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10/11/2021 | FRANCE | N°21LY00631

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 10 novembre 2021, 21LY00631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler une décision du 6 janvier 2020 du préfet de Saône-et-Loire intervenue sur sa demande de titre de séjour et d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande et d'y statuer dans un délai de trente jours suivant la notification du jugement.

Par un jugement n° 2000631 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 6 janvier 2020 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de procéder à l'enregist

rement de la demande de titre de séjour de M. A... (article 1er), et a enjoint au pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler une décision du 6 janvier 2020 du préfet de Saône-et-Loire intervenue sur sa demande de titre de séjour et d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande et d'y statuer dans un délai de trente jours suivant la notification du jugement.

Par un jugement n° 2000631 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 6 janvier 2020 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de procéder à l'enregistrement de la demande de titre de séjour de M. A... (article 1er), et a enjoint au préfet de Saône-et-Loire de procéder à l'instruction de la demande de M. A... et de lui en délivrer récépissé valant autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 février 2021, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Dijon.

Il soutient que :

- il n'était pas tenu de procéder à l'enregistrement de la demande de titre de séjour de M. A... pour se prononcer sur l'authenticité des actes d'état civil présentés ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la circonstance que les actes d'état civil guinéen ne comportent pas certaines mentions rendues obligatoires par le code civil guinéen, en l'espèce la date et le lieu de naissance des parents de l'intéressé, est de nature à remettre en cause la validité d'un acte établi à l'étranger, en application de l'article 47 du code civil ;

- compte tenu des fragilités de l'administration guinéenne, seule la légalisation du consul de Guinée en France est valable, le tampon " vu pour légalisation " ne prouvant pas que les actes ont bien été légalisés par le consul en l'espèce, seule une attachée ayant apposé cette mention, sans qu'il soit démontré qu'elle disposait de la compétence pour légaliser un acte d'état civil guinéen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2021, M. A..., représenté par la SCP Clemang-Gourinat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de statuer sur sa demande d'admission au séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de Saône-et-Loire ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., se présentant comme ressortissant de la République de Guinée né le 4 septembre 2001, a déclaré être entré en France au cours du mois de février 2018 et a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance de Saône-et-Loire par une ordonnance de placement provisoire du 9 mars 2018. A sa majorité, il a demandé au préfet de Saône-et-Loire la délivrance d'un titre de séjour. Il a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une requête tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2020 intervenue sur cette demande d'admission au séjour. Par un jugement du 4 février 2021 dont le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour l'annulation, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 6 janvier 2020 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire aurait refusé de procéder à l'enregistrement de la demande de titre de séjour de M. A... (article 1er), et a enjoint au préfet de Saône-et-Loire de procéder à l'instruction de la demande de M. A... et de lui en délivrer récépissé valant autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement (article 2).

2. En premier lieu, il appartient au juge administratif, le cas échéant, de requalifier la portée des actes qui lui sont soumis. En l'espèce, contrairement à ce que soutient le préfet de Saône-et-Loire et à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Dijon, la décision du 6 janvier 2020 n'est pas constitutive d'un refus d'enregistrement d'une demande de titre de séjour mais d'un refus d'admission au séjour, dès lors, d'une part, que M. A... avait été mis en possession, le 4 septembre 2019, d'un récépissé de demande de carte de séjour en application des dispositions figurant alors à l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'est délivré qu'après enregistrement de la demande, et, d'autre part, qu'il ressort des propres termes de la décision attaquée que le préfet a entendu ne pas faire droit à la demande de délivrance de titre de séjour dont il était saisi, et non simplement à l'enregistrement de cette demande.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. Pour rejeter la demande de titre de séjour déposée par M. A..., au motif qu'il ne pouvait justifier de sa véritable identité, le préfet de Saône-et-Loire a retenu que le jugement supplétif produit par le demandeur, rendu dans des délais extrêmement brefs, ne comportait pas la mention des dates et lieux de naissance de ses parents, que sa transcription était intervenue prématurément, qu'en l'absence de convention bilatérale entre la France et la Guinée, les documents produits auraient dû être légalisés par les autorités françaises afin d'attester de leur authenticité, et que la carte d'identité consulaire ne constituait pas un document d'identité.

5. Pour annuler cette décision, le tribunal administratif de Dijon a retenu, d'une part, que le préfet de Saône-et-Loire avait entaché sa décision d'erreur de droit en exigeant une légalisation par les autorités françaises des actes d'état civil produits par M. A..., légalisés par les autorités guinéennes, alors que, la Guinée n'étant pas partie à la convention de la Haye du 5 octobre 1961, le jugement supplétif et l'extrait de registre d'état civil pouvaient, conformément à la coutume internationale, être également légalisés par le consul de Guinée en France. Les premiers juges ont retenu, d'autre part, qu'il n'était pas établi que l'article 175 du code civil guinéen ainsi que ses articles 601 et 682 s'appliquent aux jugements supplétifs et aux actes d'état civil dressés par transcription de tels jugements, ni que l'éventuelle méconnaissance de ces dispositions ou le délai dans lequel le jugement a été rendu puissent suffire à en établir le caractère frauduleux.

6. En se bornant à soutenir que la circonstance que les actes remis par le demandeur ne comportent pas certaines mentions rendues obligatoires par le code civil guinéen, en l'espèce la date et le lieu de naissance des parents de l'intéressé, est de nature à remettre en cause la validité d'un acte établi à l'étranger, le préfet de Saône-et-Loire, qui n'a au demeurant procédé à aucune investigation, ne conteste pas utilement le motif opposé par les premiers juges tiré de ce qu'il n'établit pas que les textes du code civil guinéen dont il se prévaut sont applicables à un jugement supplétif et aux actes d'état civil dressés par transcription de tels jugements.

7. En faisant ensuite valoir que, compte tenu des fragilités de l'administration guinéenne, seule une légalisation par le consul de Guinée en France lui-même peut être admise, et non le tampon " vu pour légalisation " apposé sur les documents produits par M. A... par une attachée consulaire dont il ne serait pas démontré qu'elle disposait de la compétence pour légaliser un acte d'état civil guinéen, le préfet de Saône-et-Loire oppose à M. A... un nouveau motif sans demander de substitution, et ne conteste en conséquence pas plus utilement le motif d'erreur de droit opposé par les premiers juges.

8. Il résulte de tout ce qui précède, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la même décision serait intervenue si l'autorité préfectorale n'avait retenu que le motif non discuté écartant la carte consulaire, que le préfet de Saône-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision du 6 janvier 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet de Saône-et-Loire prenne une nouvelle décision sur la demande d'admission au séjour de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Clemang, avocat de M. A..., de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Clemang renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de Saône-et-Loire est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Saône-et-Loire de prendre une nouvelle décision sur la demande d'admission au séjour présentée par M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Clemang une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de Saône-et-Loire, à M. B... A... et à Me Clemang.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Mâcon.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2021.

2

N° 21LY00631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00631
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP CLEMANG-GOURINAT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-10;21ly00631 ?
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