Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 janvier 2018 par laquelle le maire de Grigny a refusé de la reclasser, ensemble la décision rejetant implicitement son recours gracieux.
Par un jugement n° 1803563 lu le 29 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019, et un mémoire enregistré le 7 juin 2020, Mme B..., représentée par Me Tomasi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon lu le 29 mai 2019 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée du 22 janvier 2018, ensemble la décision implicite du 10 avril 2018 rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Grigny une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance était recevable, dès lors que le refus implicite opposé à son courrier du 8 février 2018 constitue une décision de refus de reclassement ;
- par la voie de l'exception de l'illégalité de l'arrêté du 26 juin 2017 la plaçant en disponibilité d'office, intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière résultant des vices affectant l'avis du comité médical du 8 juin 2017, les décisions en litige sont entachées d'illégalité ;
- ces décisions sont intervenues en méconnaissance des articles 57, 72, 81, 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, de l'article 2 du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, et de l'article 19 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 10 avril 2020, la commune de Grigny, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, à titre principal, que la demande de première instance était irrecevable, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Deguerry, pour la commune de Grigny ;
Considérant ce qui suit :
1. Recrutée en 1991 par la commune de Grigny, Mme A... B..., affectée depuis lors au service du protocole, a été titularisée en 1997 dans le cadre d'emploi des adjoints administratifs. A compter du 14 janvier 2014, après un entretien professionnel dont l'intéressée soutient qu'il s'est tenu dans un contexte conflictuel soldant une détérioration, depuis 2005, de son environnement professionnel marqué par des relations tendues avec sa hiérarchie directe et le maire de la commune, Mme B... a été placée en congé de maladie ordinaire jusqu'à une reprise en mi-temps thérapeutique, selon des conditions arrêtées lors d'un entretien le 8 janvier 2015 avec le directeur général des services et la directrice des ressources humaines, sur avis favorable à la même date du comité médical et en date du 15 janvier 2015 du médecin de prévention. Mme B... a été placée à nouveau en congé de maladie ordinaire à compter du 5 février 2015, dans le contexte d'une tentative d'entretien visant à analyser son comportement au service depuis cette reprise. Mme B..., qui n'a jamais repris son activité depuis, a été placée, par un arrêté du 15 mars 2016, en disponibilité d'office, prolongée, par un arrêté du 26 juin 2017, jusqu'au 3 février 2018 dans l'attente de l'issue d'une procédure de mise à la retraite pour invalidité, au vu d'un avis du comité médical du 8 juin 2017 estimant l'intéressée définitivement inapte à toute fonction, confirmé sur recours de Mme B... par le comité médical supérieur le 12 juin 2018. Parallèlement, le 3 août 2017, Mme B... a sollicité un reclassement dans un emploi correspondant à sa situation. Au vu des prescriptions du médecin du travail contre-indiquant, au cas de reprise d'activité, un temps complet, des tâches en contact avec du public ou demandant de la concentration et le travail seul, le maire de Grigny a rejeté la demande de reclassement de Mme B..., par un courrier du 22 janvier 2018. Mme B... a réitéré sa demande par un courrier du 8 février 2018, sur lequel la commune a gardé le silence. Par des jugements du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a notamment annulé, par voie de conséquence de l'annulation de décisions du 15 mars 2016 la plaçant en congés de maladie à mi-traitement puis en disponibilité d'office, la décision du 26 juin 2017 prolongeant cette dernière, et qui avait été prise au vu de l'avis du comité médical du 8 juin 2017. Par sa requête, Mme B... demande à la cour d'annuler le jugement n° 1803563 lu le 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 janvier 2018 par laquelle le maire de Grigny a refusé de la reclasser, ensemble la décision rejetant implicitement son recours gracieux, et l'annulation de ces décisions.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense à la demande de Mme B... en première instance et sur la recevabilité de la requête :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision du 26 juin 2017, annulée ainsi qu'il vient d'être dit par le jugement n° 1708516 lu le 20 juillet 2018, avait pour seul objet, en-dehors de toute demande de l'intéressée, de prolonger la disponibilité d'office de Mme B... pour raison de santé du 5 mai 2017 au 3 février 2018, dans l'attente de sa mise à la retraite pour invalidité et était intervenue au visa de l'avis en date du 8 juin 2017 du comité médical.
3. Le courrier du 22 janvier 2018 en litige, d'une part, indique à Mme B... la nouvelle saisine, dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur, du comité médical départemental, en vue d'examiner son aptitude à exercer ses fonctions ou toutes fonctions et la prolongation de la disponibilité d'office, d'autre part, l'informe de la teneur des prescriptions du médecin du travail à la suite d'un examen en date du 7 septembre 2017, enfin rejette, au jour de sa signature, la demande de reclassement contenue dans sa demande de reprise de service présentée à la commune le 3 août 2017 et réitérée par le courrier du 8 février 2018, notifié le lendemain, sur lequel l'administration a gardé le silence. Les conclusions à fins d'annulation de Mme B..., tant en première instance qu'en appel, sont exclusivement dirigées contre le rejet de sa demande et, par suite, contre le refus de reclassement.
