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16/12/2021 | FRANCE | N°19LY02311

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 16 décembre 2021, 19LY02311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) Etoiles a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013.

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Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 juin 2019, la SAS Etoiles, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) Etoiles a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1804895 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 juin 2019, la SAS Etoiles, représentée par Me Prudhomme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de surseoir à son exécution jusqu'au prononcé de l'arrêt ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013 ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des impositions en litige ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que sa comptabilité a été jugée non probante, les écarts résultant de la comptabilité matière étant contestables ;

- la méthode de reconstitution de ses recettes est radicalement viciée.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Etoiles exerce une activité principale de brasserie et de bar dans un établissement situé à Lyon. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité, écartée comme non probante, l'administration fiscale lui a notifié, selon proposition de rectification contradictoire du 18 décembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012 et 2013, du fait des exercices respectivement clos les 30 septembre 2012 et 31 décembre 2013, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013, assortis de pénalités pour manquement délibéré. La SAS Etoiles relève appel du jugement du 16 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Lyon, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, a expressément répondu à l'intégralité des moyens soulevés devant lui, par une motivation exhaustive qui n'est entachée d'aucune insuffisance. La circonstance que le tribunal aurait écarté à tort certains moyens ou arguments relève du seul bien-fondé du jugement. Par suite, la SAS Etoiles n'est pas fondée à soutenir que le jugement critiqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

3. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ".

4. Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales qu'il incombe à l'administration d'établir que la comptabilité de la SAS Etoiles comportait de graves irrégularités justifiant son rejet. Il est toujours loisible à l'administration de justifier le rejet de la comptabilité du contribuable vérifié, même si elle est régulière en la forme, en se fondant sur des motifs pertinents tirés du manque de valeur probante de cette comptabilité, accompagnés de tous éléments de fait permettant de présumer que les résultats déclarés ont été minorés.

5. En premier lieu, il est constant que, pour la période antérieure au 27 avril 2013, soit l'essentiel de la période vérifiée, la SAS Etoiles n'a pu produire le détail journalier des tickets de caisse constituant les pièces justificatives de ses écritures comptables, que ce soit sous forme dématérialisée ou sous la forme de bandes de contrôle papier. La circonstance alléguée qu'une sauvegarde informatique préalable au changement de logiciel ayant entraîné le regroupement des tickets de caisse aurait disparu involontairement demeure sans influence sur l'irrégularité, qui n'est pas vénielle, résultant de l'absence de production des pièces justificatives de recettes, alors même que le vérificateur aurait néanmoins eu accès à certaines informations en exploitant les tickets compressés. Ni le changement de gérance puis du système de caisse intervenu à compter du 2 juillet 2013 ni le taux de marge brute affiché par l'appelante ne sont de nature à remettre en cause l'irrégularité opposée à la SAS Etoiles.

6. En deuxième lieu, il résulte de la proposition de rectification que les ventes comptabilisées par la requérante au titre des deux exercices rectifiés pour les vins en vrac, la bière en fût, et les " cocas, sodas et jus " présentent, selon les calculs établis par le service vérificateur, des écarts en unités de vente significatifs par rapport aux achats de la société auprès de ses fournisseurs, corrigés de la variation des stocks et déduction faite des pertes, des vols, des offerts, de l'autoconsommation, ainsi que de la casse et après prise en compte de plusieurs correctifs. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des termes de la proposition que le vérificateur a procédé au rapprochement entre les factures obtenues des fournisseurs par l'exercice de son droit de communication et la comptabilité de la SAS Etoiles, laquelle a par ailleurs disposé de l'ensemble des éléments pertinents pour lui permettre de discuter utilement les conclusions du vérificateur, ce dont elle admet s'être abstenue en avançant un motif financier. Ses allégations très insuffisamment étayées relatives à l'insuffisance du contrôle exercé par le précédent gérant, à des détournements de marchandises, aux modalités d'encaissement ou encore à l'insuffisance du taux admis par le service au titre de la perte, des vols, de la casse, de l'autoconsommation et des offerts, ne sont pas de nature à contredire les conclusions du service. La SAS Etoiles ne remet dès lors pas sérieusement en cause la réalité des écarts de 44 077 unités de vente et 29 568 unités de vente respectivement retenus pour les exercices 2012 et 2013 à l'issue de la vérification de comptabilité.

