... Il convient d'écarter cette fin de non-recevoir par adoption des motifs circonstanciés retenus par les premiers juges et mentionnés au point 4 du jugement.
Sur la légalité du permis de construire en litige :
5. Aux termes de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Les cartes communales respectent les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1. Elles délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l'exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles ". Selon l'article R. 124-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le ou les documents graphiques délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et ceux où les constructions ne peuvent pas être autorisées, à l'exception : 1° De l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ; (...) ".
6. Il est constant que le permis litigieux porte sur un terrain d'assiette qui se situe en zone non constructible, naturelle de la carte communale de Bren approuvée le 8 novembre 2005. Si M. A... fait valoir que les travaux projetés pouvaient être autorisés sur le fondement des dispositions précitées au point 5 dès lors qu'ils portaient sur la construction d'une extension à la maison d'habitation principale préexistante, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'abri projeté ne communique pas avec cette construction, dont il est fonctionnellement indépendant et qui fait office de garage pour les constructions autorisées par les permis de construire des 3 juin 2012 et celui tacitement délivré le 20 mars 2017 qui ont d'ailleurs été ultérieurement annulés par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 décembre 2019, jugement confirmé par une décision de la Cour de céans de ce jour (n° 20LY00425). Dès lors, faute de pouvoir être regardé comme constituant une extension de l'enveloppe bâtie, ce projet, comme le soutiennent M. B... et Mme D..., a été autorisé en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 124-2 et R. 124-3 du code de l'urbanisme.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du maire de Bren du 19 octobre 2015.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le requérant tendant à la mise à la charge de M. B... et de Mme D..., qui ne sont pas partie perdante, des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. Il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par les intimés au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés et de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros à verser à ces derniers. Enfin, les conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Bren, qui a la qualité d'observateur et non de partie, doivent être, en tout état de cause, rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à M. B... et Mme D... la somme de 2 000 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à M. C... B... et Mme F... D....
Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ainsi qu'à la commune de Bren.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2021.
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N° 20LY00426