Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
I°) Par une requête n° 1702005, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
1°) d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2017 par lequel la présidente du syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat l'a suspendu de ses fonctions ;
2°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II°) Par une requête n° 1702120, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
1°) d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2017 par lequel la présidente du syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat a prononcé son licenciement ;
2°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement nos 1702005, 1702120 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a joint ces requêtes et a annulé la décision de la présidente du syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat du 1er septembre 2017 ordonnant la suspension de M. A... et celle du 19 septembre 2017 prononçant son licenciement et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 septembre 2019 et deux mémoires enregistrés le 1er octobre 2019 et le 17 mars 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat, représenté par la SCP Portejoie, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 juillet 2019 ;
2°) de rejeter les demandes de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les faits qui ont justifié la suspension et la sanction en litige sont avérés et sont suffisamment graves pour justifier ces mesures.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Cayla-Destrem, avocate, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge du syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il expose que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- l'arrêté de suspension en litige n'est pas motivé en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté de suspension en litige n'était pas justifié, dès lors que les faits reprochés ne présentaient pas un caractère suffisant de vraisemblance ;
- l'arrêté de licenciement en litige a été adopté au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le délai de convocation préalablement à l'entretien prévu par l'article 42 du décret du 15 février 1988 n'a pas été respecté, qu'il n'a pas eu connaissance des faits qui lui étaient reprochés avant cet entretien et qu'il n'a pas été préalablement informé de son droit à accéder à son dossier et de son droit à être assisté ;
- l'arrêté de licenciement en litige méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ;
- l'arrêté de licenciement en litige n'était pas justifié, dès lors que les faits reprochés ne sont pas établis.
Par ordonnance du 25 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2021.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, l'instruction a été rouverte pour les éléments demandés le 1er juin 2021 en vue de compléter l'instruction.
Un mémoire a été présenté pour le syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat le 3 juin 2021 en réponse à cette mesure d'instruction et n'a pas été communiqué.
Un mémoire a été présenté pour M. A... le 4 juin 2021 en réponse à cette mesure d'instruction et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A compter du 5 janvier 2015, M. A... a été employé comme auxiliaire de soins par le syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat, par contrat à durée déterminée régulièrement renouvelé. Par décisions du 1er septembre 2017 et du 19 septembre 2017, la présidente de l'établissement a ordonné la suspension, à titre conservatoire, de l'intéressé puis a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire. Saisi par M. A..., le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces deux décisions par un jugement du 2 juillet 2019, dont le syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat relève appel.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige, d'écarter provisoirement de son emploi un agent contractuel qui se trouve sous le coup de poursuites pénales ou fait l'objet d'une procédure disciplinaire. Cette mesure conservatoire peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave.
3. D'autre part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. Pour ordonner la suspension, puis le licenciement de M. A..., la présidente du syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat lui a reproché une tentative d'abus de faiblesse à l'égard d'un couple de personnes âgées, M. et Mme C., auprès desquels l'établissement intervenait. Il ressort des pièces du dossier que M. A... était chargé de prodiguer à M. C. des soins à domicile, nécessités par l'état de grande dépendance de celui-ci. Le 19 juillet 2017, un infirmier de l'établissement, également amené à se rendre au domicile des époux C. et qui a précisément relaté ses constatations dans un courrier du 20 juillet 2017, a constaté que M. A... était hébergé à leur domicile. Tant cet infirmier, que l'infirmière coordinatrice de l'établissement, qui s'est rendue sur place le jour même, ont constaté l'état de peur et de vulnérabilité dans lequel se trouvait Mme C., ce que celle-ci a ultérieurement confirmé par courrier du 31 juillet 2017 sollicitant la cessation de toute intervention de M. A... auprès de son époux, en lui reprochant notamment de s'être insidieusement installé chez eux. M. A... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la sincérité de ces trois témoignages, précis et concordants. En tout état de cause, il a reconnu avoir ainsi été hébergé à titre gratuit depuis près d'un an, ainsi qu'avoir perçu de l'argent de Mme C., en contrepartie, selon lui, de services ou travaux, dont il n'établit toutefois nullement la réalité. M. A... a ainsi bénéficié d'avantages indus auprès d'usagers de l'établissement qui l'employait, au-demeurant en situation de grande vulnérabilité au regard tant de leur âge, que de l'état de santé de M. C., sans apporter aucun commencement de preuve à l'appui des justifications qu'il avance, notamment celle selon laquelle il aurait ainsi seulement répondu à une demande insistante des intéressés. Dès lors, et quand bien même la tentative, qui lui est également reprochée, de se faire désigner auprès d'un notaire comme légataire universel du couple n'est pas établie, M. A... a gravement manqué aux obligations de probité et d'intégrité incombant à tout agent public, et tout particulièrement lorsqu'il participe à un service public s'adressant à des personnes vulnérables. Par suite, quelle qu'ait pu être l'issue de la procédure pénale engagée contre M. A..., les faits qui ont justifié les décisions en litige présentaient non seulement un caractère de vraisemblance suffisant dès le 19 juillet 2017, mais étaient également établis, et, par leur gravité, étaient de nature à justifier tant la suspension de l'agent, que son licenciement pour motif disciplinaire, nonobstant son absence d'antécédents disciplinaires et la satisfaction qu'il aurait jusqu'alors donnée dans l'exercice de ses fonctions.