7. Par suite, l'administration, sans s'immiscer dans l'organisation comptable de la société, apporte la preuve qui lui incombe des graves irrégularités entachant la comptabilité présentée par la SAS Etoiles, en dépit du respect par cette dernière d'autres obligations figurant notamment au plan comptable général.

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

8. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité (...) ".

9. Ainsi qu'il a été précédemment exposé, la comptabilité présentée par la requérante est entachée de graves irrégularités. En outre, les impositions litigieuses ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu le 6 juillet 2017. Dès lors, en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il appartient à la SAS Etoiles d'apporter la preuve de l'exagération de ces impositions.

10. Pour reconstituer le chiffre d'affaires omis par la SAS Etoiles, le service vérificateur a exploité les tickets de caisse détaillés remis pour la période du 27 avril 2013 au 31 décembre 2013, en isolant les tickets comportant au moins un des articles appartenant aux catégories " vin en vrac ", " bière en fût " ou " coca soda jus ", dont il n'est pas démontré qu'ils ne seraient pas significatifs pour une activité de brasserie et bar, et en déterminant le chiffre d'affaires moyen associé à la vente de l'une de ces boissons, soit 10,32 euros, ce montant ayant ensuite été appliqué aux écarts en unités de vente constatés à l'occasion de la comptabilité matière. Contrairement à ce que soutient la requérante, dès lors que les tickets retenus par le service comportaient soit des boissons seules, soit des boissons avec repas, la méthode appliquée ne saurait être regardée comme viciée au motif que l'administration aurait estimé à tort qu'un repas serait systématiquement associé à une vente de boissons, alors que le service, à l'inverse, a tenu compte des conditions d'exploitation mixtes, associant bar et brasserie. Ni le prix unitaire moyen des boissons seules, ni un prix unitaire par ticket, qui n'est pas rapporté aux quantités de boissons vendues et qui est au demeurant obtenu en appliquant un diviseur dont la requérante ne précise pas l'origine, ne permettent de déterminer un chiffre d'affaires éludé associé aux écarts de ventes ressortant de la comptabilité matière, la requérante ne démontrant pas que seules des ventes de boissons auraient été dissimulées. La circonstance que, pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires dissimulé, l'administration fiscale ait utilisé des tickets de caisse édités au cours de deux exercices distincts est sans incidence sur le respect du principe d'indépendance des exercices. La SAS Etoiles ne démontre pas, par ailleurs, que le changement de gérance intervenu à compter du 2 juillet 2013 ait entraîné des modifications dans les conditions d'exploitation telles qu'elles auraient justifié une analyse distincte, dont l'absence vicierait radicalement la méthode de reconstitution. La SAS Etoiles ne peut en outre utilement se prévaloir ni de l'absence de rectification au titre de l'exercice clos en 2011, qui était prescrit à l'issue des opérations de vérification, ni de l'absence de rectification concernant l'établissement secondaire exploité jusqu'en juin 2012, lequel exerçait une activité distincte de sandwicherie. L'augmentation du taux de marge brute résultant, pour la requérante, des effets du contrôle ne saurait par ailleurs suffire à démontrer que la méthode utilisée serait radicalement viciée. Par suite, la SAS Etoiles n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération de ses bases d'imposition.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Etoiles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS Etoiles la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Etoiles est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Etoiles et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2021.

5

N° 19LY02311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02311
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : PRUDHOMME AGNÈS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-16;19ly02311 ?
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