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16/12/2021 | FRANCE | N°21LY00778

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 16 décembre 2021, 21LY00778


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 avril 2020 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la

notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou subsid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 avril 2020 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2002977 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2021, Mme A..., représentée par sa tutrice, Mme B... A..., ayant pour avocat la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Sabatier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", ou de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissant algérienne née le 24 janvier 1999, est entrée en France le 15 octobre 2017 munie d'un visa de court séjour. Le 19 février 2019, elle a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 16 avril 2020, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 12 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

3. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A... sur le fondement de ces stipulations, le préfet du Rhône a notamment relevé que, par un avis rendu le 19 juin 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de cet avis, Mme A... pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine, l'Algérie. Si Mme A..., atteinte de trisomie 21 et souffrant d'une pathologie thyroïdienne, d'une affection cardiaque, d'un diabète de type II et de troubles de la vision, produit un certificat établi le 4 mai 2020 par un médecin généraliste, indiquant " qu'un défaut de traitement aurait des conséquences désastreuses avec risque de décès ", sans autre précision, notamment quant à la nature du traitement suivi, un tel certificat n'est pas de nature à contredire l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office. En outre, les deux autres certificats médicaux, établis par un même médecin les 12 mars 2019 et 5 mai 2020, se bornent à indiquer que les soins nécessités par l'état de santé de Mme A... consistent en un suivi cardiologique, à la suite d'une cardiopathie qui a été opérée à l'âge de quatorze mois, et ophtalmologique ainsi qu'en une prise en charge du diabète, de la thyroïdite et de la trisomie, laquelle nécessite des séances de kinésithérapie, d'orthophonie, de psychomotricité et de suivi dans un centre médical de référence, sans faire mention des conséquences d'une absence de traitement. Dans ces conditions, ces certificats, s'ils indiquent qu'un suivi de l'état de santé de Mme A... doit être effectué régulièrement, ne permettent pas de démontrer qu'une absence de traitement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressée et, par suite, ne sont pas de nature à infirmer l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office et par le préfet. Dès lors que la requérante n'établit pas que l'absence de traitement aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle ne peut utilement soutenir qu'elle ne pourra pas accéder à un traitement effectif dans son pays d'origine. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il n'apparaît pas que Mme A... aurait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le préfet du Rhône, qui n'y était pas tenu, n'a pas examiné sa demande au regard de ces dernières stipulations. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de celles-ci à l'appui de sa contestation du refus qui lui a été opposé.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme A... fait valoir que, depuis son entrée sur le territoire français, elle est prise en charge par sa sœur, titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans et désignée le 26 février 2020 par le juge des tutelles du tribunal de proximité de Villeurbanne pour la représenter dans la gestion de ses biens et de sa personne, et qu'en outre ses trois frères ainsi que ses parents résident sur le territoire français. Toutefois, il est constant que les parents de la requérante ainsi que notamment l'un de ses frères, qui se borne à produire un visa de court séjour, n'ont pas été admis au séjour en France. Mme A..., célibataire et sans enfant, ne justifie pas être dépourvue de toute attache familiale en Algérie, où elle a vécu pour l'essentiel et où elle a été admise dans un centre spécialisé à l'âge de quinze ans. Elle n'établit pas que des membres de sa famille proche, notamment ses parents, en situation irrégulière sur le territoire français, ne pourraient pas la prendre en charge dans leur pays d'origine. Eu égard à ces considérations ainsi qu'à la brièveté et aux conditions de séjour sur le territoire français de l'intéressée, la décision par laquelle le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, Mme A... n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

8. En deuxième lieu, si Mme A... soutient que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, ce moyen doit être écarté dès lors que, comme il a été dit au point 3, il n'est pas établi que l'interruption par l'intéressée de sa prise en charge médicale aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

9. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En quatrième lieu, si Mme A... fait valoir que sa cellule familiale se trouve désormais sur le territoire français et qu'en cas d'éloignement, aucun membre de sa famille ne pourrait la prendre en charge en Algérie, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que rien ne fait obstacle à ce que ses parents, de même nationalité et qui ne bénéficient d'aucun droit au séjour en France, assurent dans leur pays d'origine la prise en charge que nécessite son handicap. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

11. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, Mme A... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2021.

2

N° 21LY00778


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00778
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-16;21ly00778 ?
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