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14/12/2021 | FRANCE | N°20LY03384

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 14 décembre 2021, 20LY03384


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 février 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a l'obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2003579 du 23 juillet 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
>Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2020, Mme B..., représentée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 février 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a l'obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2003579 du 23 juillet 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me Zoccali, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 juillet 2020, ainsi que l'arrêté du 6 février 2020 du préfet du Rhône ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'erreur d'appréciation pour l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'elle ne peut accéder à un traitement effectif en Guinée ; cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, car son exécution l'expose à l'interruption de son traitement et à une mise en danger et le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est aussi méconnu.

- la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant

- la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.

Le préfet du Rhône n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 23 octobre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a admis Mme B... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de la République de Guinée née en 1953, est entrée en France le 6 septembre 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 mai 2017, notifiée le 29 mai suivant. Mme B... a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire du 27 juin 2017 qu'elle n'a pas exécutée. Elle a bénéficié d'un titre de séjour valable du 29 juin 2018 au 28 juin 2019, délivré sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle a demandé le renouvellement auprès de la préfecture du Rhône le 26 août 2019. Par arrêté du 6 février 2020, le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 23 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En application de l'article L. 9 du code de justice administrative, les jugements sont motivés. Afin de satisfaire à ce principe de motivation des décisions de justice, le juge administratif doit répondre, à proportion de l'argumentation qui les étaye, aux moyens qui ont été soulevés par les parties auxquelles sa décision fait grief et qui ne sont pas inopérants.

3. En l'espèce, en relevant, après les avoir énumérés, qu'il ne ressort pas des différents certificats médicaux produits émanant tant de généralistes que de spécialistes ainsi que d'un article de presse à vocation générale sur le système de santé guinéen, que ces pièces " ne permettent pas de contredire sérieusement l'appréciation portée par ledit collège de médecins " le premier juge a, eu égard aux précisions et justificatifs produits par l'intéressée au soutien du moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, suffisamment répondu à ce moyen.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 février 2020 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; ".

5. Par avis du 29 novembre 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), saisi dans le cadre de la demande de titre de séjour présentée par Mme B..., a estimé que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait des soins dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier de soins appropriés en Guinée, son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'un diabète insulino-dépendant, d'hypertension et d'hyperthyroïdie, porte une prothèse à un membre inférieur et a, par ailleurs développé un glaucome. Pour contester l'appréciation du collège des médecins de l'OFII que s'est appropriée le préfet, l'intéressée verse aux débats un article de presse sur le système de santé guinéen, des certificats médicaux, dont la plupart sont postérieurs à la décision attaquée, attestant des prescriptions médicamenteuses en France et faisant état de manière peu circonstanciée de l'impossibilité pour l'intéressée de poursuivre ses traitements en Guinée et enfin, des attestations de médecins guinéens, favorables à une prise en charge de l'intéressée en France et postérieures à l'arrêté litigieux ainsi qu'un courrier d'une pharmacie de Conakry attestant de l'indisponibilité de certains médicaments qu'elle s'est vus prescrire. Toutefois ces pièces ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins sur la disponibilité des soins et traitements nécessaires à l'intéressée en Guinée que s'est appropriée le préfet. Par suite, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler son titre de séjour. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.

6. En deuxième lieu, pour soutenir que les décisions du préfet du Rhône du 6 février 2020 refusant la délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire portent une atteinte disproportionnée à son droit au droit au respect de sa vie privée et familiale, Mme B... fait valoir qu'elle est bien intégrée en France où vivent aussi ses deux sœurs et sa fille, cette dernière étant en situation régulière et étudiante à Grenoble. Compte tenu toutefois de la brièveté et des conditions du séjour en France de l'intéressée, qui a vécu en Guinée jusqu'à l'âge de soixante-deux ans, dont la demande d'asile a été rejetée et dont il n'est pas démontré qu'elle ne puisse poursuivre ses suivi et traitements médicaux en Guinée, les circonstances dont il est fait état n'établissent pas que les décisions en litige ont porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises.

7. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 6 Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire, ni de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

8. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'est assorti d'aucune précision permettant à la cour d'y répondre.

9. Pour les motifs exposés au point 5, le moyen selon lequel la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En cinquième et dernier lieu, Mme B... ne peut utilement soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire national méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11 Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêté confirme le rejet des conclusions de la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 6 février 2020 et n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... veuve B... et(/nom)(ano)A(/ano) au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Daniele Déal, présidente ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.

2

N° 20LY03384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03384
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ZOCCALI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-14;20ly03384 ?
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