4. La circonstance que, pour prendre les décisions en litige, l'administration ait pris en compte, au même titre que les prescriptions du médecin du travail, la teneur de l'avis émis par le comité médical le 8 juin 2017, n'a pas pour effet de faire regarder les décisions en litige comme intervenues sur le fondement, voire au visa, de cet avis. Il ne saurait dès lors être inféré de cette circonstance que le refus de reclassement serait intervenu au terme de la procédure de renouvellement de la disponibilité d'office et, partant, aurait eu pour fondement la décision, annulée, du 26 juin 2017, elle-même prise ensuite de l'avis du 8 juin 2017. Par suite, en premier lieu, et ainsi que l'ont dit les premiers juges, l'annulation de la décision du 26 juin 2017 ne saurait entraîner, par voie de conséquence, celle du 22 janvier 2018 ou du rejet implicite en litige. En second lieu, il découle de ce qui vient d'être dit que l'ensemble des moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'irrégularité de l'avis du 8 juin 2017 comme de l'illégalité de la décision du 26 juin 2017 sont inopérants.
5. En second lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit: / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). " Aux termes de l'article 72 de la même loi : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. (...) ". L'article 17 du décret du 30 juillet 1987, pris pour l'application de cette loi, dispose, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, que : " Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. " Le premier alinéa de l'article 5 du même décret dispose que : " Le comité médical supérieur institué auprès du ministre chargé de la santé par le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 (...) peut être appelé, à la demande de l'autorité compétente ou du fonctionnaire concerné, à donner son avis sur les cas litigieux, qui doivent avoir été préalablement examinés en premier ressort par les comités médicaux ". Aux termes de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986 : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier 1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. "
6. D'une part, aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. ", et aux termes de l'article 82 de la même loi : " En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des cadres d'emplois, emplois ou corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces cadres d'emplois, emplois ou corps, en exécution des articles 36, 38 et 39 et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1985 : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. "
7. D'autre part, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en œuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Cette obligation cède toutefois, en vertu des dispositions précitées, devant le constat établi d'un état physique interdisant à l'intéressé l'exercice de toute activité.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre, depuis au moins 2002, d'un syndrome dépressif réactionnel, exprimé par de fréquents arrêts de travail. Le médecin psychiatre expert agréé, dans son rapport du 3 février 2015, préalable à la commission de réforme, contemporain de l'échec de la tentative de reprise de service de l'intéressée qui s'est soldée par l'entretien avorté du 5 février 2015 et la procédure de disponibilité d'office, retient une souffrance au travail mais écarte le harcèlement autant que l'imputabilité de la pathologie au service, que l'examen n'a pu documenter en-dehors des propos sur un registre accusatoire tenus par Mme B.... La commission de réforme, le comité médical départemental, confirmé postérieurement aux décisions en litige par le comité médical supérieur, ont à plusieurs reprises écarté cette imputabilité. Il est par ailleurs établi par les pièces du dossier, et notamment par le rapport, établi à la suite des événements survenus le 5 février 2015, par le directeur général des services de commune de Grigny, qui avait succédé à la directrice générale des services mise en cause par Mme B... dans l'étiologie de sa pathologie, en date du 8 septembre 2015, ce que confirment les déclarations de la requérante lors des expertises médicales, que Mme B... entendait limiter l'exercice de ses fonctions à " du découpage et du classement ", restant de longues périodes totalement inactive et immobile, sans utiliser les outils informatiques mis à sa disposition pour les tâches dont elle était chargée.
9. A la date des décisions en litige, à laquelle s'apprécie leur légalité, le comité médical, par l'avis du 8 juin 2017, a estimé Mme B... définitivement inapte à toutes fonctions. Par les éléments qu'elle produit, postérieurs à ces décisions et ne portant pas sur des faits antérieurs, Mme B... ne conteste pas sérieusement cette appréciation. Enfin, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, les prescriptions du médecin du travail, saisi pour avis par le maire de commune de Grigny en vue d'éclairer son appréciation sur la demande de reclassement formée par Mme B..., au demeurant limitées à l'hypothèse d'une reprise sans se prononcer sur l'aptitude, excluant tout travail demandant de la concentration, en contact avec le public ou solitaire, doivent être assimilées, au regard des tâches exercées par un agent public, à une incompatibilité de l'état physique de l'intéressée à l'exercice de toute fonction d'agent public.
10. Dans ces conditions, Mme B... ne remplissait pas la condition fixée par les dispositions précitées au point 4 du présent arrêt à l'appui de sa demande de reclassement. Il suit de là que c'est sans méconnaître lesdites dispositions et sans entacher sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de fait de Mme B... que le maire de la commune de Grigny a rejeté ses demandes de reclassement.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme à verser à la commune de Grigny au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Grigny tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Grigny.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021.
N° 19LY02991