5. Il suit de là que le syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, pour annuler les décisions du 1er septembre 2017 et du 19 septembre 2017, retenu les moyens tirés de ce que les faits reprochés à M. A... ne revêtaient pas un caractère de vraisemblance suffisant et n'étaient pas établis.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand que devant la cour.
En ce qui concerne la décision du 1er septembre 2017 ordonnant la suspension de M. A... :
7. En premier lieu, une mesure de suspension telle que celle en litige, qui présente un caractère conservatoire, ne constitue pas une sanction disciplinaire. Elle ne relève ainsi d'aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en application de L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, quand bien même M. A... aurait été privé de rémunération pendant la durée de sa suspension. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision est ainsi inopérant.
8. En second lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline (...) ". Si ces dispositions ne sont pas applicables aux agents contractuels en application du II de l'article 32 de cette même loi, celui-ci n'a pas pour effet de priver l'autorité compétente de la possibilité, ouverte même sans texte, d'écarter provisoirement de son emploi un agent contractuel qui se trouve sous le coup de poursuites pénales ou fait l'objet d'une procédure disciplinaire, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la mesure de suspension prononcée à son encontre serait dépourvue de base légale.
9. Il résulte de ce qui précède que le syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision de sa présidente du 1er septembre 2017 ordonnant la suspension de M. A....
En ce qui concerne la décision du 19 septembre 2017 prononçant le licenciement de M. A... :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 42 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. (...) L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que le syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat a convoqué M. A... à un entretien préalable à son licenciement organisé le vendredi 8 septembre 2017, par un courrier en date du 31 août 2017 notifié à l'intéressé, ainsi qu'il ressort de l'accusé de réception produit par l'établissement, le samedi 2 septembre 2017. Le jour de réception de la convocation ne pouvant être pris en compte, il en résulte que l'agent n'a pas bénéficié de cinq jours ouvrables complets avant que ne se tienne cet entretien. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le délai prévu par les dispositions précitées, qui constitue une garantie visant à lui permettre de préparer utilement sa défense, a été méconnu.
12. En second lieu, aux termes de l'article 37 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " (...) L'agent contractuel à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier ". L'information de l'agent exigée par ces dispositions doit intervenir préalablement au prononcé de la sanction et en temps utile pour que le droit à communication du dossier puisse s'exercer.
13. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que, contrairement à ce qu'affirme l'administration, M. A... aurait été informé de son droit à consulter son dossier, préalablement au prononcé de son licenciement. La circonstance qu'il l'ait consulté postérieurement à cette décision est dépourvue d'incidence sur l'irrégularité ainsi commise, laquelle a été de nature à le priver d'une garantie.
14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision, que le syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision de sa présidente du 19 septembre 2017 prononçant le licenciement de M. A....
Sur les frais liés au litige :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat et par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat du 1er septembre 2017 ordonnant sa suspension est rejetée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal de soins à domicile de Chamalières-Royat et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2021.
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N° 19LY03434