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02/12/2021 | FRANCE | N°19LY04810

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 02 décembre 2021, 19LY04810


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La mutuelle Eovi Usmar services et soins, aux droits de laquelle vient la Mutualité française de la Loire Haute-Loire a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2013.

Par un jugement n° 1803291 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un m

moire enregistrés les 27 décembre 2019 et 1er juillet 2020, la Mutualité française de la Loire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La mutuelle Eovi Usmar services et soins, aux droits de laquelle vient la Mutualité française de la Loire Haute-Loire a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2013.

Par un jugement n° 1803291 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 décembre 2019 et 1er juillet 2020, la Mutualité française de la Loire Haute-Loire, représentée par Me Charrié, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 octobre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la provision litigieuse n'ayant pu être déduite dès l'origine, elle ne saurait être considérée comme non justifiée pour la détermination de la variation d'actif net au sens du 2 de l'article 38 du code général des impôts ; par conséquent, ni la théorie de la correction symétrique des bilans ni celle de l'intangibilité du bilan d'ouverture du bilan du premier exercice non prescrit ne trouve à s'appliquer pour justifier du rehaussement du résultat fiscal du premier exercice non prescrit ;

- les paragraphes nos 370 et 380 du BOI-IS-CHAMP-10-50-20 s'opposent à l'imposition de la provision constituée dans la période antérieure à l'entrée en fiscalité et considérée comme non déductible par l'administration.

Par un mémoire enregistré le 29 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que l'administration, remettant en question le bien-fondé de la provision non justifiée, a procédé à sa réintégration dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2013 ;

- la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine qu'elle invoque, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la provision litigieuse aurait été traitée, lors de l'établissement du bilan d'entrée en fiscalité, comme une provision non déductible.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La mutuelle EOVI Usmar Services et Soins a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 29 novembre 2016, l'administration lui a notifié notamment une rectification de 106 922 euros en base au titre de l'exercice clos en 2013, correspondant à une provision considérée comme non justifiée, comptabilisée à raison de la dépréciation du stock de montures de lunettes vendues dans les magasins gérés par la mutuelle. La Mutualité française de la Loire Haute-Loire venant aux droits de la mutuelle Eovi Usmar Services et Soins relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2013.

Sur la loi fiscale :

2. D'une part, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ".

3. D'autre part, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. / (...) Les provisions qui, en tout ou en partie, reçoivent un emploi non conforme à leur destination ou deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice. Lorsque le rapport n'a pas été effectué par l'entreprise elle-même, l'administration peut procéder aux rectifications nécessaires dès qu'elle constate que les provisions sont devenues sans objet ". Il résulte de ces dispositions qu'une provision faisant l'objet d'un emploi non conforme à sa destination ou devenue sans objet au cours d'un exercice doit être réintégrée au bilan de clôture de ce même exercice ou, si cet exercice est prescrit, dans les bilans des exercices non prescrits à l'exception du bilan d'ouverture du premier de ces exercices. Toutefois, lorsque cette provision ne satisfaisait pas, dès l'origine, aux conditions de déductibilité, cette erreur initiale, pour autant qu'elle ne revête pas, pour le contribuable, un caractère délibéré, doit être corrigée dans le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel elle a été irrégulièrement constituée ou, si cet exercice est prescrit, dans les bilans des exercices non prescrits à l'exception du bilan d'ouverture du premier de ces exercices, rendant ainsi sans objet sa reprise ultérieure pour emploi non conforme ou perte d'objet.

4. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les résultats de la mutuelle Eovi Usmar Services et Soins au titre du premier exercice non prescrit, clos le 31 décembre 2013, une provision pour dépréciation du stock de montures de lunettes distribuées aux magasins mutualistes à hauteur de 106 922 euros, que la mutuelle avait inscrite aux bilans de clôture des exercices clos en 2013 et 2014 et que l'administration a estimé injustifiée.

5. La requérante soutient que cette provision n'était pas déductible dès l'origine et qu'elle s'est toujours abstenue de la déduire, de telle sorte que sa reprise comptable n'a pas à être prise en compte dans son résultat fiscal. Toutefois, en se bornant à produire les liasses fiscales correspondant aux exercices clos en 2011, 2012 et 2013, la requérante n'établit pas que la mutuelle Eovi Usmar Services et Soins se serait abstenue de déduire de ses résultats la provision litigieuse qu'elle avait comptabilisée. Dans ces conditions, et alors qu'il est constant que la provision litigeuse qui avait été constituée à l'origine sur un exercice prescrit ne répondait pas aux conditions de déductibilité, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration l'a réintégrée aux résultats de l'exercice clos en 2013, qui constitue le premier exercice non prescrit.

Sur l'interprétation de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) " .

7. La requérante se prévaut de la doctrine fiscale publiée au BOI-GEO-20-30-20130419, n° 630, en vertu de laquelle " Les mutuelles et les unions régies par le livre I du code de la mutualité et le livre III du code de la mutualité qui seraient soumises aux impôts commerciaux du fait du caractère lucratif de leurs activités doivent constituer un bilan d'entrée en fiscalité. Ce bilan d'entrée doit servir de point de départ pour l'entrée en fiscalité de la mutuelle ou de l'union. " ainsi qu'au paragraphe n° 340 renvoyant, s'agissant des modalités d'établissement d'un bilan d'entrée en fiscalité au BOI-IS-CHAMP-10-50-20 qui expose en ses paragraphes nos 370 et 380, que " En ce qui concerne les provisions établies selon les normes comptables pour faire face à des charges ou risques mais qui, au regard des règles d'assiette, ne correspondent pas à des charges fiscalement déductibles lors de leur constatation, il convient de les déclarer et de les traiter comme des provisions non déductibles. / La reprise comptable de ces provisions sera donc annulée extra-comptablement pour la détermination du résultat fiscal. " et que " En revanche, la reprise d'une provision inscrite au bilan d'entrée en tant que provision déductible du résultat fiscal en application des principes comptables et fiscaux en vigueur sera comprise dans le résultat imposable, la charge réelle couverte par cette provision étant déduite de ce même résultat. ".

8. Toutefois il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait déclaré et traité la provision litigieuse comme une provision non déductible, ni qu'elle aurait procédé à l'annulation extra-comptable de sa reprise pour la détermination de son résultat fiscal.

9. Il résulte de ce qui précède que la Mutualité française de la Loire Haute-Loire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Mutualité française de la Loire Haute-Loire est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Mutualité française de la Loire Haute-Loire et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 décembre 2021.

3

N° 19LY04810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04810
Date de la décision : 02/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL CHARRIE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-02;19ly04810 ?
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